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Le journal de Pok

25 mars 2025

"Here We Go Crazy" de Bob Mould : preuve de vie…

Cinq ans ! Cinq ans sans un nouvel album de Bob Mould, notre vieil ami / vieille idole des années 80/90, depuis la brève mais incontestable brillance de Hüsker Dü. Cinq ans depuis un Blue Hearts colérique et engagé. Cinq ans durant lesquels Mould a fait quelques tournées en Europe, en évitant soigneusement l’Hexagone, tenant donc ses fans français – dont nous sommes, vous l’avez compris – dans un état de manque avancé. Et puis voilà qu’on tient Here We Go Crazy entre nos doigts fébriles. En imaginant que la situation politique désastreuse actuelle aux USA a motivé le retour du vieux (64 ans, seulement, en fait, et toutes ses dents) combattant. On le pose sur la platine, et, wham bam thank you Bob !, nous reviennent en pleine tronche tous nos souvenirs de guérilla sonique, que ce soit avec Hüsker Dü ou avec Sugar, le féroce et encore plus éphémère groupe fondé ensuite (Quelqu’un ici était-il au Bataclan le 16 juin 1993, quand Bob Mould a déversé sur nous une heure de plomb fondu, dont les oreilles de bien des spectateurs ne se sont jamais remises ?).

Première impression, dès la première écoute : Bob Mould reste absolument fidèle à son style, allant et venant entre énergie punk et introspection (énervée aussi, l’introspection). Guitares furieuses, rythmes régulièrement effrénés, mais aussi mélodies accueillantes, faciles à mémoriser et donc à hurler avec Bob. Ce qui, indiscutablement, au milieu du chaos actuel, nous apporte un vrai réconfort. Même si, sans surprise, Mould est tout aussi accablé que nous, ce qui justifie des morceaux tourmentés, mais aussi un besoin d’évasion. 11 chansons pour 31 minutes, montre en main : Bob Mould court sur au moins un titre sur deux comme à l’époque des débuts de Hüsker Dü, mais surtout comme si 64 ans était l’âge de l’éternelle adolescente. L’album, produit sans chichis, a été enregistré en format power trio, avec l’aide de Jon Wurster (à la batterie) et Jason Narducy (à la basse), deux violents qui supportent la guitare abrasive de Mould avec une rythmique puissante, qui rappelle l’époque de Sugar, avec une approche à la fois brutale et mélodique.

Here We Go Crazy débute de façon « accueillante » (mélodiquement pas loin du power pop !) avec le titre éponyme, qui se révèle pourtant une évocation frappante de la violence du monde actuel : « Borders fade away, home is where we stay » (Les frontières s’estompent, notre foyer est là où nous restons), ou plus loin : « Airplanes in formation, there’s a conflict in the sky / Modern constellation choosing who can live and die » (Avions en formation, il y a un conflit dans le ciel / Constellation moderne choisissant qui peut vivre et mourir). Une situation tellement stressante qu’il ne semble plus y avoir d’autre issue supportable que de disparaître : « I’m so far away from here / Did you see me disappear? » (Je suis si loin d’ici / M’as-tu vu disparaître ?). Le propos de l’album est clairement posé.

Le choc de Neanderthal, qui suit, n’en est pas moindre : une tuerie hardcore, un retour direct à la frénésie des années 80, pour évoquer tout ce qui est primitif en l’être humain. Pessimiste, qu’il est, Bob. Il faut pourtant savoir que « l’état du monde » n’est pas le seul sujet du disque, ni l’unique cause de la tristesse de Mould, qui souffre apparemment aussi d’une rupture : Breathing Room parle de la nécessité, dans sa situation, de s’aménager un lieu et un temps où se reconstruire, tandis que le très beau When Your Heart Is Broken insiste sur la douleur de la perte de l’amour, même si la combattivité dans le chant de Mould contredit la tristesse que dégagent les paroles.

Formellement, même si la furie électrique prédomine, il y a quelques petites exceptions, comme Lost or Stolen, un morceau acoustique – mais particulièrement intense – qui aborde la perte d’identité et les troubles mentaux résultant des excès de notre ère numérique : « Paranoid and schizoid thoughts, I am unconscious / They send me on an endless path to deep addictions that I fight all day » (Pensées paranoïaques et schizoïdes, je suis inconscient / Elles m’envoient sur un chemin sans fin vers des addictions profondes contre lesquelles je me bats en permanence). Your Side, conclusion magnifique, démarre aussi tout en douceur, avant de s’élever vers une sorte d’espoir, de salut illusoire peut-être, nécessaire sans aucun doute : la guitare rugit une dernière fois. « Time moves on, everything is gone / I wanna be by your side / Down in flames, nothing stays the same / I wanna be by your side » (Le temps passe, tout a disparu/ Je veux être à tes côtés / Tout est en flammes, rien ne reste pareil / Je veux être à tes côtés).

Here We Go Crazy est donc un autre disque totalement fidèle à l’essence de la musique de Bob Mould : urgence punk et mélancolie y font bon ménage, et la force des riffs de guitare n’empêche pas une sincérité désarmante dans les mots et la voix de Mould. Une sorte de preuve de vie, qui tient aussi de modeste démonstration de force.

25 mars 2025

"Nation Shall Speak Unto Nation" d'Edwyn Collins : un artiste « augmenté »

« If I can talk to you, and you can talk to me, how can nation speak unto nation?” : voila question, simple, essentielle, que pose au monde Edwyn Collins dans son 10ème album « solo », plus exactement dans la chanson Nation Shall Speak Unto Nation (une ancienne devise de la BBC) qui lui a donné son titre : lui, miraculé au sens plein de deux hémorragies cérébrales foudroyantes datant désormais d’il y a 20 ans, qui a réussi à récupérer en dépit de graves séquelles physiques, et sa voix – pour chanter, moins pour parler – et sa capacité à composer des chansons. Non, pas des chansons, de grandes chansons !

Non pas que le sentiment d’émerveillement qui nous envahit régulièrement à l’écoute des onze formidables chansons qui composent ce nouveau disque soit une surprise. En fait, les quatre albums enregistrés à partir de 2007, à partir de sa sortie du long tunnel de convalescence, ont été tous remarquables. On oserait même affirmer, meilleurs, car plus humains, plus bouleversants, que certains de ses cinq albums sortis entre 1989 et 2005 : lui-même a expliqué qu’il avait trouvé, dans l’épreuve qu’il a vécue, et du fait aussi de son combat contre l’aphasie qui s’installait, une profonde sérénité. Une nouvelle approche de la vie, plus riche, loin évidemment de la folie « rock’n’roll » de ses jeunes années. Et cela se sent dans ces – désormais cinq – albums d’Edwyn Collins "Ver 2.0". Non pas un homme diminué, mais un artiste « augmenté ».

Comme toujours (avant et après l’accident), ses chansons sont toujours élégamment construites, très fluides du point de vue mélodique : les refrains sont régulièrement délicats, et Edwyn est un magicien des « ponts » au milieu d’une chanson, qui en redéfinissent la perspective. Des chansons qui, même si elles lui sont toujours immédiatement attribuables – il y a cette voix, moins maîtrisée désormais, mais pas moins remarquable -, ont à chaque fois de petites touches inattendues, qui les rends différentes, singulières. Et les deux phrases qui précèdent peuvent être réutilisées à chaque album de Collins depuis 2007, ce qui est le contraire d’un reproche de notre part… Mais entrons un peu dans les détails de ce Nation Shall Speak Unto Nation, enregistré dans le home studio d’Edwyn, chez lui à Helmsdale, dans les Highlands.

« The more I know of this old world / I don’t feel safe, I don’t have faith / Knowledge is a friend of mine / First was lost and now it’s found » (Plus j’en sais sur ce vieux monde / Moins je me sens en sécurité, moins j’ai la foi / La connaissance est une amie à moi / D’abord perdue, maintenant retrouvée) : l’ouverture sur Knowledge, pas forcément la chanson la plus « tubesque » – même s’il faut reconnaître qu’au bout de trois ou quatre écoutes, la mélodie accroche -, indique l’importance du message qu’envoie au monde le désormais « vieux et sage » Edwyn (une expression qui le ferait rire, on est sûr, lui qui dans la même chanson, dit qu’il a du mal à abandonner ce qu’il était, jeune – "Hard to let my old self go" ). La connaissance, le savoir est la solution dans un monde qui va mal. Politique, Edwyn ? Peut-être, dans le contexte actuel, mais en tout cas parlant comme un « honnête homme ». Les quatre minutes du suave, mais surtout heureux et lumineux Paper Planes indiquent la voie de la sérénité pour lui, la contemplation émerveillée de choses simples, comme le vol de petits avions en papier. The Heart Is a Foolish Little Thing est le titre le plus énergique d’un album qui est plutôt mid-tempo : la guitare électrique prend le dessus, la batterie est lourde, le chant de A Girl Like You est à l’ordre du jour, sans doute parce que la chanson revient sur les peines de cœur et les douloureuses difficultés amoureuses. « I was in love / An image of a girl I once knew / I wanted everything / The foolish little things, a prophecy come true / I carried fear, awash with doubt and pain / I’m overwhelmed, the blackness comes again » (J’étais amoureux / L’image d’une fille que j’ai connue / Je voulais tout / Les petites choses stupides, une prophétie devenue réalité / Je portais la peur, inondé de doute et de douleur / Je suis submergé, la noirceur revient). Efficace, mais finalement un tantinet décalé par rapport à la sagesse de l’album.

The Mountains are My Home est la première très grande chanson du disque : mélodie parfaite, voix qui prend des risques en montant, atmosphère country inattendue, Collins nous touche en plein cœur. Strange Old World est exactement l’inverse, un titre ludique, avec des sonorités électroniques sur un rythme « primitif », et puis un saxophone. Evidemment le solo de guitare au centre du morceau n’est pas d’Edwyn, qui ne peut plus jouer de son instrument favori, mais adopte son style. Nation Shall Speak Unto Nation est du très, très grand Edwyn Collins, et aurait parfaitement figurer sur Gorgeous George, son album le plus expansif, le plus accueillant : un morceau majeur dans la discographie de l’Ecossais.

Sound As A Pound est un autre exemple du savoir faire intouché d’Edwyns, peut-être un peu trop dans ce qui était autrefois sa zone de confort. Et paradoxalement, alors qu’on est maintenant sur la seconde face de l’album, là où la plupart des artistes relèguent les titres plus secondaires, nous entrons dans la partie la plus émouvante de Nation Shall Speak Unto Nation. D’abord l’élégiaque The Bridge Hotel, où même le pipeau un peu folklorique qui intervient au milieu ne gâche pas la splendeur du morceau. Et quand Edwyn lance le final éclairé de voix soul ("At the Bridge Hotel in Helmsdale" ) comment ne pas sentir son cœur se gonfler de tant de beauté ?

On enchaîne avec le puissant A Little Sign, un autre sommet de l’album… La voix d’Edwyn monte et descend, lutte contre la gravité, le xylophone ajoute de la légèreté : tout ça est d’une intelligence remarquable dans sa construction, et pourtant nous est offert avec un enthousiasme tout simple qui transcende la chanson. It Must Be Real est une autre ballade « classique », une belle chanson d’amour, pleine de tendresse, qui sait pourtant se transcender avec son court refrain intense (« It must be real / No more lies » – ça doit être vrai, plus de mensonges). Et on finit avec un Rhythm Is My Own World acoustique, clairement bossa nova dans sa forme, et plus encore dans son esprit, même s’il est posé sur un beat électronique : il s’agit, pour conclure, de célébrer le rôle de la musique dans la construction d’une existence satisfaisante, bien remplie. Magnifique, tout simplement.

Si la tournée qui démarre est sa dernière, il semble bien que Nation Shall Speak Unto Nation ne sera pas le dernier disque d’Edwyn Collins : tant mieux, nous, on signe pour encore 20 ans de plus !

24 mars 2025

"Zero Day" de E. Newman, N. Oppenheim et M. Schmidt: la fiction battue par la réalité

Qui a aujourd’hui vraiment besoin – et on n’écrit même pas le mot envie – d'une nouvelle série sur le POTUS et le gouvernement US devant affronter une crise national majeure, au milieu d’un pays fracturé entre droite extrême conspirationniste et libéraux désespérés par l’absence de leadership politique, caractéristique de la démocratie actuelle ? Personne, clairement. Car lire les nouvelles du jour est bien plus anxiogène que regarder n’importe quelle fiction, écrite quelques mois avant que tout ne tourne en eau de boudin outre-Atlantique…

Ceci posé, et en reconnaissant que nous aurions accueilli ce Zero Day sans doute plus positivement l’année dernière par exemple, essayons de nous livrer a l’exercice difficile d'oublier les menaces actuelles sur les USA et sur le monde tout entier, et d’être objectifs vis a vis de ce que nous propose la série d’Eric Newman, Noah Oppenheim et Michael Schmidt. On nous raconte donc ici l’histoire d'une cyberattaque massive sur les infrastructures énergétiques US, aux conséquences graves, qui plus est susceptible de se reproduire rapidement si on n’en trouve pas les responsables. Le POTUS monte une commission d’enquête, à la tête de laquelle est placé l’ex-président George Mullen, homme de compromis dont la sagesse est reconnue par tous. Mais Mullen semble souffrir d’un début de sénilité, s’apparentant à Alzheimer, ce qui ne va pas faciliter sa tâche…

Comme c’est Robert De Niro – travaillant pour la première fois pour une série TV – qui tient le rôle de George Mullen, et que la belle distribution de Zero Day inclut des pointures comme le formidable Jesse Plemons ou encore une Lizzy Kaplan, un Matthew Modine ou une Joan Allen, il serait ridicule de ne pas lui donner sa chance. On se rend néanmoins rapidement compte que, au delà de son casting de prestige, Zero Day joue dans le même registre du « thriller pas trop regardant sur les détails tant que la tension est là », que le faisait autrefois un 24 Heures Chrono. Avec quand même la toute petite ambition de reconnaitre que House of Cards a changé les attentes du téléspectateur moyen.

Zero Day fonctionne ainsi tant bien que mal, la meilleure idée des scénaristes restant l’indécision dans laquelle ils nous laissent quant à l’état mental du personnage principal : la série nous divertit, arrive même à nous surprendre par moments, bref, « fait le job ». Ou tout au moins le ferait, si – même en faisant abstraction de toute comparaison avec la réalité politique actuelle – elle ne posait pas un véritable problème du point de vue politique, voire moral. En mettant finalement tout le monde dans le même sac – gentils démocrates et vilains réactionnaires aux ambitions fascisantes -, et surtout en suggérant que, face à une menace réelle contre le pays, il peut être acceptable, voire nécessaire d’abolir toutes les règles du fonctionnement démocratique et légal de l’Etat, les scénaristes font preuve d’une claire absence d’idéologie, voire même de position morale qui fait plus que friser la lâcheté. Et qui, en dépit de la présence d’un De Niro, dont on connaît l’opposition frontale vis à vis du leadership trumpiste du pays, finit par cautionner à demi mot certaines des dérives actuelles (aussi impensables qu’elles aient pu être quand la série était en cours d’écriture et de réalisation)…

Bref, Zero Day aurait pu être une réussite grâce à son point de départ ambitieux et son casting de premier plan, mais, plombée par son manque de courage politique, et certaines failles dans la cohérence de son scénario, en reste au niveau d’un divertissement acceptable pour des spectateurs pas trop exigeants.

23 mars 2025

Réécoutons les Classiques du Rock : "IV" de Led Zeppelin (1971)

L’autre jour, ma fille de 13 ans me prend à partie.

Elle : Papa, la prof de musique au collège, elle nous a fait écouter un morceau en cours que j’ai trouvé chanmé, Stairway to Heaven. Tu connais, j’imagine ?

Moi (en grommelant) : Oui, évidemment. Tout le monde connaît Stairway to Heaven. Pas très original !

Elle : C’est vrai que j’ai préféré quand elle nous a mis Smells Like Teen Spirit, de Nirvana. Mais tu écoutait ça, Led Zeppelin, toi, quand tu étais au collège, au Moyen Âge ?

Moi : Moyen âge, moyen âge, je vais t’en foutre du moyen âge ! C’était en 1971, ou 72… Et oui, dans la cour de mon collège, le Led Zep nouveau était dans toutes les conversations : tout le monde en parlait… les 4 symboles dont on se demandait ce qu’ils voulaient dire, parce qu’il n’y avait pas internet à l’époque. Et puis l’enchaînement de Black Dog et Rock and Roll, que tout le monde considérait alors comme le meilleur début d’album qu’ils avaient jamais entendu. Et, oui, évidemment, le crescendo de Stairway to Heaven, les cris de Plant, le solo de guitare de Page, la frappe de Bonham, quand il déboule à la fin, etc… Bon, je vais être franc avec toi, j’étais l’un des deux seuls dans tout le collège à ne pas être un fan absolu du disque, avec un pote qui ne jurait, lui, que par les Doors : alors j’admettais bien aimer la pochette en trompe l’œil, qui me paraissait sans grand rapport avec la musique. Et, comme j’aimais bien faire le malin, je retournais écouter le Velvet Underground !

Elle : Bon, au collège aujourd’hui, il y a presque personne qui écoute du Rock, alors, quand la prof parle de Led Zeppelin, tout le monde considère ça comme de la « musique de vieux ». Mais, avec une petite bande d’amis de ma classe, on a écouté le Led Zeppelin IV sur Spotify, on a été choqbars ! Et on a trouvé ça vraiment bien, en fait…

Moi : Moi, aujourd’hui encore, je préfère le II, celui qu’on appelait le « Brown Bomber », le « bombardier marron »… Mais c’est vrai qu’à cause de Stairway To Heaven, le IV est sans doute aujourd’hui l’album le plus connu du groupe. Il avait été bien reçu à sa sortie, mais sans plus, par la critique Rock : après les expérimentations folk de III, tout le monde voulait un retour au Blues bien hard des I et II. Mais les mecs de Led Zep avaient décidé de faire chier le monde, et de persister, et de poursuivre, dans une partie des morceaux, dans un esprit folk limite celtique.

Elle : Ouais, il y a quand même des trucs ennuyants, comme Going To California ou Battle Of Evermore !

Moi : Mais tu sais, le fameux Black Dog, avec son riff ultra célèbre, c’est quand même rien d’autre qu’une version modernisée du Young Man Blues de Mose Allison, et moi, je préfère ce que les Who en ont fait sur leur Live At Leeds. Tiens, note bien le titre, pour le mettre dans ta playlist. Et puis Rock and Roll, ça démarre à fond la caisse, mais ensuite, ça tourne en rond pendant un peu trop longtemps. Finalement, je crois que je préfère la conclusion avec When the Levee Breaks… La batterie de Bonham est hénaurme, et il y a une atmosphère bluesy lourde de chez lourde : sept minutes, qu’ils passent dessus, histoire de bien enfoncer le clou.

Elle : Sur Four Sticks, il y a des moments de batterie qui sont bien chanmés, aussi.

Moi : Je crois que Bonham utilisait quatre baguettes sur ce morceau, d’où le titre. Je ne sais pas trop comment il faisait, à moins de s’être fait pousser deux bras en plus !

Elle : Mais papa, en fait, j’ai l’impression que tu ne l’aimes pas autant que moi, ce disque…

Moi : Je te l’ai dit, ce n’est pas mon préféré de Led Zeppelin. Mais par contre, à cause de la finesse de ses orchestrations, de sa production, à cause de l’impact qu’il a eu à sa sortie, et puis, c’est vrai, grâce à la perfection qu’atteint Stairway to Heaven, c’est sûrement l’un des disques les plus importants de l’histoire du Rock !

Elle : Et c’est ce qui m’énerve, il y a quasiment personne dans mon collège qui s’intéresse à ça !

Moi : Bah, ne t’inquiète pas trop non plus. Dans quelques années, quelques décennies, il n’y aura plus personne sur la planète qui écoutera, ou qui se souviendra même de Jul ou de PNL. Par contre, il y aura toujours des millions de personnes qui s’émerveilleront en écoutant Stairway to Heaven !

22 mars 2025

"A real pain" de Jesse Eisenberg : la douleur, la vraie...

Héritier d'un style de cinéma new-yorkais (juif new-yorkais) dont Woody Allen, même "cancelé" reste à la fois l'initiateur et le modèle difficilement atteignable, Jesse Eisenberg nous propose avec a Real Pain, son second film, la bien jolie balade à travers la Pologne (sous le soleil) de deux cousins y cherchant à retrouver quelque chose de leurs racines. Eisenberg, l'acteur, y est égal à lui-même, assez magistral en fait dans ce déséquilibre permanent entre sensibilité exacerbée et complexes paralysants. Kieran Culkin, insupportable et pourtant adorable ludion, est celui par lequel tout arrive, le chaos (la plupart du temps) comme la révélation finale d'une certaine vérité des êtres : pas totalement sauvé de son personnage caricatural de Succession, il arrive pourtant à exprimer une humanité touchante (qui lui a valu un Oscar, qui aurait dû être partagé avec Eisenberg). L'humour est en embuscade, plus (comme dans la scène de la fresque guerrière mimée par les touristes US) ou moins (la plupart du temps) visible, mais l'émotion perce suffisamment souvent pour que le spectateur admette sans douleur un scénario qui semble écrit au fur et à mesure de ce road / train movie.

Alors que l'on craint l'inévitable scène de la visite du camp de concentration, oui, inévitable mais surtout terriblement casse-gueule, Eisenberg prouve qu'il est un vrai metteur en scène en nous offrant une dizaine de minutes d'une vérité indiscutable, sans chantage à l'émotion ni dramatisation inutile. Bravo ! Et puis il y a la scène, parfaite, de la découverte de la maison familiale, but du voyage : il n'y a bien sûr rien à voir, le pèlerinage, même le plus simple (poser une pierre sur le seuil) est impossible. Et c'est très bien comme ça.

Reste le titre du film, malin, et, si l'on y réfléchit, est révélateur du travail d'Eisenberg, de son intelligence, de sa profondeur. A real pain (sous entendu "... in the ass"), c'est le cousin embarrassant, insupportable, qu'il faut traîner comme un boulet, qui est toujours à contre-temps par rapport à ce qu'on aimerait vivre, ressentir. Mais c'est aussi le but du voyage à rebours effectué vers les racines juives européennes de la famille : retrouver la véritable douleur, celle devant laquelle toutes les misérables douleurs de la vie quotidienne devraient être insignifiantes (... mais bien sûr, ne le sont pas !), celle du peuple victime de l'Holocauste. Une quête impossible, mais qui ouvrira néanmoins de nouveaux chemins possibles.

Chapeau, Mr. Eisenberg !

21 mars 2025

"La convocation" de Halfdan Ullmann Tøndel : de qui se moque-t-on dans ce film ?

Halfdan Ullmann Tøndel est le petit fils d'Ingmar Bergman, et on dira que ça se voit - on repère dans son premier film, Armand (appelé assez stupidement en France la Convocation) des clins d'œil à Persona... mais on est peut-être influencé par cette "filiation". Remarquez que si on nous avait dit qu'il était le petit-fils de Kubrick, on aurait certainement pu pointer ce que ce film a de "kubrickien". Autant dire que, sous le double "patronage" de Bergman et Kubrick, la Convocation n'est pas un premier film "léger", et que la Caméra d'Or attribuée à Cannes valide les prétentions auteuristes d'Ullmann Tøndel. Prétentions qui, avouons-le d'emblée, transforment un film qui débute très bien en une épreuve prétentieuse, au fil d'une interminable dérive vers des situations contradictoires (qui retournent la perception que le spectateur a de l'intrigue et des personnages, ce qui est bien) filmées dans des excès fantastico-surréalistes (qui brouillent inutilement le propos du film et se révèlent soit risibles - comme les scènes de danse - soit littéralement insupportables - comme l'interminable fou rire du personnage principal, ou encore le corps à corps érotico-violent dans les couloirs de l'école).

Si on a dit que Armand commençait bien, c'est que sur thème du harcèlement scolaire, de ses causes et ses conséquences, Ullmann Tøndel a l'intelligence de faire dérailler une dénonciation trop évidente vers une satire des excès du langage contemporain, vide de sens, tellement soucieux d'éviter les conflits qu'il dépouille la réalité de sa vérité. Tout cette première confrontation entre Elizabeth, la mère d'Armand, l'enfant harceleur (Renate Reinsve, très, très bien...) et les parents de Jon, l'enfant harcelé, et peut-être sodomisé, sous le contrôle de l'autorité de l'école où les faits ont eu lieu, complètement incapable de gérer la situation, est assez magistrale...

... Jusqu'à la rupture quasiment fantastique provoquée par l'éprouvant fou-rire d'Elizabeth, et le choix audacieux mais loupé de faire exploser le film en un certain nombre de scènes / pièces de puzzle, qui proposent des hypothèses différentes quant à ce qui s'est passé, et pourquoi. Le tout, donc, dans une atmosphère tantôt surnaturelle, tantôt surréaliste, qui fatigue de plus en plus le spectateur. Et quand le déluge final vient littéralement noyer / laver cette humanité assez répugnante de tous ses péchés, il y a longtemps qu'on a lâché prise, et laissé tomber l'affaire. Au point d'ailleurs de se demander si Ullmann Tøndel en avait vraiment quelque chose à f... de ses personnages et de son histoire, et n'a pas simplement désiré faire de son premier film une pure démonstration de savoir-faire auteuriste. Vu la Caméra d'Or reçue, il n'a sans pas eu tort de se payer ainsi la tête de tout le monde, et de ses spectateurs en premier lieu.

20 mars 2025

"The Insider" de Steven Soderbergh : un couple dans la tourmente

2025 est bien l’année du retour sur le grand écran de Soderbergh : après la jolie (petite) réussite qu’a été Presence, film de fantômes qui n’en était pas un tout en étant un, le voilà déjà de retour avec un remarquable « film d’espionnage », qui est tout autant un exercice de style que Presence, mais qui, là aussi, raconte bien d’autres choses que ce qui nous est vendu, en particulier par une bande annonce trompeuse sur à peu près tous les plans.

Certes, The Insider (titre « français » d’une incompréhensible bêtise, n’ayant rien à voir avec le film, alors que Black Bag, le véritable titre, fait référence à un mot de « code » utilisé dans les relations amoureuses ou amicales entre « agents », expliquant pourquoi ils ne peuvent dévoiler certains aspects de leur vie privée) est bien – au moins au départ – l’histoire de la recherche d’un traître au sein d’une organisation britannique type MI-6. Mais, très vite, on réalise que, alors que le script de David Koepp, excessivement malin (ne laissez pas votre cerveau au vestiaire en allant voir ce film !), déroule une double – au moins – manipulation pour déboucher sur une révélation finale très satisfaisante, Soderbergh fait encore un autre film que celui que raconte son scénario !

Enchaînant les longues scènes de discussions autour d’une table, d’analyse chez le psy, de tests au polygraphe, Soderbergh construit pas à pas une fresque à la fois terrifiante et drolatique sur des personnages gravement perturbés, pervers, menteurs et manipulateurs comme les espions doivent (?) l’être, mais appliquant les méthodes développées pour contrecarrer les espions russes à leur vie privée, amoureuse et conjugale ! Au centre de Black Bag, il y a donc ce couple d’agents brillants, prêts à défendre leur petite cellule conjugale contre toutes les agressions extérieures – même en tuant ceux qui les menacent -, dont on va apprécier durant une heure et demi l’intelligence impitoyable. Autour de George et Kathryn (Fassbender et Blanchett, brillants et brillamment dirigés par Soderbergh), plusieurs personnages, tous susceptibles d’être les coupables de la machination contre eux, vont passer à la moulinette sans pitié de nos deux « héros ». On appréciera particulièrement le rôle du toujours impeccable Tom Burke, mais il n’y a aucune faiblesse dans le casting du film (ce qui est d’ailleurs une constante dans la filmographie de Soderbergh), à part peut-être un Pierce Brosnan à la peine et décalé par rapport à son personnage.

Magnifiquement écrit, avec des dialogues d’une subtilité rare – les deux scènes (du début et de la fin) autour de la grande table de la salle à manger de Kathryn et George sont merveilleuses de complexité et d’inventivité, avec des mots qui tuent plus sûrement que des balles -, Black Bag est avant tout d’une belle élégance en termes de mise en scène : Soderbergh s’amuse, avec la virtuosité qu’on lui connaît, à construire un film dont la sophistication est au service de la peinture des personnages. Tranchant, froid, hyper-efficace, d’une folle précision, Black Bag laissera certainement sur la touche pas mal de spectateurs à la recherche d’un spectacle facile et accueillant, ou, plus généralement, d’émotions fortes, quelles qu’elles soient.

Pour les autres, c’est un régal.

19 mars 2025

"Le crétin qui a gagné la guerre froide" de Le Naour / Le Bihan : comment tout a commencé...

Ce n’est certainement pas très adroit d’intituler ce livre, qui retrace les années de pouvoir de Ronald Reagan en se focalisant sur la manière pour le moins « personnelle » (on peut dire « originale » aussi) dont il a exercé son rôle de POTUS, Le CRETIN qui a gagné la Guerre Froide. L’usage du mot « crétin » donne le sentiment d’un livre « à charge », manquant d’objectivité, alors que, au contraire, sa lecture montre que les choses ne sont pas aussi simples que cela. Pire, l’astuce sur la couverture du fragment d’affiche pas encore collé, devenant une évocation de la petite moustache hitlérienne, se révèle finalement hors sujet : on peut critiquer, et à juste titre, beaucoup de choses parmi les actions de l’administration Reagan (et évidemment, en premier, « l’Irangate »…), mais on était à l’époque loin des dérives actuelles du tandem MuskTrump.

Quand Ronald Reagan est élu Président, contre toute attente, s’agissant d’un acteur hollywoodien à la réputation vaguement médiocre et à la trajectoire politique banale, nul ne soupçonne que, sous son « leadership » (un mot un peu fort quand on voit la manière dont il se comportait), le monde entier changerait radicalement. Du point de vue politique intérieure US, Reagan a joué le jeu du libéralisme sans état d’âme, avec une approche assez semblable à celle de Thatcher en Grande-Bretagne : réduction des impôts, en particulier pour les plus riches, et soutien aux entreprises, surtout les plus grandes. Socialement, même s’il était réactionnaire et croyant, il a finalement peu impacté le fonctionnement des Etats Unis, surtout si on compare à ce qui se passe en ce moment.

Les choses sont évidemment bien différentes en termes de politique extérieure, puisqu’il a d’abord affronté l’URSS de manière verbalement agressive, avant de profiter de l’effondrement de son système économique, et d’accompagner – presque amicalement – Gorbatchev dans la transition vers la… « démocratie », et le démembrement de l’empire soviétique. Le qualifier de « gagnant de la Guerre Froide », comme le suggère le titre du livre, est d’ailleurs, évidemment, loin de la vérité, les Russes s’étant bien débrouillés tous seuls pour tout démonter de leur côté !

Le plus intéressant de l’histoire que nous raconte Jean-Yves Le Naour est bien plutôt la description, amusée et amusante, du dilettantisme extrême de Reagan, de son manque d’intérêt total pour le « fond » des sujets économiques ou politiques lui incombant, et de sa préférence pour une approche pour le moins « légère » de la diplomatie, basée sur des bons mots et des histoires drôles. D’où un grand nombre de scènes hilarantes et stupéfiantes autour de ses rencontres avec des hommes politiques du monde entier, dont il ne connaît même pas le nom, voire le nom du pays qu’ils représentent !

Mais finalement, et ce n’est pas clair si c’est volontaire de la part de Le Naour, il est difficile de ne pas trouver Reagan sympathique, son approche anti-technocratique de son rôle, son bon sens généralement triomphant, et sa capacité à séduire ses interlocuteurs décontenancés, jouant clairement en sa faveur. Bien entendu, la triste affaire de la vente d’armes à l’Iran pour financer la contre-révolution en Amérique Centrale, est beaucoup moins « sympathique », même s’il est aussi clair que la responsabilité en incombe sans doute plus à ses conseillers qu’à lui-même.

Là où il y a un problème, qui n’est pas la faute de Le Naour, c’est bien dans le lien qui est fait, en particulier à la dernière page, avec la Présidence Trump. Ce que l’on a vu depuis la parution du livre le 8 janvier, c’est plutôt la mise en place d’une vraie gouvernance fasciste, dictatoriale, qui n’a rien à voir avec le style ni avec la vision du monde de Reagan (c’est plutôt George W Bush qui a été le « fils spirituel » de Reagan, sur bien des points). Finalement, le plus gros reproche que l’on puisse faire à Reagan, c’est celui d’avoir habitué les électeurs américains à une incompétence édifiante au plus haut niveau de l’Etat, que les plus stupides d’entre eux ont appris à préférer à l’arrogance des technocrates et des professionnels de la politique.

Dans tous les cas, et quelles que soient les réserves que l’on peut avoir, la lecture de ce livre très intéressant, et efficacement mis en images par Cédrick Le Bihan, est un MUST en ce moment.

 

18 mars 2025

"CB Strike – Sang d’encre" : l’enquête de trop ?

CB Strike Sang d encre afficheCB Strike n’est pas une série très populaire chez nous : la preuve en est que, suivant les sources, son titre en français change, de C.B. Strike aux Enquêtes de Cormoran Strike. Et puis (presque) personne ne la regarde, en dépit de solides qualités typiques du travail de la BBC : des histoires bien racontées, des personnages touchants, une vraie crédibilité venant d’un ancrage dans la réalité quotidienne de la Grande-Bretagne, etc. Le problème vient peut-être de la méfiance entourant désormais le travail de JK Rowling – autrice sous le pseudonyme de Robert Galbraith des romans dont la série est tirée, et originellement productrice – depuis qu’elle a été plus ou moins « cancelée ». Sans même parler de l’anonymat injuste dans lequel végètent les deux excellents (et charismatiques) acteurs incarnant le couple de détective à la manœuvre : Tom Burke (Orson Welles dans Mank, Paetorian Jack dans Furiosa) et Holliday Grainger (version anglaise de Julianne Moore, qu’on verra bientôt dans Mickey 17)…

Par contre, en dépit de notre enthousiasme devant les premières enquêtes de Cormoran Strike et Robin Ellacott, il nous a fallu reconnaître que, au fil du temps, les histoires sont devenues de plus en plus complexes, avec une multitude de personnages et un rythme de narration parfois trop rapide pour que l’on puisse intégrer tous les détails : CB Strike est une série qui demande toute notre attention, ou en tous cas beaucoup plus d’attention que nous en accordons souvent à ce genre de divertissement. Autant être prévenu !

Cette fois, notre (faux) couple et vraie paire de détectives doivent se débattre en monde réel et monde virtuel, celui des jeux vidéos : il leur incombe de résoudre le mystère de la mort d’une créatrice d’un jeu vidéo très à la mode, The Ink Black Heart, qui était harcelé par l’un des joueurs, Anomie. On ne sait pas si Rowling connaît vraiment l’univers du jeu qu’elle décrit ici, ni si le budget limité de la série (même si HBO la produit apparemment aujourd’hui) a empêché la création d’un univers virtuel contemporain crédible, mais il y a un côté à la fois « cheap » et peu crédible dans tout ça qui tire Sang d’encre vers le bas. Ceci venant s’ajouter à cette fameuse complexité dont on parlait plus haut, le résultat est que cette nouvelle enquête est nettement moins enthousiasmante que les précédentes.

Et puis, il y a surtout cette histoire d’amour inavouable, perpétuellement contrarié entre les deux personnages principaux : c’était elle qui donnait du sel à la série, tant l’alchimie entre les acteurs étaient également évidentes. Mais, un peu à la manière de la relation jamais concrétisée entre Mulder et Scully dans X-Files, qu’on se désespéra pendant des années de ne jamais voir tomber dans les bras l’un de l’autre, on commence un peu à en avoir assez de cette longue, longue, valse hésitation entre deux personnages clairement faits l’un pour l’autre… Il est donc plus frustrant que de raison, cette fois, alors que la révélation de leur amour mutuel était à portée de main, on nous fasse encore attendre (oui, c’est un spoiler, mais on est très énervé sur ce coup là).

Bref, Sang d’encre a des allures d’une enquête de trop, et nous donne plutôt envie de nous replonger dans les premières…

17 mars 2025

"Prime Target" de Steve Thompson : théorème erroné !

Je vais être honnête, au risque de choquer bien des gens : j’adore les maths. Et comme je suis, de manière beaucoup plus banale, fan d’Indiana Jones (celui des Aventuriers de l’Arche Perdue !), je ne pouvais qu’être ravi par le premier épisode de la série Prime Target (jeu de mot dans le titre, non pas sur le fait qu’Apple TV+ cible son concurrent de la maison Amazon, mais avec « prime numbers », nombres premiers) : on y voyait un chercheur en mathématiques de l’Université de Cambridge espionné par la NSA alors qu’il est au bord d’une découverte, et une explosion au centre de Bagdad dévoilant une crypte inconnue sous un magasin de glaces. Il y avait là dedans un peu des « aventures du Professeur Langdon » de Dan Brown, et je rêvais même que ce soit la divine Sidse Babett Knudsen qui incarne une version féminine de Langdon… Avec Steve Thompson aux manettes, fort de son expérience de scénariste sur Doctor Who et Sherlock, tout s’annonçait bien !

Huit épisodes plus loin, la consternation règne, tant Prime Target a systématiquement déçu chacun des espoirs que son premier épisode avait fait naître. Le théorème à découvrir sur les nombres premiers n’est jamais suffisamment « explicité » (je n’utilise pas le mot « expliqué », bien entendu, s’agissant d’un théorème n’existant pas…), tandis que son utilisation pour la création d’un décryptage universel ne fait pas grand sens. Tout ce qui se passe à Bagdad frôle le farfelu total, alors que le lien entre les mathématiques anciennes et les travaux des chercheurs de Cambridge tient plus des âneries proliférant sur les réseaux sociaux sur les civilisations disparues que des mystères amusants (Indiana Jones, et même Les aventures de Tintin, dans un registre similaire, sont désormais bien loin !). La rivalité entre la NSA et une organisation secrète, cherchant toutes deux à empêcher ou à récupérer – ce n’est pas clair – les travaux des chercheurs, se transforme en un gloubi-boulga sans logique, en plus de titiller les conspirationnistes qui s’éveillent un peu partout. La fin de l’aventure est grotesque, mais, entretemps, on se sera aussi désespéré à l’occasion d’un passage éclair par Orléans (une ville peu souvent parcourue par les héros de séries TV anglo-saxonnes !) et d’une course poursuite improbable sous la Manche.

Le pire étant quand même que Sidse Babett Knudsen n’a absolument rien à jouer, la pauvre, et que Leo Woodall, le nouveau jeune premier de l’Angleterre (Bridget Jones, White Lotus, Citadel…) a du mal à arborer plus d’une expression sur son visage trop mignon durant la totalité des huit épisodes : on ne croira pas une seconde que son air de « ravi de la classe » dissimule le QI élevé d’un génie des maths.

Bref, il n’y a pas grand chose à sauver dans ce Prime Target indigne de la qualité générale des séries Apple TV+…

Le journal de Pok
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