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Le journal de Pok
3 mai 2024

"Mon petit renne" de Richard Gadd : l’emprise…

« Holy shit ! » aurait été le seul commentaire officiel fait par Stephen King, après le visionnage de Mon petit renne, la nouvelle mini-série à sensation (comme on dit, et on ne sait pas trop si c’est un terme approprié ou au contraire maladroit pour la qualifier…) britannique qui a pris le monde entier par surprise. De l’autre côté de la Manche, le débat fait rage sur les réseaux sociaux, sur le « droit » de parler aussi crûment des violences (sexuelles) que l’on a subies, ou au contraire sur la nécessité d’identifier et de punir les « coupables », dont Richard Gadd a soigneusement dissimulé l’identité dans sa mini-série.

Mon petit renne (Baby reindeer en VO) est en effet l’adaptation en format mini-série (d’une durée totale n’atteignant pas les quatre heures…) d’une histoire vraie, de l’histoire vécue par son auteur / acteur principale, Richard Gadd. Une histoire qu’il avait déjà racontée en 2019, sous la forme d’un one man show au festival Fringe d’Edinburgh. Mon petit renne débute de manière sybilline, presque drôle, quand Donny Dunn offre un verre gratuitement à Martha, jeune femme qui semble totalement perdue et est entrée dans le pub où il officie en tant que barman : c’est que Martha le touche au plus profond de lui-même. Malheureusement, Martha est une femme dangereuse, et l’attention que lui porte Donny va déclencher une réaction en chaîne de plus en plus incontrôlable.

Bien ! On voit très bien, où va Mon petit renne, vers la description drolatique et malaisante d’un harcèlement extrême, devant lequel tout le monde, même la police semble démuni. Sauf que non : le vrai sujet, c’est Donny, lui-même, et pas Martha. Car Donny est perdu, il échoue dans tout ce qu’il tente (il est un bien pitoyable « stand up comedian »), et surtout il semble toujours faire les mauvais choix, prendre les mauvaises décisions. Emotionnellement, sexuellement, sa vie est un désastre : il a été largué par sa petite amie mais vit toujours chez la mère de celle-ci, il n’arrive pas à déclarer son amour à Teri, a superbe femme trans avec laquelle il a une relation intense. Quelque chose ne va pas chez Donny. Mais quoi ?

C’est l’épisode 4 – une expérience traumatisante même pour le téléspectateur, ce qui met en avant d’ailleurs la qualité de l’écriture, de la mise en scène et de l’interprétation de la série – qui va révéler le « secret » de Donny, et nous permettre de comprendre comment quelqu’un comme lui, victime d’agression sexuelle parce qu’il est tombé sous l’emprise d’un prédateur, n’arrive plus à se reconstruire. Et est condamné dans ses tentatives de reconstruction de sa personnalité, de sa sexualité, de son rapport à l’autre et à lui-même, à refaire éternellement les mêmes erreurs, à retomber dans les mêmes pièges.

Pas de lumière au bout du tunnel pour Donny, comme le montre un dernier épisode aussi renversant qu’accablant. Mais au moins, une stand up comedy, puis une mini-série exemplaire, devenue un succès international, qui aideront peut-être d’autres victimes à s’en sortir, ou même, sait-on jamais, d’autres crimes d’être évités.

Extrêmement forte psychologiquement, d’une intelligence brutale, Mon petit renne aligne les scènes pouvant provoquer un profond malaise chez le téléspectateur. De ce fait, on la dira « réservée à un public averti ». Pourtant, ce qu’elle transmet est essentiel, et, de ce fait, mérite d’être vu par tous.

"Holy Shit !" . Tu l’as dit, Stephen !

PS : la citation n’est pas gratuite, car on sait que King, au delà d’être un maître du fantastique, est un grand écrivain de « l’emprise » et des violences sexuelles, explicitée dans plusieurs de ses meilleurs livres .

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