"Adolescence" de Jack Thorne et Stephen Graham : essentiel !
Oh, qu'il m'est difficile d'écrire quelque chose sur une série que j'ai autant aimée, qui m'a autant marquée. Une série qui est en train de marquer des millions de gens à travers la planète, preuve s'il en faut que l'angoisse que nous ressentons chacun intimement quant à l'éducation de nos enfants, et quant à notre rôle et nos responsabilités de parents est l'un des sujets les plus universels qui soient ! Un sujet qui, en outre, a été extrêmement bien - et finement - traité par le trio Jack Thorne (au scénario), Stephen Graham (scénario et interprétation) et Philip Barantini (à la réalisation des quatre épisodes). Même si des voix - peu nombreuses - s'élèvent ci et là de gens qui regrettent que Adolescence ne suive pas plus les codes de l'entertainment, ou, pire, qui n'ont pas compris le sujet de la série, et l'absolue logique de ses choix structurels et formels par rapport à ce sujet, la réussite est absolument évidente. J'ai envie de dire glorieusement évidente, tant c'est là quelque chose de rare. Au point qu'un commentaire sur une telle réussite me semble superfétatoire.
Soyons donc bref : Adolescence raconte en 4 épisodes d'une heure environ 4 moments-clés, non directement "liés" les uns aux autres, laissant de grandes zones d'ombre dans l'histoire qu'ils racontent, ne cherchant surtout pas à épuiser leur sujet, la tragédie malheureusement de plus en plus "ordinaire" du meurtre d'une adolescente par un adolescent. Le premier épisode raconte l'arrestation et l'accusation de l'enfant, et comment le ciel tombe littéralement sur la tête des parents de celui-ci. Le second se focalise sur une heure d'enquête au sein du collège que victime et meurtrier fréquentaient, et fournira quelques pistes sur les racines de l'horreur. Le troisième est un entretien entre une psychologue et le meurtrier, et nous laisse entrevoir brièvement la véritable personnalité de celui-ci. Le quatrième montre le combat de la famille du meurtrier pour survivre à la destruction de toutes leurs certitudes. Chaque épisode a été interprété et filmé en une prise unique, sans montage, à la manière d'une pièce de théâtre, demandant aux acteurs d'effectuer un travail remarquable (surtout d'ailleurs pour le jeune Owen Cooper, dont c'est le premier rôle, et qui est excellent), afin de venir toucher le plus près possible une vérité humaine qui ne soit pas contaminée par les techniques habituelles du cinéma (montage, musique, etc.).
Certains placent le troisième épisode au sommet, parce qu'il est glaçant. Pour moi, c'est le quatrième qui est le plus fort, parce qu'il parle avec une justesse absolue, de la responsabilité et de la culpabilité insurmontable des parents derrière les actes d'un enfant. Mais après, j'imagine que chacun trouvera dans cette série, qui frôle la perfection, des choses qui lui parleront plus ou moins que d'autre.
Sinon, le travail de Barantini à la réalisation est éblouissant (Graham et lui ont déjà utilisé avec succès le même procédé du plan séquence, qui est tout sauf de la frime, pour le coup, dans Boiling Point / The Chef en 2022), et Stephen Graham confirme ce que l'on sait depuis son apparition dans Snatch il y a 25 ans : il est une immense acteur.