"The Feminine Divine" de Dexys : le bonheur dans la soumission
« My Goddеss is liberated in evеry way / Sexy and independent. A woman of today / My Goddess is the sexiest girl I know / Even when she makes me sad, I still come back for more » (Ma Déesse est libérée de toutes les manières possibles / Sexy et indépendante. Une femme d’aujourd’hui / Ma déesse est la fille la plus sexy que je connaisse / Même quand elle me rend triste, je reviens toujours pour en demander plus). Sur le sexy, dansant et même presque électro My Goddess, Kevin Rowland ne saurait être plus clair sur le sujet de son dernier album : la divine supériorité de la femme sur les pauvres misérables que nous sommes, nous les hommes, qui ne pouvons que nous soumettre à tant de splendeur.
Et il enfonce le clou, au-delà de tout « bon goût » avec Goddess Rules où la soumission et l’humiliation désirées sont la seule réponse possible. Choquant ? Rétrograde, même ? Oui, peut-être, mais qui a suivi la carrière en dents de scie, remplie de contradictions et de véritables aberrations de Kevin Rowland, ne sera pas surpris par ses dernières folies, alignées quasi sans pudeur sur The Feminine Divine, son nouvel album sous l’étiquette Dexys (puisqu’il est, depuis la nième reformation de 2011, établi qu’il n’est plus question de courir à minuit…).
Depuis les deux chefs d’œuvre inauguraux que sont Searching For The Young Soul Rebels (1980) et le célébrissime et populaire Too-Rye-Ay (1982), Rowland est aussi réputé pour avoir fait à peu près n’importe quoi, comme s’il cherchait, non sans masochisme, quasiment à se ridiculiser par ses excès. Et le grand public l’a abandonné. Néanmoins, ceux qui ont eu le courage, ou l’inconscience, de le suivre au long de ses pérégrinations soul – classique ou baroque – ont été récompensés au fil du temps par une poignée de chansons formidables, cachées dans quelques rares très albums – six en tout en plus de quarante ans – parfois à la limite de la sortie de route. Dans ce The Feminine Divine qui est quand même plutôt de bonne facture, la récompense s’appelle My Submission, dont certains clament – et ils n’ont peut-être pas tort – qu’il s’agit là de la plus belle chanson jamais écrite et, surtout, chantée par Rowland.
The Feminine Divine commence pourtant très sagement, avec cinq chansons impeccables, suivant la recette millésimée de la northern soul et bénéficiant de mélodies plutôt bien troussées (culminant avec le single I’m Going To Get Free), qui feront le bonheur du fan. On leur reprochera une production un peu trop lisse, certainement trop classique entre Philly Sound et Motown, alors qu’avec un peu plus de rugosité, et de rage, on aurait pu retrouver l’intensité émotionnelle de la première époque du groupe.
Là où l’album interpelle et devient passionnant, même s’il risque de perdre un certain nombre d’entre nous, c’est lorsqu’il prend un virage étonnant, à partir du duo My Goddess Is / Goddess Rules qui louchent du côté de Baxter Dury : cette obsession d’une rédemption par la soumission à l’amour atteint alors à une véritable splendeur décadente. Et, après le sommet de My Submission, l’album se referme sur la légèreté et la modernité swinguante de Dance With Me. Confirmant la réussite de ce nouveau projet singulier de Kevin Rowland, définitivement l’une des plus belles voix et l’un des grands originaux de la pop britannique.
« Oh, I’m yours / I crave your smile / And I, always will / You, you, you are everything / You, you, you are my world / And I, I, I’ll dedicate my life to serving you » (Oh, je suis à toi / J’ai envie de ton sourire / Et ça sera toujours comme ça / Toi, tu, tu es tout / Toi, toi, tu es mon monde / Et moi, je, je consacrerai ma vie à te servir) – My Submission : le bonheur dans la soumission à la femme !