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Le journal de Pok
26 octobre 2018

"Patrimoine" de Philip Roth : On ne doit rien oublier (The Boxer)

Patrimoine_une_histoire_vraie

Quand vient l'heure - inévitable, terrible - de perdre ses parents, il n'existe absolument aucune manière de rendre cette expérience le moins du monde vivable. La partager avec quelqu'un qui vient de la vivre reste toutefois la seule hypothèse concevable d'un (léger, passager, inexcusable sans doute) soulagement. La lecture de "Patrimoine" de Philip Roth, l'un des plus grands écrivains des derniers décennies, est mieux qu'un pis-aller, c'est une petite illumination : accompagnant son père (LE père absolu) au cours des derniers mois de sa vie alors qu'une tumeur au cerveau a été diagnostiquée chez lui, Roth pose dans ce petit livre autobiographique bouleversant et enthousiasmant à la fois la seule question qui vaille vraiment la peine, celle de la mémoire. Puisque le "patrimoine" laissé à ses enfants, c'est littéralement "de la merde", comme l'illustre magistralement l'un des chapitres les plus saisissants du livre, c'est la transmission et la conservation des souvenirs qui donne son sens à une vue vécue, ainsi qu'à tout l'amour qui a été donné. Et reçu.

Que signifiait être juif à Newark il y a 70 ans ? Comment parler de l'Holocauste quand on y a survécu (... sachant que l'hypothèse d'un roman pornographique est même considérée ici !) ? Qu'est-ce qui a été transmis de rage de vivre, de capacité à lutter encore et encore - comme les boxeurs juifs de ce Hall of Fame -, de résistance, à un fils naturellement porté à haïr les "leçons" assénées par son père ? Qu'est ce qui reste de mon père en moi une fois qu'il est mort ? Et cent autres questions, sans réponse mais pas tout à fait, que Roth traite avec son mélange coutumier de sagesse négligente et d'humour pince-sans-rire dans "Patrimoine"... pour notre plus grand bénéfice, pour notre plus grand bien.

A la fin, il nous laisse, en grand écrivain qu'il est, qu'il fut, sur l'image obsédante d'un bateau de guerre abandonné venant s'échouer sur le rivage de Newark. A nous de faire ce que nous pouvons, désormais, pour accompagner les nôtres et perpétuer non pas seulement leur mémoire, mais aussi leurs souvenirs à eux.

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