"Une Bataille après l’autre" de Paul Thomas Anderson : il était une fois la révolution ?
Comme pour beaucoup de cinéphiles de mes amis, PTA a toujours été pour moi un (petit) problème : s'il était difficile de nier sa virtuosité technique, ses ambitions qui le plaçaient dans la descendance directe des plus grands réalisateurs américains des seventies (clairement ses modèles, loin, bien loin des "idéaux commerciaux" du Hollywood contemporain), il y avait toujours quelque chose de lourd, de forcé, dans son cinéma, qui empêchait que mon adhésion soit totale. C'est sans doute Licorice Pizza qui a été LE film de la rupture pour moi, celui qui a changé mon regard sur PTA, parce que c'est aussi le film où il a lui-même changé son regard sur le monde, et, assez notablement, sa manière de faire du cinéma.
La bonne nouvelle, la première bonne nouvelle, est que Licorice Pizza n'était pas un accident, parce qu'on retrouve cette même (quasi) légèreté ludique - en dépit du sujet traité, la scission définitive (?) et l'affrontement violent qui en résulte, entre les deux Amériques, celle de droite et celle de gauche - dans Une bataille après l'autre. La seconde bonne nouvelle est que voilà enfin le film courageux sur la montée du fascisme aux USA que l'on attendait (puisque Aster s'était planté avec son Eddington) : ne s'en prenant pas totalement frontalement à Trump, PTA utilise un roman de Thomas Pynchon situé plusieurs décennies en arrière pour nous livrer un commentaire aussi violent qu'hilarant sur les dérives extrémistes, d'un côté comme de l'autre de l'échiquier politique... avec quand même assez clairement, une sympathie, voire une admiration pour la gauche, montrée ici jeune, allumée, hyper sexuée, porteuse de valeurs humaines incontournables, face à une extrême droite blanche nazie momifiée dans sa haine et sa suffisance.
Le scénario est brillant, qui nous fait passer les deux heures trois quarts du film comme s'il s'agissait d'un moyen métrage, mais c'est surtout la réalisation de PTA - aucune surprise de ce côté - qui est magistrale : il suffit de prendre l'exemple, évident mais quand même, de la longue poursuite en voiture quasi finale pour constater qu'un cinéaste de talent, de génie même, comme lui, peut encore réinventer la manière dont on filme ce vieux cliché ! Et les acteurs sont tous excellents : DeCaprio confirme sa suprématie déjà bien connue sur tous les acteurs de sa génération, Sean Penn s'amuse tellement qu'il est irrésistible, Benicio del Toro écope du plus beau personnage du film et est un véritable "bonbon" dans son rôle de "Sansei", Teyana Taylor est une Perfidia hyper sexuée littéralement inoubliable, etc., le tout étant évidemment également un crédit au talent de PTA comme directeur d'acteurs.
Devant Une bataille après l'autre, on rit, on tremble, on s'émeut, on s'émerveille. On retrouve les grandes sensations de plus en plus rares que procurent un GRAND FILM. Sans faire pour autant l'économie de la réflexion.