"Poussière Tu Seras" de Sam Millar : le fantôme d'un grand polar...
Il y a dans "Poussière tu Seras" tous les éléments d'un grand polar, ou plutôt "Poussière tu Seras" est le fantôme d'un grand polar. Avec un sujet fort - l'impact sur une ville irlandaise, deux décennies plus tard, de l'horreur vécue par des enfants dans un orphelinat abandonné par la bonne société et la justice -, des personnages profonds et complexes - je pense à la magnifique description de la relation sadomasochiste au sein du couple de meurtriers -, et surtout une atmosphère originale que devrait lui envier la majorité des thrillers américains qui recyclent depuis longtemps les idées de quelques pionniers, dans la littérature comme au cinéma. Il y a en plus un vrai style d'écriture, direct, urgent, mais jamais simpliste. Pourtant, quelque chose manque, on a l'impression de passer à côté de tout un tas de choses capitales que Millar n'a pas pris la peine de nous conter. Ce n'est pas seulement une incroyable ellipse au milieu du livre - stylistiquement impeccable mais narrativement maladroite - qui nous prive d'une scène émotionnellement importante, mais aussi la manière dont Millar court circuite l'enquête de son personnage principal, lui permet l'accès à la solution de l'énigme complexe qu'il affronte sans aucun effort. Comme si tout cela allait de soi, alors que justement, le sujet de "Poussière tu seras" est beau parcequ'il échappe aux lieux communs... Finalement, c'est comme si Millar était pressé d'en arriver à la fin de son histoire, et n'avait plu l'énergie nécessaire pour affronter toutes les circonvolutions qu'il avait prévues au départ. Certes, cela nous change des auteurs qui "tirent" à la ligne, mais ça reste diablement frustrant !