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Le journal de Pok
4 mars 2018

King Gizzard & The Lizard Wizard au Bataclan (Paris) le jeudi 1er mars

2018 03 01 King Gizzard Bataclan (39)20h50 : le Bataclan est bourré jusqu’à la gueule (pas de crash barriers, au premier rang on est collés contre la scène) et on retrouve vite son éternel problème d’atmosphère étouffante quand le septette de King Gizzard & The Lizard Wizard lance sa cérémonie. Le début est absolument stupéfiant, n’ayons pas peur des mots : Rattlesnakes, le fameux morceau d’introduction de "Flying Microtonal Banana", représente parfaitement la richesse du projet des Australiens : nous faire sauter au plafond d’excitation tout en gravant des mélodies immédiates dans notre cortex et en flattant notre intelligence grâce à des concepts puissants ! Pas besoin d’avoir déjà écouté la plupart des chansons de King Gizzard pour être capable de les chanter en quelques minutes, ça marche à tous les coups : « Rattlesnake / Rattlesnake / Rattlesnake / Rattles me… », ce n’est certes pas compliqué à reprendre avec Stu, je l’admets. Mais faire basculer la totalité de la fosse du Bataclan chauffé à blanc dans l’hystérie après cinq minutes de concert, ça, ça vous pose un groupe ! Incroyable ce que c’est bon de ressentir ça à nouveau ! Je regarde autour de moi au premier rang, et tout le monde – filles et garçons, jeunes et moins jeunes - me paraît extatique. Je me retourne et je vois que derrière moi, ça saute de partout : la joie est totale !

Bon, mais sur scène, que se passe-t-il ? Au centre, deux batteries aux couleurs italiennes (?) se font face, et Cavanagh et Moore se déchaînent en permanence avec une fureur et une puissance qui propulsent les morceaux du groupe – même les moins "garage" - vers un ailleurs quasi supersonique. Skinner, le bassiste, élément essentiel du moteur de King Gizzard, se retrouve du coup coincé en arrière-plan, et nous le verrons peu, même si heureusement, le son de sa basse est parfaitement présent : il faut dire qu’au Bataclan, même au premier rang, le son est toujours impeccable ! Sur la gauche, Ambrose Kenny Smith, très décontracté, porte à lui seul la responsabilité des claviers, tandis que la plus grande partie de la scène est dédiée aux trois guitaristes, qui vont nous offrir un festival éblouissant durant l’heure vingt cinq du set. Stu Mackenzie concentre logiquement la plupart des regards, et se permet quelques fantaisies scéniques, plantant en particulier sa guitare devant l’ampli situé derrière les batteries, dans un style punk / metal simple et de bon goût... En comparaison avec la légèreté assez joviale de Stu, Joe Walker est lui dans une indéniable austérité – sans même parler de ses interventions vocales, en général théâtrales et sinistres -, tandis que Cook Craig joue la carte de l’élégance discrète. Bref, King Gizzard est un groupe à l’apparence finalement anodine, qui ne laisse en rien présager une musique aussi exceptionnelle, aussi DANTESQUE…

2018 03 01 King Gizzard Bataclan (20)Alors que le concert progresse, et gagne peu à peu en richesse et en profondeur, je suis saisi par de curieux flashbacks : cette musique, qui ressemble parfois à une sorte de prog rock primitif, avec des rythmiques krautrock et des ambiances oscillant entre Moyen-âge et Orient (l’effet durant la première partie du set de ces fameuses microtonalités !), me ramène à mes souvenirs de jeunesse, mes transes aux concerts du Magma de Christian Vander ou de Can, voire de Van Der Graaf Generator quand Peter Hammill testait sa guitare électrique. Il y a quelque chose ce soir de la folie échevelée et de l’ambition un peu naïve du début des seventies, et je me rends compte que ça fait furieusement du bien d’écouter une musique qui n’obéit à aucun formatage, à aucun stéréotype contemporain. Une musique qui n’a littéralement peur de rien, et surtout pas de l’excès ou du ridicule. Il est évident que cette liberté de ton explique l’amour tellement visible que son public porte à King Gizzard…

… mais pas seulement… Car il y a aussi notre furieuse envie, née de l’écoute à répétition de l’incroyable "Nonagon Infinity", de headbanguer, de sauter comme des petits pois mexicains, de slammer, de hurler des anathèmes diaboliques, bref de savourer les joies basiques, voire primitives, du garage rock le plus extrême. Alors, pour nous faire plaisir, King Gizzard and The Lizard Wizard accélèrent régulièrement le set, et nous offrent notre portion congrue d’hystérie. Rien à redire là-dessus, sauf peut-être un arrière-goût de trop peu… ?

Bon, le plus beau moment de la soirée sera pour moi Crumbling Castle, la mémorable ouverture de "Polygondwanaland", avec sa mélodie un peu médiévale et définitivement serpentine… qui sera joué assez curieusement en trois parties, avec des breaks inattendus au milieu. La magie si particulière des morceaux de King Gizzard vient peut-être de cette tendance inhabituelle à superposer parfaitement instruments et parties vocales, créant une sorte de sidération jubilatoire, encore accentuée lorsque les deux ou trois guitares jouent à l’unisson, propulsées par la frénésie infernale de la section rythmique.

On attend alors un couronnement du set avec une série de crowd pleasers extrêmes, mais Stu et ses potes, toujours facétieux, nous offrent une longue conclusion jazzy, plus décontractée, mais pas moins fascinante. Les Australiens nous quittent rapidement, mais non sans avoir photographié le public extatique du Bataclan, sur des « Thank You » préenregistrés. Il n’y aura pas de rappel.

La leçon à tirer de cette claque mémorable que nous venons de prendre est simple : il y a encore et toujours de l’espoir pour le Rock, il suffit simplement de laisser s’exprimer son imagination et de se lancer ensuite sans peur et sans complexes ! Merci à nos nouveaux Australiens préférés de nous rappeler ainsi aux vertus essentielles de la musique. De la musique vivante.

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