"Fiasco" de Niney et Gotesman : collaboration difficile…
On peut se demander si Truffaut, lorsqu’il créait son immense Nuit Américaine, se doutait de la descendance bizarre que son film engendrerait (bon, on sait bien que les films racontant un tournage de film existaient avant, il suffit de voir Chantons sous la Pluie, mais le Truffaut a quand même été un marqueur du genre) : en tous cas, depuis une vingtaine d’années, c’est clairement dans la veine comique que, à travers le monde, se développent les chroniques de tournages désastreux (allez, au hasard, citons Ça tourne à Manhattan, Tonnerre sous les Tropiques, Ça Tourne à Séoul, Coupez !, Le livre des solutions…). Fiasco, produit par l’équipe de Five, ne saurait donc prétendre à aucune originalité particulière, dans ce domaine, si ce n’est peut-être en adoptant la forme – très maîtrisée par les Britanniques, un peu moins ailleurs – du « mockumentary », puisqu’on assiste ici à la création du « making off » d’un film. Et à sa projection, au cours d’une soirée événementielle Netflix sur les Champs-Elysées dans un dernier épisode furieusement méta.
Fiasco sera donc, comme annoncée et par son titre et par ses premières minutes, le filmage d’un désastre absolu : Raphaël Valande (Pierre Niney), fils d’agriculteurs peu amènes, a toujours rêvé de réaliser un film sur la vie de sa grand-mère résistante, mais quand il semble y parvenir, il n’en a clairement ni les compétences, ni l’envergure. Très rapidement, le tournage du film de ses rêves va tourner au cataclysme, aggravé par la présence d’un « corbeau » contribuant largement au fiasco général. Au fil des sept épisodes, tout y passe : histoires d’amour et de cul sur le plateau, problèmes techniques, égo démesuré de la star (Vincent Cassel, très à l’aise, mais disparaissant vite), accidents aux conséquences dramatiques, ingérences extérieures, collaboration difficile au sein de l’équipe, problème grave de financement, etc.
Aucune surprise donc dans le déroulement de Fiasco, il faut chercher l’originalité plutôt dans le ton de l’histoire, dans un mélange forcé de différents types d’humour qui ne se marient pas forcément très bien : si le principe des scènes gênantes – très courant dans la forme du « mockumentary » – fonctionne, en particulier dans un premier épisode plutôt réussi, on passe ensuite par la blague de bas niveau, les jeux de mots pourraves, les private jokes entre copains, et même les dérapages discutables (la boite de cassoulet dans le camp de concentration est évidemment un moment honteux de la série, même si ses auteurs en sont conscients). Le résultat, aggravé par une écriture bâclée qui n’exploite jamais correctement les meilleures idées du scénario, est qu’on passe très rapidement et fréquemment du rire franc à l’ennui profond.
La force de Fiasco réside évidemment dans sa distribution, Pierre Niney en tête (un type qui peut jouer n’importe quoi, et est toujours plus complexe, plus ambigu que son rôle). François Civil, sans doute moins fin qu’à l’habitude, reste réjouissant, en particulier dans le dernier épisode, qui est de toute manière le meilleur de tous : c’est là, un peu tardivement sans doute, que l’idée de départ du projet de Niney et Gotesman prend enfin toute son envergure, et se révèle quand même plutôt maligne.
Il est dommage que, avant d’en arriver là, la série ait souffert de tant de moments faibles, qui risquent de décourager le téléspectateur le plus bienveillant.