"Un ours dans le Jura" de Franck Dubosc : loin de Fargo...
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Sorti dans une indifférence générale un peu surprenante pour un film signé de l'un des "amuseurs publics" les plus populaires du cinéma français, Un ours dans le Jura joue la carte du film "à la Coen Bros" - disons en particulier de Fargo, leur chef d'œuvre incontournable. Soit une seconde tentative "française" de transposer la fantaisie grinçante et décalée du cinéma d'Ethan et Joel sur le territoire français, après la jolie réussite de la série Polar Park.
Sur le papier, tout y est : une atmosphère "provinciale" (profonde, la province, on parle ici du fin fond d'un Jura coupé du mode en plein hiver), teintée d'étrangeté, des personnages ordinaires, très très ordinaires, à la croisée de l'absurde et du pathétique, et une trame narrative "policière" où l'imprévisible devient facilement cruel, mais reste largement hilarant. Pourtant, le film de Franck Dubosc, divertissant, reconnaissons-le, laisse finalement une impression d'inabouti, voire d'artificialité, comme si l'auteur tentait désespérément de cocher toutes les cases d'un manuel fictif sur "comment faire un Coen Brothers à la française".
La mise en scène, ce que l'on ne saurait reprocher à Dubosc, bien entendu, reste purement fonctionnelle, et manque de la maîtrise, de la créativité et de l'insolence qui caractérise les œuvres des Frères Coen. Les dialogues, même récités par des acteurs plutôt solides (Laure Calamy, Benoît Poelvoorde, Emmanuelle Devos...), sonnent régulièrement artificiels, et Dubosc peine à insuffler de la vie à ses personnages. On aurait aimé s’attacher à ce couple d'éleveurs de sapins pas très fûtés, à ce gendarme faussement débonnaire, mais leurs trajectoires, bien qu'amusantes, manquent de ce supplément d'âme qui rend justement les antihéros coeniens inoubliables.
Un ours dans le Jura pâtit à la fois d'un réel manque de rythme, et d'un délitement de sa trajectoire scénaristique. La combinaison entre l'humour noir, basé sur une vision lucide des aspects dérisoires de l'existence, et la violence de situations de pur thriller est là, mais Dubosc n'ose pas aller au bout de son propos : il préfère avoir recours à des personnages caricaturaux (les représentants du cartel mexicain qui ne parlent même pas espagnol et qui ne représentent jamais réellement de danger pour les "héros" du film), et à des trucs assez faciles pour résoudre son histoire de manière autant "happy end" que moralement cynique... Il n'y a rien de vraiment convaincant dans la conclusion de Un ours dans le Jura, ou en tout cas, on est bien en dessous de ce qu'on aurait pu espérer au début de cette aventure ! Le principe de "au fond, tout le monde est pourri, tout le monde a son prix" n'a rien d'audacieux, et est au contraire plutôt démagogique.
Au final, Un ours dans le Jura se regarde avec plaisir, et ce d'autant que sa localisation géographique nous offre quelques belles images de paysages montagneux sous la neige, mais laisse une impression frustrante d'inachevé et de maladresse.