"Le Mur des Silences" d'Arnaldur Indriðason : un Simenon islandais ?
Après Ce Que Savait La Nuit, les Fantômes de Reykjavik et la Pierre du Remords, le Mur des Silences est le quatrième livre d’Arnaldur Indriðason consacré au chemin de croix de l’inspecteur de police à la retraite, Konrad. Il est aussi celui vers lequel convergent toutes les fictions – les enquêtes menées par ce retraité peu aimable, aussi bien que ses propres interrogations sur la mort de son père, datant de plusieurs décennies, et sur laquelle il a finalement décidé de tenter de faire la lumière, en dépit de sa haine pour cet homme profondément mauvais, qui au-delà des escroqueries et des trafics minables qu’il organisait, frappait sa femme et abusait de sa fille.
Il faut avertir le lecteur novice qui ouvrirait le Mur des Silences, il est loin d’être certain que ce roman noir – plus que « polar » au sens habituel du terme – soit réellement compréhensible pour lui : la multiplication des références (enquêtes, personnages…) aux trois livres précédents s’avérera probablement déroutante, voire irritante, pour qui ne les a pas lus. Le lecteur fidèle pourra lui, au contraire, se dire qu’Indriðason aurait peut-être dû publier un seul livre, quitte à ce qu’il dépasse le millier de pages, capturant la totalité de l’histoire de Konrad et de son retour vers son enfance et sa jeunesse : il aura aussi le sentiment que l’on s’approche du terme de celle-ci, tant tous les protagonistes semblent désormais en place pour la résolution finale du drame. Si ce n’était pas le cas, s’il prolongeait trop longtemps son petit jeu, Indriðason courrait indiscutablement le risque de nous perdre…
Sinon, il est sans doute inutile de confirmer à ceux qui sont familiers de l’œuvre d’Indriðason, que le Mur des Silences parle, encore et toujours, de violences conjugales et d’abus sexuels sur des enfants. Pas forcément de quoi réjouir le lecteur, mais de quoi l’emporter dans un monde fascinant de noirceur, et pourtant, paradoxalement, de sensibilité. Indriðason est un maître.