Séance de rattrapage : "Que Dios Nos Perdone" de Rodrigo Sorogoyen
D'abord, soyons cléments avec la critique et le public français qui ont largement surestimé ce "Que Dios Nos Perdone" beaucoup trop espagnol pour que tous les thèmes qui se bousculent dans son scénario engorgé soient perceptibles hors des frontières ibériques. Il faut néanmoins insister sur la forte tonalité anti-religieuse du film, qui ne se limite pas à la toile de fond ironique de la visite papale dans un Madrid miné par la crise économique : en effet, le titre du film et le livre inspirant le serial killer ("Camino") sont une référence directe à la doctrine de l'Opus Dei, qui est donc pointé clairement par Sorogoyen comme source du Mal et puissance corruptrice. Ceci dit, "Que Dios nos perdone" commence bien en parcourant avec une certaine élégance le chemin désormais bien balisé du "film de serial killer" hollywoodien avec duo de policiers passablement dérangés, et en y ajoutant ce mélange d'humour vulgaire et de brutalité relationnelle qui est si typique de l'Espagne. Le spectateur est donc intrigué puis rapidement séduit par ce contraste entre familiarité (avec le genre) et nouveauté (la noirceur certes un peu complaisante du cinéma espagnol contemporain). Avant de s'apercevoir que, peu à peu, les excès du scénario et des personnages s'accumulant au delà du raisonnable, le film perd sa crédibilité à se vouloir trop impactant. Le changement de point de vue dans le dernier tiers du film (on suit alors l'assassin) n'aide d'ailleurs pas la cohérence narrative et psychologique, et la fausse bonne idée du final "tardif" achève de déréaliser un film qui n'a définitivement pas tenu toutes ses promesses.