"Black Mirror - Saison 2" de Charlie Brooker : le miroir brisé
Dans la même ligne que la première, la seconde saison de la redoutable série "Black Mirror" nous offre trois épisodes plus ou moins ludiques (enfin, plutôt moins que plus, hein...) sur l'impact possible du développement des technologies actuelles sur nous, au sein d'une société que l'on nous prédit - sans grande surprise - toujours plus consumériste et toujours plus répressive. Le charme addictif de "Black Mirror" provient largement de ce sentiment de "remise à zéros" des compteurs à chaque nouvel épisode, qui génère une vraie excitation sur le mode : "mais que vont-ils inventer cette fois-ci ?". Et il faut bien avouer que, malgré les irrégularités inévitables de l'écriture et de la mise en scène, malgré l'aspect disparate, voire fourre-tout de la série, pas de deception réelle pour le moment.
"Be Right Back" est une réflexion douce-amère sur ce qui pourrait être utilisé des traces que nous laissons derrière nous sur les réseaux sociaux pour nous conférer une sorte de fausse immortalité. "White Bear" est le "shocker" de la saison, un épisode anxiogène et spectaculaire débouchant sur une dénonciation - un peu facile sans doute - de l'éternelle fascination du public pour la justice et les punitions, modernisée en une torture sadique éternellement recommencée. "The Waldo moment", malgré une vision pertinente de l'érosion de la crédibilité des politiques dans nos démocraties et du risque populiste, surprend moins.
C'est donc la belle réussite de "l'épisode de Noël" (une vieille tradition anglaise !), "White Christmas", qui portera au plus haut la réputation de la série : sur une heure et quart, voilà une histoire retorse, avec trois fictions successives qui finissent par constituer un portrait à charge de la manière abusive dont les nouvelles technologies sont finalement utilisées - ici la capacité d'enregistrer et de modifier le regard de tous, et le clonage de la conscience qui devient un "cookie" manipulable à l'infini dans un espace virtuel oppressif : Jon Hamm y est comme souvent magnétique et magistral, mais c'est surtout les déchirements successifs que provoquent en nous ces trois récits dramatiques qui l'élèvent finalement vers une impressionnante intensité émotionnelle.