"Perfect Days" de Wim Wenders : "it's such a perfect day, I"m glad I spent it with you !"
Il y a bien des années, pardon, bien des décennies que nous avons tiré un trait sur Wim Wenders, qui fut pourtant dans les années 70 et 80 l'un de nos auteurs préférés, qui nous révéla une forme de cinéma, contemplative et existentielle, bien différente du cinéma que nous aimions alors : de Au Fil du Temps aux Ailes du Désir, en passant par l'Ami Américain, Wenders fut notre meilleur "ami allemand". Nous partagions le même amour pour le meilleur du Rock (Le Velvet, Lou Reed, Nick Cave...) et il nous fit connaître Ozu, ce pour quoi nous ne le remercierons jamais assez. Et puis, peu à peu, il disparut de nos radars, ses films ne nous intéressant plus que superficiellement, voire pas du tout.
Jusqu'à la claque - car c'en est une ! - de ce Perfect Days, au concept très "loureedien" : on suit pendant plus de deux heures la vie quasi sans événements notables d'un quinquagénaire solitaire travaillant au nettoyage des WCs publics à Tokyo. C'est tout ? Oui, à peu près. Et ce n'est pas répugnant, car les WCs publics au Japon n'ont rien à voir avec leurs équivalents français et paraissent issus d'un roman de SF où la technologie - et la civilité des Tokyoïdes - a éliminé le sordide de leur fonction. Et ce n'est pas ennuyeux, car, comme il savait déjà nous le montrer dans ses premiers films, les mille et un détails d'une vie quotidienne ordinaire constituent un réservoir sans fond de micro-fictions et d'émotions. Et ce n'est pas déprimant, c'est en fait très beau, au point que nombreuses sont les occasions de verser des larmes de bonheur ou de tristesse au cours du film. Le regard que Wenders pose sur les gens leur confère une vérité humaine bouleversante, et l'interprétation de Kôji Yakusho, littéralement solaire, est magnétique : Yakusho a d'ailleurs reçu un prix d'interprétation mérité à Cannes.
Et puis, il y a la musique, de Patti Smith à Lou Reed, bien sûr, en passant par The Animals et les Kinks, qui irrigue la film avec une vigueur réconfortante.
Peut-être, non certainement, l'un des plus grands films de l'année, et un nouveau chef d'oeuvre tardif dans la filmographie de Wim Wenders.