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Le journal de Pok

23 avril 2024

"Les derniers jours de Robert Johnson" de Frantz Duchazeau : mourir à 27 ans…

Le 16 août 1938, mourrait tragiquement Robert Johnson, l’un des plus grands musiciens du Blues, peut-être même l’un des créateurs essentiels à la définition de ce que le Blues sera (et à la manière dont il irriguera ensuite le rock’n’roll) : empoisonné par un mari jaloux de ce séducteur impénitent ? Victime d’une vie – courte, il n’avait que 27 ans ! – d’excès et d’abus ? On ne le saura jamais. La légende veut que son génie, immédiatement saisissant, renversant tous ceux qui l’écoutaient (… et lui permettant donc de séduire n’importe quelle femme qui croisait son chemin), ait été le résultat d’un pacte avec le Diable à un légendaire carrefour. La réalité est que Bob Johnson fut le premier membre du triste « Club des 27 », composé de ces musiciens exceptionnels emportés à l’âge fatidique de 27 ans, et qui compte – on le sait – Jimi Hendrix, Janis Joplin, Brian Jones, Jim Morrison, Kurt Cobain, Amy Winehouse

Frantz Duchazeau, créateur de BDs et amoureux de musique, avait déjà tourné autour de Johnson avec un livre sur Meteor Slim, et consacre cette fois les 240 pages de son Les derniers jours de Robert Johnson aux… derniers jours de Robert Johnson : car, de manière cruellement ironique, Johnson mourra sur la route, ignorant que sa célébrité avait dépassé les frontières du Deep South, et que deux hommes (blancs, pas forcément les bienvenus dans ces coins-là !) le cherchaient pour en faire la vedette d’un événement musical au Carnegie Hall de New York. Ces fameux derniers jours de juillet et août 1938, il les consacrera – comme pas mal des précédents – à errer dans la campagne, à chanter pour quelques dollars dans tous les bleds qu’il traversait, à séduire des jolies filles – noire ou blanches, il n’était pas raciste ! – et à s’enivrer chaque nuit, avant ou après un échange de coups de poing avec ceux que son « arrogance » (et / ou son talent) irritait. Tout cela dans un Sud violemment raciste, où le lynchage était une menace permanente pour un vagabond à la peau noire comme lui.

Duchazeau transperce son « road movie » de quelques flashbacks douloureux – et bouleversants – évoquant l’enfance difficile de Bob, son apprentissage de la musique, sa tragique histoire d’amour,… tout ce qui nourrira sa Musique, et en fera un Art de pur génie. Et il tente même de relever le défi, non sans panache, de représenter dans certaines cases l’effet de sa musique sur ses auditeurs… Tout cela dans un style graphique magnifique, un dessin charbonneux, exprimant une énergie, un dynamisme du mouvement, une force expressionniste hors du commun… qui rend la contemplation de chaque page inévitable : la forme, superbe, fait parfaitement écho au contenu. La seule (petite) réserve que l’on pourrait exprimer est que Duchazeau est l’un de ces dessinateurs qui ne réussissent pas toujours à différencier clairement les visages des différents protagonistes, que le lecteur reconnaîtra plus à leurs vêtements…

Quant à la fameuse « malédiction » de Johnson, Duchazeau, très intelligemment, évite le cliché, et en fait un non-sujet en nous en proposant plutôt une version psychanalytique, qui ne manque pas de sel !

… Et pourtant, il se pourrait bien que cette malédiction continue à rôder, puisque le mercredi 14 juin 2023, les planches originales sont dérobées au coursier qui les apporte à l’impression : cette disparition désastreuse dévaste évidemment Duchazeau, qui voit 3 ans de travail s’envoler littéralement… Heureusement, le voleur repenti (et sans doute pas fan de Bande Dessinée) restitue les planches, permettant à cette œuvre remarquable de voir le jour, pour célébrer l’exceptionnel talent de Robert Johnson. Et peut-être, espérons-le, pour qu’il soit découvert par de nouvelles générations.

PS : A noter aussi que l’œuvre de Duchazeau ne fait pas l’unanimité aux USA, et qu’elle ne pourra pas y être diffusée du fait des protestations d’on ne sait quels groupes de gens offensés par le réalisme de la description de la vie quotidienne dans les états du Sud des années trente. La malédiction continue !

 

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22 avril 2024

"Rebel Moon : Partie 2 – l’entailleuse" de Zack Snyder : le pire est toujours possible…

Ecrire à propos d’une expérience aussi désastreuse que le visionnage de la seconde partie du Rebel Moon de Zach Snyder pose un certain nombre de défis. Le premier est la question – fondamentale – de l’utilité d’une telle « critique », puisque les fans de Zach Snyder continueront sans doute à clamer qu’on ne comprend rien au génie de leur héros, tandis que la partie la plus raisonnable des cinéphiles aura de toute manière abandonné depuis longtemps le visionnage des films de Snyder, et aura eu, après la débâcle de la première partie, peu de raison de perdre deux heures de plus de sa vie devant L’entailleuse, la suite de Rebel Moon - Enfant de feu... La suite, et a priori, pas la fin, puisque la conclusion du film laisse entendre que d’autres volets de l’épopée (rires) sont possibles (à moins que les financiers de Netflix ne débranchent l’alimentation de la pompe (à fric) maintenant en vie un patient désormais en coma dépassé.

Le second défi, puisqu’on a décidé de poursuivre, est comment – et pourquoi – ne pas juste répéter ce qu’on a écrit il y a quatre mois seulement sur Enfant de feu ? La copie / le plagiat des 7 samouraïs de Kurosawa, la reproduction juste moins enfantine des concepts de Star Wars, les travers habituels du « metteur en scène » Snyder, et toutes ces choses qui font de Rebel Moon un véritable désastre. Oui, quelque part, pas meilleur, voire pire que ce que la maison Disney a fait de Star Wars, mais dans un registre différent, plus bruyant, plus démonstratif, et finalement encore moins sympathique.

La construction de cette seconde partie est la même que celle de la première, en pire : le début, avec les paysans désirant protéger leur récolte des prédateurs de l’empire, est encore plus lent et moins intéressant. Sir Anthony Hopkins n’est pas là cette fois pour faire diversion (il ne reviendra à la fin qu’en ridicule super-héros marvelien !), et on a droit aux confessions pleines de clichés de chacun de nos mercenaires, qui ne servent sans doute qu’à nous faire « rêver » à toutes les autres planètes que l’univers de Rebel Moon nous fera visiter dans de futurs épisodes. On a droit aussi à l’entraînement « militaire » de quelques heures qui fera d’une bande de villageois des soldats plus aguerris que les soldats professionnels qui les attaqueront dans deux ou trois jours (sans même parler de leur capacité de creuser quasi instantanément un réseau de tranchées digne de ceux ce nos poilus en 14-18). Et puis à la fin, tout le monde danse sur de la musique celte, car il est établi par les mâles blancs états-uniens qu’une population du futur ne saurait avoir conservé du passé que les saines valeurs culturelles du l’Europe du Nord (bon, on ment, il y aussi ce bon Djimon Hounsou – d’ailleurs le seul à essayer de faire un travail d’acteur au milieu de la débandade générale – qui nous récite une incantation africaine, ou quelque chose du genre).

Et puis, ensuite, quand les vaisseaux de la flotte ennemie, qui fonctionnent au diesel et au charbon, finissent par arriver, on a droit au gros baston, qui se passe largement au ralenti, et qui verra les bons triompher, sans surprise, des méchants, au prix de la mort de quelques uns d’entre eux quand même. Dans ce gros baston, certes spectaculaire par instants – on aimera bien le duel final du grand méchant nazi avec la grande gentille d’origine nord africaine, qui se déroule au long d’une interminable chute -, on ne prendra même plus garde aux invraisemblances qui se ramassent à la pelle, ni aux idées déjà mille fois vues et revues, en mieux souvent, ailleurs. Et tout au long de ces deux heures – qui, dieu merci, n’en font pas trois -, on n’arrêtera pas de se poser la grande question : "Mais pourquoi un empire envoie-t-il une flotte et une armée à des années lumières juste pour ramasser quelques sacs de blé produits par des pouilleux sur une lune sans intérêt ?".

Mais le pire n’est pas que cette seconde partie de Rebel Moon soit aussi calamiteuse (moins spectaculaire, moins originale encore que la première), mais qu’il pourrait bien y avoir des suites au programme !

21 avril 2024

"Fallout" de Geneva Robertson-Dworet et Graham Wagner : mélange de genres instable…

On se souvient comment HBO a ramassé le jackpot avec sa brillante adaptation du jeu vidéo The Last of Us, et les cadres des studios Amazon en sont certainement restés verts de jalousie. Quelqu’un, lors d’une réunion marketing, a alors eu une idée géniale : puisque le plus grand succès de la maison dans le genre Sci-Fi est incontestablement The Boys, pourquoi ne pas imaginer une version série d’un autre jeu populaire, Fallout, qui ratisse le mise en adaptant le récit post-apo aux codes « gonzo » qui ont si bien marché pour The Boys ? Les cadres sont convaincus, ils votent en faveur de l’idée, et quelques mois plus tard, le verdict populaire… leur donne raison. Même les critiques semblent emballées par ce mélange de science-fiction, de thriller, de gore et d’activisme anti-capitaliste (une veine politique que la compagnie de Jeff Bezos exploite avec un visible délice…). Tout va donc pour le mieux, mais on est en droit de penser que Fallout n’est pas la réussite – hormis commerciale – célébrée un peu partout…

L’histoire paraît simple, mais – et c’est une indéniable qualité de Fallout – elle est beaucoup plus retorse qu’il n’y parait : la guerre nucléaire ayant été finalement déclenchée entre les USA et les « Rouges » durant les années 60, un certain nombre de privilégiés ont pu trouver refuge dans des « vaults », abris anti-nucléaires développés et construits peu de temps avant l’holocauste. 200 ans plus tard, les résidents de l’un ces « vaults » sont attaqués par des pillards venus de la surface, et Lucy se voit contrainte de quitter la sécurité de son environnement confiné pour aller chercher son père kidnappé. Ce qu’elle va découvrir, « à la surface » n’est pas exactement conforme à ce qu’elle attendait, et va remettre en question la totalité de ce qu’elle croit savoir…

Après une très belle introduction du personnage de Cooper Howard (Walton Googins, excellentissime, est l’une des grandes raisons de regarder Fallout, et c’est un bonheur de le retrouver des années après The Shield !) et de l’apocalypse nucléaire, on découvre dans le premier épisode le monde étrange des « vaults » (qui ne sont pas sans rappeler l’univers de Silo !). Et puis tout se délite, pour notre plus grand plaisir… jusqu’à une drôle de scène mi-western spaghetti, mi-film d’horreur de série Z, qui semble venir là comme un cheveu sur la soupe. On va alors réaliser que Geneva Robertson-Dworet et Graham Wagner nous ont concocté un drôle de potage aux grumeaux bien sanglants et à l’humour potache, qu’on va avoir du mal à ingérer : le mélange de genres, qui, il est vrai, fonctionne bien dans The Boys, a ici bien du mal à prendre. Est-ce dû en particulier à la production et à la réalisation de 3 épisodes de l’inénarrable Jonathan Nolan, déjà responsable de la catastrophe Westworld ? Ou bien est-ce tout simplement trop difficile de faire cohabiter dans une seule série une intrigue politique « sérieuse » et complexe, des scènes spectaculaires de SF rétrofuturiste (aux effets spéciaux néanmoins irréguliers), de la comédie burlesque et du gore sans limites ?

Qui plus est, l’une des grosses faiblesses de Fallout est ses personnages, qui, à l’exception de Cooper Howard / la goule, oscillent en permanence entre bouffonnerie et sérieux, et tendent à la caricature. Il faut ainsi plusieurs épisodes pour qu’Ella Purnell, d’abord oie blanche irritante, trouve le ton juste convenant à Lucy… Une solution qui échappera toujours à Aaron Moten, incapable de rendre son Maximus crédible !

Le meilleur dans Fallout réside dans les flashbacks où l’on voit Cooper Howard découvrir peu à peu les cuisines peu ragoûtantes de la grande entreprise où sa femme réussit professionnellement, et l’idéologie extrémiste d’un capitalisme ne reculant devant rien pour satisfaire ses actionnaires. Pour le reste, on en est réduit à osciller entre adhésion et répulsion, en passant par un stade fréquent d’irritation devant un scénario qui n’hésite pas à accumuler les invraisemblances (peut-être acceptables en jeu vidéo, mais beaucoup moins l’écran, comme ces fameuses potions magiques régénérant miraculeusement les joueurs… pardon, les personnages).

20 avril 2024

"L’absence selon Camille" de Benjamin Fogel : la transparence en question…

Trois ans, il nous a fallu attendre trois ans pour connaître le mot de la fin de la trilogie Irina/Manon/Camille de Benjamin Fogel ! Il faut dire que l’animal ne manque pas d’occupations, entre son excellente maison d’édition Playlist Society et son goût pour la musique à tête chercheuse, il n’a pas dû lui être facile de s’arrêter pour écrire les quatre cent pages de L’absence selon Camille.

Bon, on parle de trilogie maintenant que l’affaire est « bouclée » (mais, soyons honnête, tout ça pourrait continuer, vue la fin « ouverte » de ce troisième volume, dont on aurait presque hâte de connaître la suite), mais les choses ne sont pas si simples que ça : Manon se déroulait avant Irina, dont Camille est la vraie suite, tout en intégrant des personnages de Manon. Vous suivez toujours ? Les lecteurs des deux premiers volumes seront à l’aise avec L’absence selon Camille, mais les autres auront sans doute quelques difficultés pour s’y retrouver dans la jungle touffue d’un récit qui se construit sur une telle multitude de personnages, chacun ayant droit à son histoire sur quelques pages (ou plus, pour les plus importants). A noter que l’auteur utilise le « Je » seulement pour Camille, personnalité très floue, tant du point de vue « genre » que psychologique : comme le titre l’indique, Camille est finalement une sorte de spectre, porte parole d’un groupe d’activistes, qui ne va acquérir une existence tangible que quand il/elle sera emprisonné(e) par le gouvernement français pour complicité avec des terroristes. Le fait que ce « trou noir » dont tout le monde, homme ou femme, tombe amoureux, existe avant tout sur les réseaux sociaux, au point de devenir une force politique notable, peut-être la seule capable de s’opposer à l’extrême-droite, n’est pas l’un des points les moins passionnants du roman de Fogel.

L’absence selon Camille poursuit donc la réflexion de Fogel sur la question de la « transparence », c’est-à-dire la mise à disposition gratuite (et non marchande, comme aujourd’hui) pour tous des données personnelles de tous. Cette « transparence » est-elle un instrument de domination totalitaire ou au contraire la garantie de la liberté individuelle et de la démocratie ? Voilà la question centrale du livre, une question qui agite les débats politiques du futur, et ce d’autant que s’ajoute celle de l’anonymat « IRL » : son pendant ou bien au contraire sa contradiction ? Et ce sont des interrogations que Fogel rend passionnantes, présentant alternativement – et très habilement, sans nous noyer dans des dialogues sans fins – des arguments « pour » ou « contre », en fonction du personnage central du chapitre.

Ajoutons la mise en place réussie du Revenu Universel, et nous avons là en 2060 (deux ans après Irina, donc) une société au fonctionnement très différent de celle que nous connaissons aujourd’hui. Car, dans le monde de Camille, grâce à la « transparence », la lutte contre réchauffement climatique a enfin pris son envol, même si les conséquences de ce retard sont tangibles. On pourra par contre regretter que les autres questions qui nous agitent aujourd’hui passent complètement au second plan ici : la bataille autour du « genre » semble avoir été gagnée par les « wokes », et il n’y a pas réellement trace ici de tensions sociales ou politiques liées à l’immigration ou pour des raisons religieuses !

Il ne faut pas oublier quand même que, au delà de sa partie « réflexive », évidemment essentielle, et qui rapproche L’absence selon Camille de la meilleure science-fiction contemporaine, Fogel conserve suffisamment d’éléments de thriller, en particulier dans une seconde partie réellement haletante, pour que tout le monde trouve du plaisir à sa lecture. Certains reprocheront à Fogel la distance que son écriture, extrêmement fluide et précise, crée entre le lecteur et les personnages de la fiction, ou encore la rapidité d’une narration qui ne s’embarrasse que peu de détails et de psychologie, mais ce sont là les attributs logiques d’un livre qui se veut avant tout moderne et riche en réflexion, sans pour autant jamais ennuyer.

Moi, personnellement, je vote pour une tétralogie, car j’aimerais connaître l’issue du face à face qu’annoncent les toutes dernières pages ! Au boulot, Benjamin !

19 avril 2024

"Civil War" d’Alex Garland : d’une brûlante actualité…

A la vue de la bande annonce racoleuse de Civil War, on craignait qu’Alex Garland – jadis un brillant espoir du cinéma de SF intelligente avec son Ex-Machina – ne nous déçoive encore une fois en nous livrant un blockbuster bas du front, capitalisant sur l’angoisse du monde (entier, pas seulement états-unien) devant le déchirement de plus en plus violent de la société autour de questions politiques, religieuses ou simplement morales. Heureusement, Civil War est bien différent, et replace même Garland parmi les cinéastes qui comptent.

Oui, Civil War est un excellent film, malgré quelques scories : un discours parfois un peu convenu sur le journalisme et sa fonction, des rapports presque caricaturaux entre les deux héroïnes (Kirsten Dunst et Cailee Spaeny, toutes deux excellentes), une dernière partie sacrifiant un peu la vraisemblance qui avait prévalu jusque là pour nous offrir du spectacle… Mais ce qui est intéressant est ailleurs, et en particulier dans l’idée de construire le film comme un road movie, une traversée des Etats-Unis dévastés par une nouvelle guerre de sécession, qui nous permette de constater par nous-mêmes, et de manière progressive ce délabrement des structures de la société, mais aussi des relations humaines les plus essentielles, dont on sent très bien depuis quelque temps qu’il nous guette.

Au début du film, on en sait très peu sur ce qui se passe, sur ce qui se joue réellement : on comprend qu’on a affaire à un président incompétent, probablement autoritaire (il en est à son troisième mandat), et qu’une alliance s’est créée entre deux états pourtant politiquement opposés, la Californie et le Texas pour renverser le pouvoir central à Washington. Un conflit qui a entraîné le chaos dans quasi tout le pays, les gens s’entretuant en fonction de leurs convictions. Mais ce qu’on va découvrir en accompagnant un quatuor de reporters – journalistes et photographes – se rendant de New York à Washington pour interviewer le président assiégé (recueillir ses derniers mots ?), va matérialiser toutes nos craintes. Certaines scènes évoquent inévitablement les fictions post-apocalyptiques comme Walking Dead ou The Last of Us, mais avec ce soupçon de véracité, de réalisme en plus qui fait toute la différence.

Le talent de Garland est de construire son film en forme de crescendo, jusqu’à une scène terrible, mais également terrible de justesse, conduite par le toujours brillantissime Jesse Plemons : tout y est, de l’exécution sommaire des « mauvais » Américains – quoi que ce soit que ça signifie dans la tête des bourreaux – aux charniers clandestins, en passant par le sentiment que la survie en temps de guerre est une sorte de roulette russe, où un seul mot, un seul geste décide votre sort. La dernière partie du film nous offre enfin le spectacle promis, et devrait satisfaire ceux qui ont payé leur place pour voir un film d’action, heureusement encore une fois traitée de manière réaliste en dépit d’un scénario jouant cette fois sur des clichés (la chute de la Maison Blanche, ce genre de choses).

Le parti-pris de placer des reporters de guerre au centre du récit joue donc pleinement en faveur du film, même si, on l’a dit, Civil War n’apporte rien de nouveau sur le sujet : certains sont des charognards avides de scoops, comme le personnage joué par Wagner Moura, d’autres, « embeddés » au sein des opérations militaires sont seulement là pour servir le discours officiel de l’armée qu’ils accompagnent, et enfin quelques uns gardent un reste de conscience et de morale : pas de surprise ! Pourtant, il faut bien reconnaître que nous ressentons tout au long du film la précarité léthale de leur situation, et que nous admirons leur engagement : Civil War nous rappelle donc qu’il s’agit là d’un métier à hauts risques, essentiel à la préservation d’une certaine vérité au milieu de la propagande qui fait rage. Impossible de ne pas penser à l’Ukraine ou à la Bande de Gaza devant Civil War, un film de « science fiction » qui est en fait d’une brûlante actualité.

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18 avril 2024

"Ripley" de Steven Zaillan : plein les yeux !

The Talented Mr Ripley de Patricia Highsmith, l’un des chefs d’œuvre du roman noir, a déjà été adapté deux fois au cinéma, dans deux films remarquables : Plein Soleil (1960) de René Clément fut l’un des films phares qui révéla au grand public le jeune (et beau) Delon, tandis que The Talented Mr Ripley (1999) d’Anthony Minghella, initialement rejeté par une critique le jugeant trop « léché », a acquis ses lettres de noblesse au fil des années, et constitue aujourd’hui le mètre-étalon qui servira à juger toute nouvelle tentative d’adaptation. Et c’est bien là que Steven Zaillan, avec sa mini-série, et en dépit des immenses qualités de celle-ci (on y reviendra), a été chercher la corde pour se faire pendre : en prenant quasi systématiquement le contre-pied des choix de Minghella

Tout le monde connaît cette magnifique et très sombre histoire d’un arnaqueur, Tom Ripley (Alain Delon, Matt Damon, et ici Andrew Scott) chargé par les richissimes parents de Dickie (Maurice Ronet, Jude Law et cette fois Johnny Flynn) de convaincre ce dernier, qui mène une vie oisive à leurs frais en Italie, de revenir au bercail. Ripley va tomber amoureux de Dickie, ou de son mode d’existence, et va basculer dans le crime et usurper l’identité de sa victime. Ce qui change assez radicalement ici, c’est que les personnages sont plus âgés (au risque de perdre un peu de crédibilité quant à l’inquiétude des parents de Dickie), moins spontanés et superficiels, et surtout que Ripley est cette fois dépeint comme un être profondément ambigu, voire malsain, pour lequel le téléspectateur aura du mal à ressentir la moindre sympathie. Même si l’intrigue est très fidèle au roman de Patricia Highsmith, Zaillan modifie l’équilibre des différentes parties de l’histoire pour alourdir les scènes de crime – respectant ici le célèbre précepte hitchcockien (« Je montre à quel point il est difficile et quel désordre de tuer un homme…« ) et pour allonger – sur la moitié des 8 épisodes – le jeu du chat et de la souris entre Ripley et la police italienne.

Cette approche a pour effet de transformer la série en un thriller policier et l’éloigner du pur drame psychologique, d’autant plus que la question de l’homosexualité latente est étonnamment peu exploitée pour une œuvre contemporaine… L’interprétation magistrale de Maurizio Lombardi, qui crée un personnage de policier impressionnant et subtil, ajoute encore du poids à la partie de la « traque ». Qui plus est, la lenteur et la précision de la narration, s’appuyant sur une mise en scène d’une grande intelligence, créent de très longs moments de tension particulièrement savoureux tout au long de la série. Le Ripley que l’on découvre cette fois n’est pas un manipulateur surdoué – même si le dernier épisode révélera un certain nombre de calculs particulièrement habiles de sa part -, c’est surtout un homme capable d’improviser alors que les obstacles et les mauvaises surprises d’accumulent sur sa route : Andrew Scott est excellent dans ces allers-retours entre machiavélisme retors et pure panique d’un homme aux abois. A l’inverse, le choix d’Eliot Sumner (fils de Sting) pour jouer un personnage de Freddie Miles sacrifié cette fois par le scénario, est assez discutable : évidemment, cette opinion est influencée par la comparaison inévitable avec l’interprétation du génial Philip Seymour Hoffman dans le film de Minghella… Et Dakota Fanning elle-même ne crève pas particulièrement l’écran, et ne rend pas son rapport avec Dickie vraiment crédible.

Mais, pour être sincère, là où Ripley se démarque superbement de tout ce qui l’a précédé, c’est dans sa conception artistique. Le choix du Noir et Blanc (qui a refroidi apparemment une bonne partie des téléspectateurs internationaux) permet à la série de s’affranchir de la facilité de la représentation d’une Italie ensoleillée, lumineuse, infiniment douce (le travers du film de Minghella), pour explorer plutôt la noirceur de certains de ses aspects « culturels » (la Camorra, en particulier, mais aussi l’opacité de comportements traditionnels, ou de pratiques troubles…). Plus intéressant encore, le choix de matérialiser la noirceur du personnage de Ripley à travers sa fascination pour l’œuvre de Caravage, magnifique peintre de la lumière dont la vie fut au contraire marquée par l’obscurité. Et c’est sans doute là que le choix d’une image au Noir et Blanc fortement contrasté se justifie pleinement : lorsque Ripley se perd dans la contemplation de peintures, mais aussi de statues antiques, de détails de monuments, tout ce qu’on voit se met à faire pleinement sens.

Et la série, que l’on peut très bien regarder comme un photogramme d’images absolument sublimes, s’élève vers l’excellence, dépassant alors tout ce qu’on a pu voir de similaire dans le genre. C’est ce qu’on appelle nous en mettre plein les yeux !

17 avril 2024

"Le mal n'existe pas" de Ryûsuke Hamaguchi : le mal existe...

L'exceptionnelle réussite de Drive My Car et le passionnant Contes du Hasard ont placé Hamaguchi très haut dans ma liste personnelle de cinéastes à suivre. Du coup, par rapport à mon niveau d'attente vis à vis de ce nouveau film, qui plus est primé à Venise, Le mal n'existe pas a constitué pour moi une légère déception... qui ne remet pas en cause néanmoins l'admiration ressentie vis à vis d'une démarche aussi ambitieuse que la sienne, et aussi, admettons-le, vis à vis de l'intelligence subtile de sa mise en scène.

Vraie / fausse démonstration écologique autour d'un ruissellement (d'eaux usées) bien plus réel que celui promis par les adeptes du néo-libéralisme, Le mal n'existe pas est un film qui désoriente par son hétérogénéité, autant que par sa dernière partie, à la fois magnifique, puissante, et... peu claire.

Même si chacune des trois parties du film atteste de l'immense talent de Hamaguchi, il n'est pas facile de passer d'une patiente observation des interactions de Takumi et Hana (père et fille) avec la nature intacte de la région montagneuse et forestière où ils habitent, à une observation fine, mi engagée, mi distanciée, d'une confrontation entre villageois désireux de protéger leur environnement et les représentants d'une agence de promotion pour l'installation d'un "glamping" chez eux : ce grand écart est sans doute trop exiger du spectateur lambda (que je suis), mais témoigne surtout de ce que l'introduction du film provient d'un court projet musical sur lequel Hamaguchi a décidé de construire.

Le plus saisissant est néanmoins la troisième partie du film, sorte de thriller existentiel où tout ce dont nous avons été témoin lors de la première demi-heure du film nourrit une fiction assez inattendue... Avant une plongée angoissante qui subvertit tout ce que nous avions compris et accepté des personnalités comme des rôles de chacun. Les derniers plans du film ont-ils un sens symbolique puisqu'ils n'en font guère (de sens) au premier degré, par rapport à une logique "traditionnelle" ? Chacun aura sa petite opinion là-dessus, et de cette opinion dépendra certainement l'appréciation ou non de ce Le mal n'existe pas.

14 avril 2024

"The signal" de Florian David Fitz, Nadine Gottmann et Kim Zimmermann : « Hello ? »

Une astronaute qui fait de la recherche sur l’ISS est témoin d’un fait inexpliqué. A la fin de sa mission, elle ne reviendra pas vers sa famille – son mari et sa fille : ces derniers, accablés par sa disparition, essaient de comprendre ce qui a bien pu se passer, et vont découvrir une vérité effrayante. Cette histoire vous rappelle quelque chose que vous avez vu récemment ? Comment en effet ne pas faire le parallèle avec Constellation, la demi-réussite de Apple TV+ ?

Il ne faudrait pas que cette similitude de thème, et même de traitement (un va-et-vient entre un mystère – sous forme de flashback – dans la station spatiale et un drame familial – comment faire le deuil d’une épouse ou d’une mère quand tant de choses restent inexpliquées autour de sa disparition ?) joue contre Das Signal (The Signal en guise de titre international), tant cette courte mini-série allemande s’avère meilleure ! Quatre épisodes lui permettent en fait de traiter sans redites et à fond son sujet, avec en bonus une suite de révélations inattendues dans le dernier épisode, ce qui est bien plus que ce qu’on peut dire de Constellation !

Le mélange de paranoïa permanente (il y a un complot, mais qui implique qui ?), de thriller tendu (la fuite du père et de sa fille, pourchassés par la police) et de tragédie humaine (comment vivre quand on a tout perdu ?) est réussi, et éloigne finalement la série de son point de départ « science-fictionnesque », pour l’ancrer dans un réalisme, psychologique en particulier, bien plaisant. Même si Das Signal ne bénéficie pas de la présence d’une actrice comme Noomi Rapace, et si son budget est visiblement bien plus réduit que celui de la superproduction d’Apple TV+, l’équipe de scénaristes et les réalisateurs font un travail tout à fait correct : quelques longueurs sont encore notables ça et là, mais rien de rédhibitoire, tant le téléspectateur se voir embarqué dans la résolution de l’énigme comme dans la souffrance des personnages.

On peut débattre pour savoir si la toute dernière révélation, dans les ultimes minutes du quatrième épisode, est absolument logique, mais elle ajoute indéniablement un fort poids émotionnel rétrospectif à l’histoire. Et elle permet de conclure Das Signal sur un message positif assez inhabituel quant à la possibilité pour l’individu ordinaire de vaincre – et même de manœuvrer – des forces qui lui sont supérieures.

12 avril 2024

"Les entrailles de la nuit" de Marco Pianelli : un cador de la gendarmerie…

Lorsqu’un thriller reçoit le Prix du roman de la gendarmerie nationale, on imagine bien que son héros n’est pas une version française de Harry Hole, un ex punk rocker alcoolique et toujours proche lui-même de chuter dans l’illégalité ! La lecture des Entrailles de la nuit, de Marco Pianelli nous conforte dans nos préjugés, nous rassure peut-être aussi quant à la pérennité des institutions françaises : le major Victor Tchaïev, même s’il est à moitié Rom, ne plaisante pas avec les procédures, la discipline, et ne sourit que quand il se brûle au troisième degré. Résultat : malgré nous, on a bien du mal à l’aimer, ce cador de la gendarmerie, que l’on perçoit comme un c… inflexible, déplaisant, voire littéralement inhumain… Ce qui serait un problème si on ne réalisait pas que, finalement, il y a là une certaine originalité – non dénuée d’audace – de la part d’un auteur qui ne va pas caresser le lecteur de polars dans le sens du poil…

Notre militaire en pleine rétention anale enquête donc sur la disparition d’une petite fille, dont les parents sont amis d’un ministre, ce qui leur garantit que toutes les ressources de la gendarmerie française – et ensuite, de la police – soient activées de toute urgence. Mais malgré la diligence et le professionnalisme des enquêteurs, on ne trouve aucune trace de la disparue durant les 24 premières heures, qui sont, tous les lecteurs de thrillers le savent, critiques. C’est que c’est à autre chose qu’un banal enlèvement qu’on a affaire…

Marco Pianelli est un auteur relativement « nouveau », qui n’a à son actif – à notre connaissance – que trois livres avant ces Entrailles de la nuit, avec d’autres « héros » que Victor Tchaïev. Mais il a recours ici à un subterfuge malin, qui est de donner au lecteur le sentiment d’arriver en plein milieu d’une saga qui aurait vu Tchaïev résoudre déjà plusieurs cas difficiles – appréhendant des serial killers… Cette impression d’être brutalement parachuté au milieu de personnages que nous ne connaissons pas, mais qu’il nous semble que nous devrions connaître (voir par exemple la relation entre Tchaïev, et son soutien digital, l’adjudant Ripert…) donne au démarrage du livre un charme indéniable.

C’est également le réalisme de la description des procédures d’enquête qui séduit : Les entrailles de la nuit est clairement un livre « sérieux », où on ne racontera pas n’importe quoi pour accrocher le lecteur. Ce qui ne veut pas dire ennuyeux, car la mécanique enclenchée par le criminel est assez originale pour que nous nous passionnions pour le duel entre Tchaïev et son mystérieux adversaire. Le seul problème, néanmoins, est qu’il sera assez facile à un lecteur expérimenté de deviner assez tôt qui est cet adversaire, nous frustrant devant ce qui est une sorte de facilité inattendue dans le genre. Heureusement, Pianelli nous offre une confrontation finale entre les deux adversaires, verbale plutôt que physique, qui ménage une conclusion inhabituelle au livre, assez loin des happy ends assez systématiques dans les polars.

Bref, malgré quelques réserves, on suivra désormais la carrière de Marco Pianelli, qui deviendra peut-être une voix originale du polar français.

11 avril 2024

"All Quiet On The Eastern Esplanade" de The Libertines : les bénéfices de l’âge…

Attention, préparez vos insultes, et même tout ce que vous pouvez lancer, virtuellement, à la tête de ce chroniqueur : celui qui écrit ces lignes n’aime pas beaucoup The Libertines. N’a jamais été particulièrement séduit par The Libertines, une fois passée l’excitation générée par leur apparition au milieu d’une scène rock britannique qui attendait ses « sauveurs ». Et ce n’est pas le récit épique (dans les tabloids britanniques…) mais fastidieux des éternels conflits entre Pete Doherty et Carl Barât, suivi par longue descente en vrille de Doherty dans une posture romantique de poète déglingué, qui les a rendus plus sympathiques, au contraire : la musique n’avait guère besoin d’un autre héros mort à 27 ans, et, contrairement à ce que les très jeunes gens continuent à penser, les gagnants sont les survivants (Hein, Keith ? Hein, Iggy ? Hein, Nick ?).

Ce quatrième album, surgissant après neuf ans de silence, ne suscitait guère d’espoirs, en dépit de la bonne forme physique d’un Doherty rassurant depuis son aventure musicale réussie avec Frédéric Lo. Leur récente prestation scénique au Festival des Inrocks s’étaient avérée correcte, sérieuse presque, pas particulièrement excitante : une fois disparue la tension entre les membres du groupe et leur attrait pour le chaos, restait-il quelque chose d’original chez les Libertines ?

Mais il y avait ce joli single, Oh Shit, qui ne manquait pas d’allure, et surprenait son monde. Une chanson juste déjantée comme on aime, pour admirer l’amour quand il ne se préoccupe que de l’immédiat plaisir d’être en vie. « Tank top, boots, no money / Living on the stubs / What’s it even matter / You’re just young and in love / Oh shit, oh shit / … / Just enough to get us by » (Débardeur, bottes, pas d’argent / Vivre de mégots / Qu’importe / Tu es juste jeune et amoureux / Oh merde, oh merde / … / Juste assez pour nous en sortir). Une indéniable nostalgie – mais joyeuse, la nostalgie – de la part de rockers plus si jeunes maintenant que la quarantaine est bien passée, et qui se sentent ravis devant le spectacle de la jeunesse. Soit une piste réellement intéressante pour un album qui, en effet, s’avère respirer – pour la première fois sans doute – une belle maturité.

Il y a bien sûr ce jeu de mot un peu pourri du titre, qu’on ignorera, parce qu’il essaie de nous faire croire que l’album est une plaisanterie (la première Guerre Mondiale réduite au joyeux foutoir de la vraie et belle Angleterre des rues bariolées, loin du Brexit des vieux cons), alors qu’il est tout sauf ça : il est même très sérieux, et aussi presque toujours très beau. Il suffit d’écouter par exemple le Shiver que nous balance Doherty : une chanson formidable, bouleversante même pour être honnête. Et franchement politique, écrite dans la foulée de la disparition de Lizzy, dans un moment particulièrement opportun pour s’interroger sur ce qui reste de la fière Albion : « They all queued up to see / The old girl’s gone away / As the tattered standard hits the ground / Another coronation day » (Ils ont tous fait la queue pour voir / La vieille fille qui est partie / Alors que l’étendard en lambeaux touche le sol / Un autre jour de couronnement).

Tout n’est évidemment ici pas du niveau de Shiver, à commencer par le premier single et ouverture de l’album, le très basique Run Run Run, le genre de morceaux que Barât compose sans doute à la douzaine, sans se forcer. Et puis la citation du Lac des Cygnes sur Night of the Hunter est plus gênante qu’autre chose. A l’inverse, l’album contient de bien belles chansons qui reflètent une « conscience politique » comme I Have a Friend, avec ce que l’on peut comprendre comme un hommage à l’Ukraine inséré dans une vision apocalyptique de notre futur : « It’s hard to theorize when you are being brutalized / And the tears, like the bombs, they fall without warning / Follow the tracks in the mud down to where the sea is black with blood » (C’est difficile de théoriser quand on est brutalisé / Et les larmes, comme les bombes, elles tombent sans prévenir / Suivez les traces dans la boue jusqu’à là où la mer est noire de sang). Ou comme un Merry Old England qui fait mal quand il confronte les espoirs des immigrés illégaux avec la réalité d’une Grande-Bretagne bien décrépite (« Did they give you everything that you dreamed of? / A B&B and vouchers for three square / Is it еverything that you dreamed of? / … / Oh, how you finding merry old England? » – Vous ont-ils donné tout ce dont vous rêviez ? / Un Bed &Breakfast et des coupons pour trois carrés / Est-ce tout ce dont vous rêviez ? / … / Oh, comment trouvez-vous la joyeuse vieille Angleterre ?).

Selon ses titres, All Quiet On The Eastern Esplanade oscillera ainsi gentiment entre une brit pop mélodiquement inspirée (on n’est pas si loin de Blur, quelques fois, comme sur le joli Man With A Melody), de rares éruptions garage qui sonnent surtout comme un rappel de ce que le groupe a été (Be Young, avec néanmoins une jolie parenthèse reggae), et de ces fragiles moments d’émotion que Doherty sait si bien faire naître (comme sur le jazzy et touchant Baron’s Claw). Mais l’ambiance générale est finalement assez cohérente : l’album dégage un indéniable romantisme qui devrait séduire les plus endurcis, ou les plus réservés par rapport à la saga Libertines…

L’album se referme sur le très beau Songs They Never Play on the Radio (hommage-citation à Nico) résume bien le dilemme des Libertines : leur indéniable talent leur permet de poursuivre sans honte, et non sans panache, l’histoire du Rock anglais, en exploitant le riche héritage des Kinks (une inspiration qui en vaut bien d’autres !), mais ils ont du mal à ne pas jouer un peu aux cancres turbulents qu’ils ne sont plus depuis longtemps, dont on entend les échos dans une longue conclusion assez inutile…

Pour finir, une théorie, un pari : cet album ravira ceux qui n’ont jamais aimé The Libertines, et désespérera ceux qui les portaient aux nues à leurs débuts. Et c’est sans doute très bien ainsi.

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