Il y a 20 ans, la Corée du Nord – dont on ne voit jamais d’images « réelles », étant donné la chappe de plomb que la dictature « orwellienne » fait peser sur le pays tout entier – a déjà eu doit à sa bande dessinée : Pyongyang, le carnet de voyage de Guy Delisle, nous a offert des images dessinées, marquantes, traduisant le regard d’un Européen sur un monde littéralement incompréhensible. 20 ans plus tard, les choses sont loin de s’être arrangées pour les Nord-Coréens, avec leur leader actuel, Kim Jong-un… mais nous n’en savons toujours pas plus sur leur vie, au delà des démonstrations de force d’un gouvernement totalement paranoïaque.

La lecture de Pyongyang Parano, qui raconte de manière « romancée » une tentative réelle « d’infiltration » effectuée par deux journalistes français en 2008, est donc forcément édifiante… même si là encore, on parle d’une « visite » du pays datant de plus de quinze ans, « réactualisée » pour la fiction. Et d’une « visite » par des Occidentaux qui n’ont eu aucune possibilité de rencontrer des habitants de ce pays-prison, hormis les quelques employés de leur hôtel ou des sites « touristiques » parcourus en visite « guidée ». Objectivement, nous n’en savons donc guère plus sur la Corée du Nord en refermant Pyongyang Parano, mais, par contre, nous avons vécu au côté de ses deux héros une fantastique aventure, aux confins de l’histoire d’espionnage et de la comédie burlesque.

Car Alex et Marise, pour réaliser leur enquête, en espérant d’ailleurs pouvoir rencontrer le leader suprême du pays, ont rejoint le voyage d’un groupe d’hommes d’affaires, organisé par un intermédiaire douteux, fan de la Corée du Nord, et chargé de mettre en contact le gouvernement nord-coréen avec des industriels ou des commerçants prêts à investir dans le pays. Alex et Marise ont la brillante (?) idée de se faire passer pour des industriels du chocolat, sachant le goût du leader suprême pour ce genre de gourmandises. Mais, très vite, en dépit d’une préparation très professionnelle de leur « couverture », les choses ne vont pas se passer comme prévu. Ce sont certes les risques du métier de journaliste, mais ils sont un peu plus élevés en Corée du Nord qu’ailleurs ! Et la paranoïa de nos deux « héros » va aller croissante, jusqu’à devenir de la peur, puis de la terreur pure et simple. S’en sortiront-ils vivants ? Là n’est pas réellement la question, puisqu’on sait qu'Antoine Dreyfus, qui a vécu cette incroyable histoire, est l’un des scénaristes du livre… mais cela n’empêche pas – et c’est bien là la grande force du livre – qu’on s’inquiète, et qu’on tremble pour Alex et Marise.

Finalement, oui, Pyongyang Parano est un thriller palpitant, mais un thriller qui n’oublie jamais de nous faire sourire, voire rire franchement, grâce au personnage quasi « woodyallenien » d’Alex, gaffeur, peureux, toujours prêt à tomber amoureux de la première belle Nord-Coréenne croisée. Et par la grâce du dessin simple, rond et engageant, de Fanny Briant, qui illumine sans la trahir cette sombre histoire.

Un régal de livre, qui, pourtant, nous laisse avec un sentiment d’inquiétude : si une dictature peut en arriver au XXIème siècle à ce genre d’extrémités sans que nul ne puisse y faire quoi que ce soit, le monde dans lequel nous vivons est bien sombre.