"Grave" de Julia Ducournau : les prédateurs...
Le thème de la découverte de soi-même, le fameux "récit d'initiation" est sans doute l'une des plus grandes banalités qui soit, en littérature comme au cinéma, et le premier film de Julia Ducournau, surestimé par une critique excitée par un "mélange des genres" assez peu français dans l'âme, souffre un peu d'être regardable comme un nécessaire exercice de style de la part d'une jeune réalisatrice fraîchement issue de l'école. Mais cette artificialité et cette verdeur ne sont pas vraiment "Grave" (... pardon graves, pour utiliser l'un des double-sens "de notre époque" du titre du film) : c'est l'étrangeté intrinsèque du regard que la jeune femme (personnage comme réalisatrice, car on sent que c'est un peu la même chose, comme dans tout bon "film d'auteur") jette sur le monde - alors que c'est elle-même qui se transforme, qui mute, qui éclôt de manière étrange - qui séduit vraiment ici. Comme chez le jeune Cronenberg auquel on ne peut pas ne pas penser, l'horreur est profonde, singulière, aussi drôle que puissante, aussi frontale que distanciée, et ce dégoût violent, qui risque à tout moment de saisir le spectateur surpris, est une grande qualité de "Grave", loin de la facilité du cinéma gore pour ados ou de l'argument marketing inepte (ces fameux "évanouissements" aux USA...). Et "Grave", malgré ses maladresses, trouve son propre chemin, grâce au parallèle pertinent (pour quiconque aura fait une école où ces pratiques ont eu cours) entre expérience du bizutage et réalisation de soi envers et contre le groupe et "la société" qui vous "intègrent" et veulent vous ingérer. Le twist final, un peu trop évident et un tantinet crapoteux, peut également être lu comme la déception frappant tout adolescent qui croyait se découvrir comme être différent, alors qu'il ne faisait que perpétrer la vieille malédiction familiale.