"La convocation" de Halfdan Ullmann Tøndel : de qui se moque-t-on dans ce film ?
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Halfdan Ullmann Tøndel est le petit fils d'Ingmar Bergman, et on dira que ça se voit - on repère dans son premier film, Armand (appelé assez stupidement en France la Convocation) des clins d'œil à Persona... mais on est peut-être influencé par cette "filiation". Remarquez que si on nous avait dit qu'il était le petit-fils de Kubrick, on aurait certainement pu pointer ce que ce film a de "kubrickien". Autant dire que, sous le double "patronage" de Bergman et Kubrick, la Convocation n'est pas un premier film "léger", et que la Caméra d'Or attribuée à Cannes valide les prétentions auteuristes d'Ullmann Tøndel. Prétentions qui, avouons-le d'emblée, transforment un film qui débute très bien en une épreuve prétentieuse, au fil d'une interminable dérive vers des situations contradictoires (qui retournent la perception que le spectateur a de l'intrigue et des personnages, ce qui est bien) filmées dans des excès fantastico-surréalistes (qui brouillent inutilement le propos du film et se révèlent soit risibles - comme les scènes de danse - soit littéralement insupportables - comme l'interminable fou rire du personnage principal, ou encore le corps à corps érotico-violent dans les couloirs de l'école).
Si on a dit que Armand commençait bien, c'est que sur thème du harcèlement scolaire, de ses causes et ses conséquences, Ullmann Tøndel a l'intelligence de faire dérailler une dénonciation trop évidente vers une satire des excès du langage contemporain, vide de sens, tellement soucieux d'éviter les conflits qu'il dépouille la réalité de sa vérité. Tout cette première confrontation entre Elizabeth, la mère d'Armand, l'enfant harceleur (Renate Reinsve, très, très bien...) et les parents de Jon, l'enfant harcelé, et peut-être sodomisé, sous le contrôle de l'autorité de l'école où les faits ont eu lieu, complètement incapable de gérer la situation, est assez magistrale...
... Jusqu'à la rupture quasiment fantastique provoquée par l'éprouvant fou-rire d'Elizabeth, et le choix audacieux mais loupé de faire exploser le film en un certain nombre de scènes / pièces de puzzle, qui proposent des hypothèses différentes quant à ce qui s'est passé, et pourquoi. Le tout, donc, dans une atmosphère tantôt surnaturelle, tantôt surréaliste, qui fatigue de plus en plus le spectateur. Et quand le déluge final vient littéralement noyer / laver cette humanité assez répugnante de tous ses péchés, il y a longtemps qu'on a lâché prise, et laissé tomber l'affaire. Au point d'ailleurs de se demander si Ullmann Tøndel en avait vraiment quelque chose à f... de ses personnages et de son histoire, et n'a pas simplement désiré faire de son premier film une pure démonstration de savoir-faire auteuriste. Vu la Caméra d'Or reçue, il n'a sans pas eu tort de se payer ainsi la tête de tout le monde, et de ses spectateurs en premier lieu.