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Le journal de Pok
15 janvier 2025

"Nosferatu" de Robert Eggers : beau mais inutile ?

Le "Nosferatu 2024" est un film difficile à juger, et plus encore à aimer. On connaît le goût pour le formalisme, de plus en plus envahissant à chaque film, de Robert Eggers, et il est indéniable que nombre de scènes de son Nosferatu - le troisième du nom, même s'il s'agit d'un leurre, car évidemment, on est ici dans l'adaptation fidèle du Dracula de Bram Stoker - sont impressionnantes, splendides, remarquables, et même parfois terrifiantes. Mais est-ce que la belle forme suffit à faire un BON film, quand elle est appliquée qui plus est sur un "texte" à l'épreuve du temps ? On a envie de dire oui, parce qu'il nous reste en sortant du film suffisamment de belles images en tête, d'émotions fortes aussi, pour qu'on ne puisse prétendre que le film de Eggers est totalement anodin.

Et puis, il a quand même le mérite de se terminer par ce qu'il y a de meilleur, car de plus audacieux, dans le "geste" d'Eggers : la démonstration par l'image de la puissance de la sexualité, du désir, du plaisir féminin. Le dernier plan du film est superbe, et sauve à lui seul - au moins partiellement - le projet. Car si l'on pourra regretter les excès histrioniques de Lili-Rose Depp, qui semble très inspirée par la partition d'Isabelle Adjani chez Herzog (et peut-être un peu aussi de Linda Blair dans l'Exorciste de Friedkin !), il faut reconnaître qu'il y a là une cohérente indéniable dans le projet.

Pour le reste, il est facile de lister les faiblesses du film : l'absence d'intérêt du personnage d'Orlock lui-même, dont on a du mal à saisir l'attrait sexuel, et qui, au mieux, existe quand Eggers reprend des idées de mise en scène chez Murnau ou chez Herzog, et, au pire, se réduit à la bonne idée d'aller rechercher dans les livres d'histoire roumaine le look du fameux Drakul sanguinaire ; la faiblesse générale de l'interprétation, à l'exception, évidemment de Dafoe, comme toujours impérial, dans une incarnation subtilement - et drôlement - décalée du "spécialiste du sujet" ; quelques facilités typiques du cinéma d'horreur lambda d'aujourd'hui, indignes d'un projet aussi artistiquement ambitieux.

Finalement, il n'était sans doute pas nécessaire de refaire une nouvelle version du chef d'œuvre de Murnau, ni même du film malade mais séduisant de Herzog. Et, quelque part, le Dracula de Coppola avait assez bien modernisé le mythe, sans le trahir, pour nous satisfaire.

Eggers, sans doute trop confit dans son respect pour les maîtres qui l'ont précédé, n'était probablement pas le mieux placé pour transformer ce beau livre d'images en un film qui vive. Et qui saigne.

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