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Le journal de Pok
22 mars 2025

"A real pain" de Jesse Eisenberg : la douleur, la vraie...

Héritier d'un style de cinéma new-yorkais (juif new-yorkais) dont Woody Allen, même "cancelé" reste à la fois l'initiateur et le modèle difficilement atteignable, Jesse Eisenberg nous propose avec a Real Pain, son second film, la bien jolie balade à travers la Pologne (sous le soleil) de deux cousins y cherchant à retrouver quelque chose de leurs racines. Eisenberg, l'acteur, y est égal à lui-même, assez magistral en fait dans ce déséquilibre permanent entre sensibilité exacerbée et complexes paralysants. Kieran Culkin, insupportable et pourtant adorable ludion, est celui par lequel tout arrive, le chaos (la plupart du temps) comme la révélation finale d'une certaine vérité des êtres : pas totalement sauvé de son personnage caricatural de Succession, il arrive pourtant à exprimer une humanité touchante (qui lui a valu un Oscar, qui aurait dû être partagé avec Eisenberg). L'humour est en embuscade, plus (comme dans la scène de la fresque guerrière mimée par les touristes US) ou moins (la plupart du temps) visible, mais l'émotion perce suffisamment souvent pour que le spectateur admette sans douleur un scénario qui semble écrit au fur et à mesure de ce road / train movie.

Alors que l'on craint l'inévitable scène de la visite du camp de concentration, oui, inévitable mais surtout terriblement casse-gueule, Eisenberg prouve qu'il est un vrai metteur en scène en nous offrant une dizaine de minutes d'une vérité indiscutable, sans chantage à l'émotion ni dramatisation inutile. Bravo ! Et puis il y a la scène, parfaite, de la découverte de la maison familiale, but du voyage : il n'y a bien sûr rien à voir, le pèlerinage, même le plus simple (poser une pierre sur le seuil) est impossible. Et c'est très bien comme ça.

Reste le titre du film, malin, et, si l'on y réfléchit, est révélateur du travail d'Eisenberg, de son intelligence, de sa profondeur. A real pain (sous entendu "... in the ass"), c'est le cousin embarrassant, insupportable, qu'il faut traîner comme un boulet, qui est toujours à contre-temps par rapport à ce qu'on aimerait vivre, ressentir. Mais c'est aussi le but du voyage à rebours effectué vers les racines juives européennes de la famille : retrouver la véritable douleur, celle devant laquelle toutes les misérables douleurs de la vie quotidienne devraient être insignifiantes (... mais bien sûr, ne le sont pas !), celle du peuple victime de l'Holocauste. Une quête impossible, mais qui ouvrira néanmoins de nouveaux chemins possibles.

Chapeau, Mr. Eisenberg !

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