Séance de rattrapage : "Les fantômes" de Jonathan Millet
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Vendu par sa bande annonce comme un film hyper-tendu, qui raconte la traque d'un ex-tortionnaire de Bachar el-Assad par un groupe secret de Syriens décidés à se venger des sévices infligés aux innocents dans les prisons du régime, les Fantômes risque de décevoir - au moins un peu - ceux qui prendront au pied de la lettre son sujet. Car si le premier film de Jonathan Millet, très réussi, comporte un certain nombre de scènes respectant les codes du thriller d'espionnage (comme l'excellente "confrontation" entre les deux "fantômes" dans un restaurant strasbourgeois), ce n'est pas là, et heureusement, son seul sujet. Rapidement, les Fantômes nous parle de quelque chose de finalement plus fondamental, ou en tout cas plus universel : la capacité (ou non) que chacun a de reconstruire sa vie dans l'exil - même inconfortable - quand il a tout perdu, au delà du deuil le plus effroyable, au delà de l'amour qu'il ressent dans sa chair pour ceux qui sont restés derrière (dans les camps de réfugiés syriens au Liban, en l'occurrence...).
Et c'est cette tension-là, entre la possibilité d'une nouvelle vie et les atroces souffrances du passé qu'il est impossible d'oublier (ou bien qu'il coûte d'oublier, peut-être), dans le personnage de Hamid (Adam Bessa, intense, même si un tantinet dans un registre monocorde), qui est la plus riche, car la plus féconde, dans le film, et que le scénario, très bien écrit, de Jonathan Millet et Florence Rochat, finit par embrasser pleinement, dans une dernière partie, réparatrice, sans tomber dans la niaiserie "feelgood".
Les amateurs de thriller auront la réponse à leurs questions, qu'ils soient rassurés, mais les autres cinéphiles auront la plus belle satisfaction qui soit, celle de voir que, une fois justice faite, une fois le chagrin enterré dans le sable du pays d'où l'on vient et où l'on ne retournera sans doute jamais, la vie continue.