"Le Frisson" de Ross Macdonald : d'utilité publique...
Il semble qu'en 2015, on ait oublié qu'on peut faire un bon polar populaire sans serial killer, sans accumulation de scènes "gore", ou sans démesure conspirationniste. Relire l'oeuvre de Ross Macdonald, et les enquêtes de Lew Harper (interprété à l'écran par le grand Paul Newman, ne l'oublions pas), s'avère sans doute désormais d'utilité publique, et "Le Frisson" bénéficie de la réputation d'être l'un des tous meilleurs livres de la série. Personnage fascinant de privé ayant hérité de Philip Marlowe ou de Sam Spade un pragmatisme teinté d'idéalisme bien dissimulé, en décalage avec son époque où les valeurs humaines semblent - déjà - bien dégradées, intrigue à la complexité impressionnante inscrivant une multitude de personnages dans un arc historique finissant obligatoirement dans le sang, mais surtout élégance d'une écriture efficace et ultra précise, il y a beaucoup de sources intarissables de plaisir dans "le Frisson" qui expliquent son apparition régulière dans les listes des meilleurs "polars" de tous les temps. Reste que la mise en scène un peu artificielle des révélations, et la fin très brusque - avec sa dernière phrase mythique (ou qui devrait l'être) - nous frustreront un peu, et nous empêcheront in extremis, en dépit de la force du dévoilement d'un secret accablant, de parler ici de chef d'oeuvre absolu du Roman Noir.