Suede le mercredi 3 octobre à la Cigale (Paris)
21h00 : C’est derrière un voile translucide que Suede attaque son set par l’impressionnant – et un tantinet pompeux – As One : grâce à l’ami Robert Gil, le brillant photographe qui est toujours sur les meilleurs coups, nous étions prévenus de cette petite fantaisie – à laquelle je crois savoir que Suede a déjà eu recours lors de précédentes tournées. Bon, je veux bien, mais trois titres sans voir le groupe, sinon en ombres chinoises, c’est quand même un peu longuet : on comprend le message quand Brett chante « I don’t Know How to Reach You » en plaquant la paume de sa main sur le rideau, mais bon… On va dire que c’est avec Outsiders que les choses sérieuses démarrent, parce que, à mon humble avis, le principal intérêt – avec un soupçon de mauvaise foi je dirais le seul, mais c’est un peu exagéré – de voir Suede sur scène, c’est l’impressionnante présence de Brett Anderson. Constamment en mouvement, quasiment en permanence au contact de ses fans énamourées au premier rang, Brett nous offre le rare spectacle d’une véritable Rock Star, comme on a envie de dire qu’il n’y en a plus.
On peut penser à un Morrissey, quand on constate cet amour fou qui semble lier Brett à ses fans, un amour que Brett, avec une générosité remarquable, place au centre de toutes ses préoccupations sur scène. Il faut ajouter qu’à 51 ans, Brett apparaît remarquablement en forme, tant par sa silhouette inchangée que par l’énergie qu’il déploiera en permanence pendant les 90 minutes d’un set à forte intensité. La scène de la Cigale a d’ailleurs été étendue vers l’avant, pour offrir à Brett un espace devant les retours, lui permettant d’interagir constamment avec son public. Un public qui, logiquement, entre en transes pour la première fois sur l’enchaînement imparable The Drowners – We are the Pigs – So Young, plongeon sans nostalgie excessive dans la musique du début des 90’s.
« I say we are the pigs / We are the swine / We are the stars of the firing line »… Même s’il est facile de chanter un chœur le refrain de la plus célèbre chanson de “Dog Man Star”, je réalise que les autres chansons à succès des débuts de Suede (jamais réécoutées depuis…) ne me sont pas restées en mémoire, à la différence de beaucoup d’autres morceaux d’autres groupes de la même époque. Et je dois donc me résoudre à assumer une position d’observateur un peu détaché devant ce concert, dont je sens peu à peu qu’il ne me concerne pas complètement. Car, si le groupe conduit par le brillant Richard Oakes à la guitare est impeccable, aidé en outre par un son agressif à un niveau conséquent, le lyrisme permanent de Suede s’avère vite épuisant. La voix de Brett est superbe, son chant n’a pas faibli avec les années, son enthousiasme et son énergie font plaisir à voir, mais on ne peut guère s’empêcher de ressentir plusieurs “tunnels” pendant le set. Votre esprit se met à vagabonder, et vous vous rendez compte que vous prenez plus de plaisir à regarder le spectacle dans la salle qu’à véritablement écouter la musique jouée par le groupe…
Encore une poussée d’adrénaline avec le trio Metal Micker / Trash / Animal Nitrate, dont les riffs simplistes sont accueillis par l’enthousiasme général, et on s’achemine vers la fin du set, que Brett, après un gentil intervalle acoustique dédié de tout cœur à ses fidèles, consacre de nouveau au lyrisme torturé de “The Blue Hour”. Il est 22h30, et Brett nous annonce que le rappel, faute de temps, n’aura qu’une seule chanson : c’est le crowd pleaser Beautiful Ones, illustrant parfaitement le grand écart musical de Suede entre pop agressive – hier - et atmosphères complexes et plus adultes – aujourd’hui.
Et c’est alors que le set va se terminer que je mets enfin les mots sur une impression bizarre que j’ai eue pendant presque tout le set, sur une idée que je n’arrivais pas à matérialiser : en fait, Bret Anderson, c’est un peu le Tom Cruise du Rock ! A 50 ans passé, un beau garçon toujours séduisant, capable encore de faire fi de l’outrage des années, et se dédiant corps et âme à la satisfaction de son public. Rien de honteux ni de ridicule là-dedans. Au contraire, ça force même l’admiration…
« But the clock is ticking away / And the wind is calling us / And the way you make your exit / There are no words… »