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Le journal de Pok

19 juillet 2025

"Eddington" de Ari Aster : vain et asphyxiant…

Je me souviens encore du choc qu’avait été pour moi le visionnage d’Hérédité : j’avais immédiatement appelé tous mes amis cinéphiles pour les informer de la bonne nouvelle, Stanley Kubrick avait enfin un héritier. Après ce film encore imparfait, le magnifique Midsommar avait confirmé mon optimisme, en alliant force du propos, originalité stupéfiante de l’approche, et maîtrise du langage cinématographique. Beau Is Afraid avait été une rude déception, mais il restait ces premières 30 ou 40 minutes sublimes, avant que le film ne s’embourbe dans une symbolique fellinienne indigeste.

Avec Eddington, le doute n’est malheureusement plus permis : le film est désastreux quasiment de bout en bout. En voulant dresser un portrait corrosif de la situation des Etats-Unis, une satire tirant à boulets rouges sur tout, absolument tout ce qui dysfonctionne outre-Atlantique (… et d’ailleurs sur la planète entière, si l’on veut bien y réfléchir), Aster semble avoir totalement oublié de faire du "vrai" cinéma, occupé qu’il était à recycler et des images et des discours qui saturent aujourd’hui les médias, les réseaux sociaux, et même les jeux vidéo (modèle clairement revendiqué pour le carnage quasi-final). Ou plutôt, il utilise dans Eddington sa maîtrise incontestée de la mise en scène de manière totalement hors de propos, appliquant ses redoutables mécanismes de génération de la terreur à des situations qui ne les appellent pas. Pour faire simple – simpliste, même -, les frères Coen auraient pu faire un beau film sur le scénario de Eddington, mais pas un Ari Aster dont le plus grand talent est de créer un malaise insupportable et d’engendrer de l’étrangeté à partir de tout et de rien : or, un pamphlet politique – à la différence d’un film d’horreur – ne fonctionne pas si l’on ne rit pas, si l’on ne réfléchit pas, si l’on ne se met pas « à la place » des personnages, si la seule chose que l’on ressent est un mélange de stress et de gêne (comme dans les dernières scènes, aussi brillantes que complètement vaines).

Eddington se déroule durant la crise du COVID – qui a en effet marqué une rupture nette dans la société, et a exacerbé l’opposition entre réactionnaires, conspirationnistes d’un côté, et une gauche humaniste, s’enfonçant de plus en plus dans des délires woke, de l’autre. Le film raconte l’histoire, horriblement caricaturale mais tout à fait crédible, d’un shérif borné, raciste, trumpiste en diable, qui ne supporte plus ni sa ville, ni sa vie (une femme qui ne veut plus de lui et survit grâce à l’Art, une belle-mère hystérique anti-vax), et qui va prendre les armes pour procéder à un petit nettoyage… avant de se trouver face à un ennemi « extérieur » (Antifa ?) supérieurement organisé. Au centre du film, comme dans Beau Is Afraid, un Joaquin Phoenix qui est de tous les plans, qui surjoue - comme il sait si bien le faire - le déséquilibre (mental ?), et qui peut être, à la rigueur, une bonne raison de voir le film. Le reste des acteurs n’arrive pas à exister face à lui (Pedro Pascal, en « honnête homme » de gauche, semble sortir d’un autre film), mis à part Austin Butler, qui parvient à sortir de son chapeau, en peu de scènes, un personnage flamboyant et réjouissant.

J’ai signalé que la maîtrise technique d’Aster restait impressionnante, que cela soit dans sa façon de jouer sur la durée des scènes, les silences, les ambiguïtés, dans la première partie du film, ou de créer des dérapages grinçants et surprenants vers la violence et l’horreur froide dans la seconde. On a donc envie de lui dire : « Ari, pourquoi ne retournes-tu pas au cinéma fantastique, aux films d’horreur ? Après tout, c’est un genre qui est en ce moment en manque de grands réalisateurs, et tout le monde apprécierait de voir ton talent mieux utilisé que dans tes deux derniers films ».

Espérons qu’il lise cette critique !

18 juillet 2025

"Murderbot" de Chris Weitz et Paul Weitz : promesse non tenue…

Ceux qui sont avaient au moins quinze ans à la fin du XXème siècle se souviendront sans doute que les frères Weitz avaient connu le succès populaire dès leurs débuts, avec le pourtant assez peu brillant American Pie, ce qui leur avait valu une bonne réputation auprès des financiers d’Hollywood, et une beaucoup moins bonne chez les cinéphiles. La suite de leur « carrière » les avait vus s’atteler, ensemble ou séparément, à tout un tas de projets à l’intérêt variable, certains comiques, d’autres beaucoup moins. C’est quand même une petite surprise que de retrouver leurs noms aux commandes d’un objet aussi singulier que la série Murderbot, qui conjugue humour et SF de manière inhabituelle, qui plus chez Apple TV+, une plateforme qui se différencie la plupart du temps par ses ambitions thématiques et formelles. Et puis, en relisant la filmographie de Chris Weitz, on réalise qu’il a été co-scénariste sur Star Wars – Rogue One et sur The Creator, ce qui le positionne comme quelqu’un de crédible dans le domaine de la SF…

Murderbot nous raconte les aventures de « Sec-Unit », un « robot-guerrier », destiné à la protection de ses "clients" êtres humains, qui a réussi à s’affranchir de son système de commande l’empêchant justement de tuer des humains, et qui est donc devenu potentiellement une machine de destruction inarrêtable. Mais quand il part avec une bande de hippies bienveillants explorer une planète, il se sent de plus en plus touché par - et proche de - ces drôles de bipèdes pleins de défauts qu’il méprisait cordialement jusque-là.

Murderbot est en fait l’adaptation du livre All Systems Red (2017), premier tome d’une suite de romans intitulée The Murderbot Diaries, de Martha Wells. Vu l’excellente réputation de ces livres, on peut donc penser que les frères Weitz ont vu leur travail facilité par la participation de l’autrice à la conception de leur série… On se lance avec enthousiasme dans le visionnage des 10 épisodes de… vingt à vingt-cinq minutes… soit une durée franchement inhabituelle pour ce qui est malgré tout une histoire complète, complexe même, puisqu’elle mêle action (la petite équipe est sujette à des attaques répétées d’un groupe hostile mystérieux), comédie (les interactions entre le robot et ses drôles de « clients », aux opinions pour le moins originales – très « woke » en fait) sur la nature humaine, et introspection psychologique pas si simpliste que ça (quelque part, « Sec-Unit » cherche le « sens de la vie »…).

Les qualités de Murderbot sont très vite évidentes : il y a tout d’abord la performance d’Alexander Skarsgård (qu'on avait déjà apprécié dans Succession), son jeu discret, non démonstratif, et surtout sa voix remarquablement placée pour refléter l’ambiguïté de ce robot en quête d’identité et de « sens » (même – et surtout – dans les médiocres séries TV qu’il visionne dès qu’il a quelques secondes de libres…) ; il y a l’esthétique soignée des personnages, des décors « SF », et même l’efficacité des effets spéciaux, certes modestes (on peut imaginer que le budget de la série n’était pas celui d’une mégaproduction) mais convaincants. Et puis il y a cette atmosphère, drôle et pourtant, quelque part, mélancolique, reflétant bien cette angoisse existentielle du robot, mais aussi de ses compagnons humains.

Malheureusement, plus les épisodes défilent, plus les défauts de Murderbot deviennent visibles. Et plus la frustration s’installe… Comme on le craignait, la durée des épisodes, surtout quand on a visionné la série au rythme d’un épisode par semaine, « fracture » littéralement la continuité du récit, et l’artificialise, avec ces cliffhangers répétés, sonnant de manière trop systématique pour nous embarquer. Murderbot a un problème fondamental de rythme, semblant paradoxalement à la fois trop lent et trop haché, et la fatigue gagne vite le téléspectateur. Le mélange – certes difficile – entre comédie, drame et action, ne fonctionne pas bien, et l’on se dit alors qu’il aurait fallu des showrunners ou des réalisateurs d’un autre calibre que les frères Weitz pour relever ce type de défi. Et puis, pire peut-être encore, les thématiques queer et poly-amoureuses, que l’on soupçonne d’avoir été ajoutées aux livres (pas encore lus, malheureusement), se révèlent gratuites, superficielles, voire ambigües : s’agit-il ici de moquer le wokisme ou au contraire l’anti-wokisme ?

Bref, Murderbot était une promesse alléchante, qui est loin d’être tenue. Si Apple TV+ décide malgré tout de poursuivre l’expérience, il conviendra de redresser sérieusement la barre. Et peut-être de changer de showrunners ?

17 juillet 2025

"Des feux dans la plaine" de Ji Zhang : promesse non tenue…

Avertissement à mon lecteur : je suis un passionné des auteurs chinois dits de « la sixième génération », avec évidemment le grand Jia Zhang-Ke comme figure de proue. Ces cinéastes travaillèrent et exposèrent au monde les fractures de la Chine des années 90, œuvrant la plupart du temps en marge du système officiel, du fait de leur engagement politique et moral face à l’effondrement d’une société laminée par les changements brutaux amenés par un régime qui avançait à marche forcée. Mais, plus récemment, j’ai été également admiratif devant la manière dont des cinéastes plus jeunes ont adopté l’héritage réaliste – et pourtant poétique – de leurs aînés, et l’ont intégré dans une démarche moins « auteuriste », plus populaire peut-être, en réalisant des thrillers : je pense à Yi’nan Diao, par exemple, avec son Black Coal. Je suis donc allé voir ce Des feux dans la plaine, en dépit de critiques il est vrai très mitigées, en espérant trouver une poursuite de cette approche passionnante. Ma désillusion n’en a été que plus sévère… même si j’admets bien volontiers que des spectateurs moins habitués au « grand » cinéma chinois n’auront pas les mêmes exigences…

Réalisé en 2021, mais ne sortant que maintenant sur nos écrans du fait de la censure de Pékin, irrité par la description horrifique qui y est faite de la situation des zones industrielles du Nord-Est du pays au tournant du siècle (finalement, un avertissement « moral » a été ajouté à la fin du film, parfaitement ridicule et incohérent d’ailleurs !), Des feux dans la plaine est la première réalisation du directeur de la photographie Ji Zhang, qui est tombé amoureux de la nouvelle Moses on the Plain (2015) : ce texte de Shuang Xuetao, non traduit en français apparemment, est l’un des fondements d’un mouvement « contestataire » appelé « Dongbei Renaissance », renouant avec les valeurs traditionnelles du Nord-Est du pays.

Il est utile de connaître la genèse du film pour bien comprendre ce qui fonctionne (un peu, et dans la première partie avant tout) et ce qui dysfonctionne (cruellement, dans la seconde partie) dans Des feux dans la plaine. Car Ji Zhang y chante son amour des terres inhospitalières du Nord-Est, dévastées qu’elles ont été par la politique industrielle de Pékin, et il symbolise cet amour par celui, impossible, tragique, entre Li Fei (Zhōu Dōng-Yǔ, aussi irritante dans son jeu que son personnage, ce qui doit être voulu) et Shu (Liú Hào-Rán, charismatique en diable, qu’on aimerait revoir vite !). Il garde le McGuffin de la nouvelle, l’assassinat de chauffeurs de taxi, ce qui lui permet de vêtir son drame romantique et politique des atours du thriller.

Dans la première partie du film, qui se passe en 1997, Ji Zhang, qui n’est clairement pas (encore) un réalisateur, décide de copier la forme – le type d’image, de narration, de jeu d’acteurs – de ses aînés de la sixième génération : et cela fonctionne, plus ou moins, si l’on est pas trop regardant. Un peu de recul permet néanmoins d’identifier ce qui cloche dans cette « imitation » assez scolaire : là où les grands représentants de ce courant réussissaient à conjuguer réalisme brut et narration « souterraine », Des Feux dans la Plaine en emprunte les motifs sans en maîtriser ni la profondeur ni la tension dramatique ; alors que dans les grands films des années 90, les plans longs et les silences revêtaient une charge symbolique forte, et révélaient l’érosion d’un monde en voie de disparition, le rythme lent semble ici plus subi – comme une forme de maniérisme – que réfléchi, imposé par le récit ; quand les auteurs de la sixième génération excellaient à représenter les conséquences intimes du chaos social chinois (les familles brisées, les générations entières sacrifiées, la jeunesse chinoise en errance…), Des feux dans la plaine tente un geste similaire avec la trajectoire de Shu, mais échoue à créer l’empathie nécessaire à une véritable tragédie, le personnage restant trop abstrait, sans substance.

Mais le plus grave reste à venir. Après une ellipse de 8 ans, le récit reprend en 2005, et le film change totalement de ton, pour devenir un pur thriller policier, avec enquête, meurtres, bagarres, conflits, accidents, on en passe et des meilleures, le tout condensé, compacté même dans une durée trop courte. Sur un scénario d’une maladresse insigne, Ji Zhang ne comprend pas comment styliser la violence sans qu’elle devienne gratuite. Il cherche vainement le bon rythme, le bon style, la bonne distance, et ne génère que de la confusion. Et du ridicule, ce qui est fatal au film. La tentative de la dernière scène, celle de l’affiche, celle du titre, celle qui devrait ancrer la romance de nos Roméo et Juliette chinois dans l’imaginaire cinéphile, survient trop tard, et ne peut rattraper la catastrophe complète qui a précédé.

Si j’ai quand même envie de saluer l’audace de Ji Zhang, dans l’intention de son film, le résultat me laisse un goût très amer dans la bouche — comme n’importe quelle promesse artistique ambitieuse non tenue.

15 juillet 2025

"La trilogie d’Oslo : Amour" de Dag Johan Haugerud : entre Bergman, Kieślowski et Rohmer ?

Quand on ne connaît Oslo qu’à travers les thrillers de Jo Nesbø (une sale ville glaciale où s’entretuent dealers et toxicos, et où rôdent les serial killers les plus pervers de la planète), on a du mal à faire coller cette image apocalyptique avec la ville – quasi provinciale du point de vue des grandes capitales européennes – que Dag Johan Haugerud filme dans Amour, le second volet de sa Trilogie d’Oslo (inspirée par ailleurs de la « trilogie des couleurs » de Kieślowski, c’est-à-dire nous proposant trois histoires, indépendantes, construisant un panorama contemporain de l’amour).

Cette cité, que l’on parcourt ici, principalement quand même en empruntant un ferry la reliant à d’autres agglomérations du fjord, est solaire et sereine. On s’y baigne tranquillement à toute heure du jour et de la nuit dans le port à côté des bateaux, on y disserte gentiment sur ses centres d’intérêts (la géologie, etc.), sur la politique urbaine (comment célébrer l’anniversaire de la ville ?) et sur, quand même, ce qu’est l’amour aujourd’hui (quand on fait partie de la bourgeoisie quadragénaire blanche européenne). Mais cette ville existe-t-elle vraiment, ou bien n’est-elle que le fantasme inversé de celui de Nesbø , un îlot de tranquillité ensoleillée, magnifié par l’image et le filmage très « ligne claire » de Haugerud ? C’est une question qui peut sembler futile par rapport au propos « officiel » du film, mais ça ne l’est pas, car on objectera facilement que le vrai sujet du film, et peut-être de la trilogie (comme son titre l’indique en fait assez honnêtement), c’est la ville d’Oslo.

Car plutôt que parler d’amour comme le faisait Rohmer (auquel on ne peut éviter de penser ici) au siècle dernier, en inscrivant ses dialogues littéraires dans la ville de Paris comme décor réaliste de jeux de l’amour et du hasard, Dag Johan Haugerud parle en fait d’Oslo, à travers les dialogues – plutôt théoriques – de ses personnages réfléchissant à la meilleure manière de servir la cité et ses habitants. Au point où l’on se demande rapidement si son propos est de parler de l’amour, dans le sens traditionnel, romantique, du terme, ou de réfléchir à la manière dont « l’amour de l’autre » peut être transmis de manière fonctionnelle, efficace et pourtant humaine et sincère, par ceux qui travaillent dans et pour la ville. Soit un sujet original, mais pas forcément aussi universel (et passionnant) qu’on l’imaginait avant de rentrer dans la salle de cinéma.

Il faut d’ailleurs se retenir de ne pas grincer les dents devant la présentation, caricaturalement « woke », mais apparemment délivrée sans ironie, par la fonctionnaire expliquant la signification des fresques sur l’hôtel de ville. Chez Rohmer, le ridicule du discours « normé » de la jeune femme l’aurait précipitée dans une série de situations mettant à mal ses certitudes, et dévoilant le manque de profondeur et de sincérité de ses propos : ici, Dag Johan Haugerud se contente de faire admettre à son personnage qu’elle a bien du mal quant à elle à vivre « l’amour libre ». C’est assez léger.

Les grandes qualités du film, qu’il convient de pointer même si l’on s’ennuie un peu au fil de deux heures d’une durée excessive, sont le jeu des acteurs, très fin, ainsi que l’attention patiente – et pourtant lucide – avec laquelle leurs dialogues sont filmés. Là, on est plutôt du côté de Bergman, auquel on pense également souvent durant Amour. Mais un Bergman qui n’oserait pas se frotter à la noirceur de l’âme humaine, et resterait prudemment à la surface des êtres. Et des mots.

Bref, la comparaison entre Haugerud et Rohmer ou Bergman n’est pas à l’avantage du réalisateur norvégien, et on aurait bien envie de classer cet Amour parmi les films à demi-ratés que l’on oubliera immédiatement tant ils sont superficiels, s’il n’y avait, au sein de cette approche « chorale » de la vie de fonctionnaires osloviens, un fil narratif bien plus fort, bien plus convaincant. L’histoire de Tor, l’infirmier homosexuel (incarné par un Tayo Cittadella Jacobsen solaire) en quête de sexe, mais surtout offrant généreusement son attention et son amour aux gens autour de lui, est une pure merveille. Le fait d’y intégrer une approche très réaliste des conséquences d’une opération de la prostate s’avère un véritable coup de maître : le film, montrant sans pudeur inutile les contraintes de la vie post-opératoire d’un patient, et prenant le temps de détailler la patience et la tendresse que lui manifeste l’infirmier amoureux, s’élève alors à un niveau que l’on désespérait de le voir atteindre. Dans ces quelques scènes aussi perturbantes que magnifiques, Amour se révèle enfin à la hauteur de son titre, et du projet de Dag Johan Haugerud.

Et l’émotion nous submerge, enfin.

14 juillet 2025

"Squid Game 3" de Hwang Dong-Hyuk : après la Corée, le monde ?

Squid Game 3 afficheComme le faisait remarquer avec humour un critique US, « Personne ne s’inscrit à « Squid Game », ni les candidats ni les téléspectateurs, dans l’espoir de passer un bon moment ». Pourtant, même en respectant les codes de brutalité impitoyable et d’absence d’états d’âme quant au destin de ses personnages, typiques du grand cinéma coréen, la série de Netflix Corée a connu un énorme succès mondial, peut-être parce que chacun de nous avait besoin de voir symbolisé ainsi le mal profond que la société contemporaine, portée par les seuls désirs d’argent et de puissance, nous fait. Et d’admettre – à demi-mots – que nous sommes tous complices de notre propre malheur, acteurs autant que victimes de l’horreur économique.

Du fait du succès de la série, comme on est chez Netflix qui n’a évidemment aucun d’état d’âme « artistique », Hwang Dong-Hyuk est revenu pour deux saisons supplémentaires, qui sont en fait deux parties artificiellement séparées par un « cliffhanger » pour garantir le retour du téléspectateur après un break de 6 mois. Comme le savent tous les lecteurs des Cahiers du Cinéma de la « grande époque », tout bon film est le récit de sa production et de son tournage, et le tournage de ces nouveaux épisodes, motivés chez l’équipe aussi par des « nécessités économiques », auraient été affreusement stressants. Les saisons 2 et 3 de Squid Game, pour inférieures qu’elles soient à la première, peuvent donc être lues comme le commentaire « méta », non seulement de la situation générale de la Corée du Sud (on sait qu’en ce moment, alors que l’économie y est florissante, la menace Nord Coréenne se fait plus forte, et la situation politique dévisse gravement !), mais même de celle du showrunner et de ses acteurs. Le mutisme et la prostration de son personnage principal (Lee Jung-Jae, en retrait dans cette dernière bordée d’épisodes) deviennent la métaphore parfaite d’un pays tout entier, comme tétanisé autant par son impuissance que par sa culpabilité.

Cette saison 3 fait suite à l’échec dévastateur de la rébellion déclenchée à la fin de la saison précédente, et s’achemine « tranquillement » vers une conclusion particulièrement sombre, plus sinistre même que tout ce qu’on a vu jusqu’alors dans la série. Le personnage principal – et nous avec lui – a l’impression que tout ce pour quoi il est revenu dans l’arène a été réduit à néant : les jeux ne peuvent pas être arrêtés, le monde ne peut pas être sauvé, et nous avons à tout jamais perdu notre âme. Tout cela pour en arriver à une dernière scène (avec Cate Blanchett !!!) qui suggère – sans que cela puisse être une surprise, que les USA – et le reste du monde – succomberont à leur tour au principe de ces jeux tellement « télégéniques ». Enfin, espérons surtout qu’il ne s’agit pas là pour Netflix d’une justification pour une future version US de Squid Game !!!

Si toute cette thématique est passionnante, et justifie pleinement qu’on termine le visionnage de Squid Game, considérée comme une œuvre complète, ces six derniers épisodes ont plus de défauts que tous les précédents. D’abord, les jeux proposés semblent une redite – avec plus de torture et de sang – de ceux que nous avons déjà vus. Ensuite, le nihilisme général devient par instants stérile, alors qu’en intégrant des personnages « nouveaux » que nous n’avons pas eu le temps d’apprendre à aimer ou à détester, les scénaristes délestent la série de ces moments de forte émotion qui contrebalançaient la violence de ses images.

Enfin, et c’est certainement là le plus dommageable, la série piétine – ou plutôt patauge – quand elle s’attarde à nous raconter les déboires de l’expédition en bateau du détective (Wi Ha-Jun), à la recherche de l’île de Squid Game, avant de zapper inexplicablement la confrontation finale entre les deux frères. Même chose avec l’histoire des transfuges nord-coréens – certainement un thème important au vu de la situation politique actuelle, on l’a dit -, qui peine à nous passionner.

Finalement, il n’est pas certain que cette double extension de la série originale ait apporté quoi que ce soit de réellement important à son propos. Ne nions pas pour autant que nous ne regrettons pas de l’avoir visionnée !

12 juillet 2025

"Other" de David Moreau : vitalité du cinéma de genre français

Et on en revient – peut-être parce que c’est l’été, saison creuse cinématographiquement, ce qui permet de sortir sur les écrans français (mais malheureusement dans des salles à demi-désertées) des films plus modestes, mais aussi moins consensuels – à notre débat éternellement renouvelé sur le cinéma de genre en France. Other, belle claque et jolie épreuve pour nos nerfs pendant une heure et demie extrêmement « vivifiante », est un nouvel exemple de ce que de jeunes auteurs savent désormais faire en France aussi : écrire un excellent scénario, réunir des fonds en allant ratisser un peu partout (ici, Disney+ apparaît au générique, ce qui garantit au film, on imagine, une diffusion internationale sur la plateforme), et diriger leur film sans faire de compromis (tout au moins de compromis trop visibles). Pour un résultat qui ne manque pas d’allure, en dépit de quelques scories et défauts (on y reviendra), un film dont on sort assez chamboulé et surtout stimulé.

Other raconte l’histoire d’une femme retournant, à mort de sa mère, dans la demeure familiale, de longues années après l’avoir quittée. La maison est totalement isolée dans les bois, mais bénéficie de la dernière technologie de pointe en termes de sécurité : après tout, on est aux USA ! Car ça a son importance dans la « révélation » finale – en fait, Other n’aurait pas pu être tourné en France, pour une raison qu’on ne découvre qu’à la fin, en effet… Dans cette maison, elle soupçonne une présence inquiétante – et rapidement terrifiante -, plus que probablement liée à la mort brutale de sa mère.

On n’en dira pas plus, pour laisser à chacun le plaisir de la découverte d’un scénario qui n’est pas a priori très original, mais qui va nous emmener dans des zones très inconfortables des relations mère-fille. Une double scène d’ouverture intrigante et forte, suivie par une présentation élégante de la protagoniste, Alice (de l’autre côté du miroir, bien sûr), nous amènent progressivement à un enfermement de plus en plus anxiogène, et à une irrépressible montée de la terreur, puis de l’horreur violente.

Curieusement « vendu » comme un thriller qu’il n’est pas (sans doute pour ne pas faire fuir ceux qui se méfient du cinéma de genre, malheureusement), Other est assez proche du travail de Stephen King (ce qui pour nous est un énorme compliment), en ce qu’il part des relations humaines, toxiques (comment ne pas penser à Carrie, quelque part ?), pour aller vers le fantastique. Moreau est un réalisateur qui ne manque pas d’audace, par la manière dont il utilise les images – distordues, incomplètes, difficilement lisibles, fracturées (belle affiche totalement dans le thème du film) – que les sons, presque toujours plus terrifiants que les images, justement : il sait qu’il vaut mieux en montrer le moins possible pour que l’efficacité soit maximale, en expliquer le moins possible pour le spectateur se raconte sa propre histoire. Et il respecte ce précepte jusqu’au bout, même si, évidemment, le « twist » final, terrible, fait partie du « package ».

Autre point fort de Other, la pleine acceptation que le « modèle coréen » de la porosité entre les genres, du mélange des formes, est de plus en plus intégré par le public cinéphile, et s’avère désormais une opportunité passionnante. Other n’est certes pas un thriller, mais c’est un pur drame familial, en même temps qu’un film de « home invasion », une histoire de serial killer, et un bon vieux film d’épouvante du samedi soir. Moreau a même l’idée facétieuse que reprendre les codes du found footage, de manière certes un peu vaine, mais ludique.

On a parlé de ce qui fonctionne, ce qui nous excite, dans Other, mais tout n’est pas parfait : d’abord, quelques raccourcis scénaristiques sont trop grossiers, rien d’ailleurs qu’un peu d’investissement dans l’écriture n’aurait pas pu résoudre. Plus grave, car c’est là le vrai « problème » du film, le jeu d’Olga Kurylenko est en permanence dans l’excès, au point d’en devenir progressivement irritant. On peut imaginer qu’il s’agit là d’un choix formel de Moreau et Kurylenko, pour privilégier une forme d’outrance, d’histrionisme qui ne manque pas de logique par rapport au thème du film, mais on ne peut pas non plus s’empêcher de penser que le film aurait été bien plus beau, plus fort, avec une interprétation plus retenue. Mais que Other ne soit pas parfait ne le rend nullement moins impactant et moins passionnant.

Il est temps maintenant de revenir en arrière dans le temps pour explorer la filmographie de Moreau, sachant qu’on a déjà entendu dire du bien de MadS, son film précédent, jamais sorti en salles.

On en reparlera, c’est sûr.

11 juillet 2025

"Nine Perfect Strangers – Saison 2" de David E. Kelley et John-Henry Butterworth : perchés sur les cimes

David E. Kelley et John-Henry Butterworth ont dû se rendre compte des erreurs commises pour la première saison de Nine Perfect Strangers (en dépit d’une réception pas si défavorable aux USA – nous ne comprendrons jamais les Etats-Uniens !), car ils nous offrent, quatre ans plus tard, une seconde saison qui, a priori, rebat les cartes et semble déterminée à partir dans une direction différente.

Les showrunners ont d’abord délocalisé leur nouvelle histoire en Europe, dans les Alpes de l’extrême Sud de l’Allemagne (ou de l’Autriche ?), ce qui permet de rompre avec le caractère extrêmement « américain » de cette approche caricaturale de la thérapie, mais également avec les atmosphères de carte postale ensoleillée (rappelant celles de The White Lotus) de la première saison. Avec une image sombre (trop sombre, souvent, par exemple dans certaines scènes-clé du dernier épisode, quasiment illisibles), une atmosphère lugubre, des personnages de nationalités diverses, et le panorama régulièrement splendide des montagnes enneigées, cette seconde saison tranche de manière saine avec la première.

Mais, au delà du cadre de cette nouvelle « session de thérapie de groupe », aidée par l’utilisation de substances psychotropes, Kelley et Butterworth – libérés de la nécessité de coller à un roman pré-existant – ont centré la saison sur le personnage de Masha (Nicole Kidman, qui a, du coup, plus de matière sur laquelle utiliser son talent d’actrice, toujours remarquable), dont on explorera cette fois le passé, et dont on comprendra mieux la trajectoire, les motivations, la personnalité. Le tout dans une atmosphère de thriller, puisque le fait de réunir, dans un lieu aussi isolé que cet hôtel étrange dans une station de ski perdue, neuf « complets étrangers » cache une machination plus retorse qu’il n’y paraît. Ajouter le personnage mystérieux de la « mentor » de Masha (Lena Olin, toujours aussi fascinante malgré les années) et un antagoniste fort comme un impitoyable milliardaire – typique de notre époque – bien incarné par Mark Strong, est une idée intéressante… Même si ce nouveau « focus » de la série prive finalement les autres protagonistes de « temps à l’écran », et les rend pour la plupart plutôt creux : on voudra bien faire une exception pour le ventriloque Brian (Murray Bartlett, toujours aussi crédible) et pour la singulière nonne qu’est Agnes (Dolly De Leon), mais pour les autres « patients », ça ne passe vraiment pas !

La série avance ainsi tant bien que mal d’épisode en épisode, certains plus réussis que d’autres, sans nous réellement nous passionner, pour venir finalement se planter dans un dernier épisode totalement désastreux, qui réussit le coup de force de nous noyer dans les mêmes poncifs sirupeux que la première saison, tout en créant un retournement de situation ridicule et vain, qui ne sert clairement qu’à justifier l’existence d’une troisième saison…

… Que l’on prendra soin d’éviter, cette fois !

10 juillet 2025

"Materialists" de Celine Song : vente de valeur ?

Finalement, les cinéphiles ont moins de mémoire qu’on leur en accorde généralement : après s’être ébahis devant Past Lives, un film qui s’est retrouvé dans beaucoup de Tops de l’année 2023, ils ont totalement ignoré Materialists, le second long-métrage de Celine Song, jeune réalisatrice d’origine sud-coréenne… Le film est sorti en France dans l’indifférence générale, en dépit de la présence au générique d’acteurs comme Pedro Pascal (!), et dans une moindre mesure, Chris Evans. Du coup, on pouvait craindre une grosse déception, après les torrents d’émotion de Past Lives, or, il n’en est rien (même si, reconnaissons-le, on ne vole pas à la même hauteur…). Explications.

Lucy, l’héroïne de Materialists (Dakota Johnson, dont la réputation en France a indiscutablement été plombée par son rôle dans Fifty Shades of Grey, le genre de choses dont il est difficile de se remettre) est une « matchmarker », c’est-à-dire qu’elle travaille dans la version contemporaine (cases à cocher et algorithmes) d’une prestigieuse agence matrimoniale new-yorkaise. Pragmatique et rationnelle, elle croit avant tout que le mariage idéal est le résultat de l’alignement des partenaires sur des critères parfaitement objectifs, et donc mesurables. Sa vie amoureuse est inexistante depuis qu’elle a rompu avec son ex (Chris Evans, qui ne brille guère une fois qu’il a quitté son costume de super-héros), mais sa vie professionnelle est un succès. Jusqu’à ce qu’elle rencontre la « licorne » (entendez l’homme parfait, un Pedro Pascal toute séduction en avant, et ultra-riche qui plus est), mais également jusqu’à ce qu’un drame imprévu la fasse douter de ses capacités, voire de sa sensibilité en tant que « marieuse ».

Le parcours de Lucy, dans ce qui est est a priori une comédie romantique des plus classiques, et même ce qu’on appelait jadis « comédie de remariage », n’est guère surprenant, et c’est peut-être là ce qui fait que le bouche à oreille n’a pas porté Materialists vers la reconnaissance publique ou critique qu’il mérite aussi largement que bien d’autres films sortis en même temps. Mais l’intérêt de Materialists ne réside pas dans les surprises éventuelles de son scénario – encore qu’il en réserve quand même plusieurs -, ni dans les nombreuses discussions quelque peu théoriques sur les mérites de « l’amour » et de « la raison » (entendez par là, le « business » puisqu’on est aux USA), ni même dans sa réflexion, qui est loin d’être bête, sur la « valeur » que chacun a, et qu’il peut « vendre » pour convaincre un éventuel partenaire…

Non, comme dans Past Lives, c’est bien plutôt la « torsion » que Celine Song opère sur son matériau romantique qui surprend, voire sidère. Car si Materialists peut nous mettre la larme à l’œil, à nous qui ne sommes que des cœurs d’artichaud, il devient réellement intéressant quand il plonge, dans sa seconde partie, dans les affres de la dépression, quand il frôle le nihilisme absolu en « jetant le bébé avec l’eau du bain », dans le registre « ni l’amour ni la raison ne fonctionnent, et tous ces mariages – sans exception – ne peuvent finit que terriblement MAL ». Là, le film nous écorche réellement, nous secoue par rapport à nos attentes vis à vis du genre de la rom com. Et même le happy end, presque indécent en fait, ne rattrape pas le sentiment de désastre inarrêtable qu’est n’importe quelle vie amoureuse, que distille Materialists.

Et Celine Song, d’une manière certes naïve, mais finalement politique, dans son introduction et sa conclusion – assez surréalistes ! – nous ramenant aux origines de l’humanité, pointe cette drôle d’évidence : l’Amour ne saurait résister à la violence du capitalisme, de la marchandisation des être humains. Et ça, ce n’est pas rien !

PS : les mélomanes noteront, comme dans Past Lives, le bon goût musical de Celine Song puisque, sur l’une des scènes clés du film, c’est Oh! Sweet Nuthin’ du Velvet Underground qui accompagne en fond sonore, quasiment en intégralité, les états d’âme des personnages.

8 juillet 2025

"Douglas is Cancelled"de Steven Moffat : #MeToo n'est pas qu'un hashtag !

Le charme le plus évident de la mini-série britannique Douglas Is Cancelled, au delà de celui de ses excellents acteurs (on est d'ailleurs un peu fatigué de l'écrire, tant la qualité de l'interprétation est l'atout numéro 1 de 90% des séries TV, et même des films Outre-Manche), est bien que ce diable de Steven Moffat (on a appris au fil du temps à l'apprécier autant qu'à le redouter) ne nous offre pas du tout ce qu'on pouvait attendre de lui.

Les deux premiers épisodes correspondent bien au programme prévu de la part d'un "boomer" vaguement misogyne comme Moffat, étoile indiscutable de la télévision et de la série britannique, c'est-à-dire une charge légère, mais impitoyable, contre les dérives "wokistes" de la société actuelle, et contre les excès de ce qu'on a appelé la "cancel culture". Mais le remarquable troisième épisode s'avère un véritable uppercut au foie, d'autant plus violent qu'il est inespéré. Et que les hommes parmi les téléspectateurs seront mis plus brutalement qu'ils ne l'attendaient face à la réalité - terrible, littéralement - de ce qui semblait n'être devenu qu'un "hashtag" : MeToo !

Ce retournement de point de vue, audacieux, non, courageux même, est réellement à l'honneur de Moffat, mais aussi de Hugh Bonneville, qui endosse sans honte toutes les ambiguïtés masculines, loin de ses personnages habituellement bien gentils et empotés. Sans tomber dans la dénonciation opportuniste de tous les comportements masculins, Douglas Is Cancelled nous place face à un miroir : voici donc qui nous sommes, nous les "mecs", qui avons la naïveté, ou l'outrecuidance de nous considérer comme "modernes", voire "féministes".

Qu'importe alors si le quatrième épisode s'embrouille un peu les pinceaux en essayant d'être trop "malin" (une erreur classique chez Moffat !), le MAL est fait : la vérité est sortie de la boîte.

Et c'est bien pour ça que, en dépit de quelques scories, comme toute la partie lourdaude sur l'humoriste pas drôle, qui plombe pas mal de scènes, Douglas Is Cancelled est une mini-série réussie. Et même importante.

 

6 juillet 2025

« L’accident de piano » de Quentin Dupieux : le débat des cinéphiles...

Le cinéma de Quentin Dupieux, même s'il est de plus en plus populaire, reste un cinéma qui divise. L'Accident de piano, son dernier film, est considéré par certains comme son meilleur (parce qu'il est moins clairement bizarre, surréaliste, parce qu'il est une critique facilement identifiable de notre quotidien de réseaux sociaux et d'influenceurs, parce qu'Adèle Exarchopoulos y est irrésistible, etc.), et par d'autres comme l'un de ses moins bons (parce qu'il est moins drôle, moins original, et surtout parce qu'il fait preuve d'un effrayant manque d'empathie vis à vis de ses personnages). Et bien sûr, dans cet échange d'arguments - qui fait le sel de la cinéphilie, après tout ! - tout le monde a raison. Et la manière dont nous sortirons du film, réjouis ou irrités, sera presque indépendante de la démarche et du travail de Dupieux, mais traduira avant tout notre propre rapport à son cinéma, ainsi que à notre réalité. Car finalement, parler d'un film, surtout si on s'écharpe autour, c'est aussi ça - c'est peut-être même avant tout ça - qui fait du Cinéma un Art vivant, au delà des blockbusters mortifères que Hollywood produit à la chaîne.

Il est intéressant d'ajouter au débat un autre angle de lecture possible : comme certains l'ont justement relevé, la critique de la démarche "productiviste" de la YouTubeuse (multiplier des vidéos très courtes, produites à la chaîne) comme de son approche extrêmement efficace de la promotion de son "œuvre", peut être lue comme une auto-critique "honnête" de Dupieux sur ses propres mécanismes d'artiste et de communiquant (Y compris son "J'm'en fout" ?). Ce qui apporte quand même un autre éclairage sur un film qu'il est peut-être trop facile de qualifier de misanthrope.

Et puis, tout en reconnaissant qu'Adèle Exarchopoulos, une actrice assez irrégulière, fait ici un boulot remarquable de création d'un personnage littéralement "jamais vu", que Jérôme Commandeur et Karim Leklou tirent parti au maximum de la "méthode Dupieux" pour sortir de leur registre habituel, et que, formellement, le film est passionnant (son image d'une laideur déprimante, sa musique minimale et parfaitement judicieuse, etc.), ce qu'on découvre, avec un peu de surprise avec cet Accident de piano, c'est que 1h30, c'est trop long pour un film de Dupieux ! Réduit à son format habituel de 1h10 environ, l'Accident de piano aurait été plus convaincant. Car les meilleures plaisanteries sont évidemment toujours les plus courtes.

Le journal de Pok
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