"La planète des singes : le nouveau royaume" de Wes Ball : Echo & the Ape-men
On se demande parfois ce que penserait Pierre Boulle s’il revenait parmi nous, et voyait ce qu’est devenu, au cinéma, sa célèbre Planète des singes. Bon, pour être honnête, la première version hollywoodienne, sortie de son vivant, avait eu des hauts et des bas, et il n’avait pas dû en être forcément ravi : rien néanmoins qu’un gros chèque n’aide à digérer ! En tous cas, quoi qu’en dirait Pierre Boulle, les cinéphiles ont dans leur ensemble porté au pinacle la trilogie du « reboot » de la franchise (Les origines / L’affrontement / Suprématie) signée par Ruppert Wyatt et Matt Reeves. Même si la concurrence en termes de franchises SciFi ne vole pas bien haut (hein, Star Wars ?), on doit reconnaître qu’il y avait de la substance – de vraies idées dans les scénarios, une mise en scène décente, des effets spéciaux solides) : une petite réussite… qui ne donnait pas forcément envie d’une seconde trilogie… Surtout avec le nom de Wes Ball, responsable d’un banal Labyrinthe, à la réalisation…
On se retrouve cette fois trois siècles plus tard, et la Terre est dominée par les primates, tandis que les humains ont perdu quant à eux et la parole et l’intelligence (les primates les qualifient même « d’échos »…). Mais du côté des « nouveaux civilisés », l’héritage moral de César – le héros des trois premiers films – est lui aussi perdu. Et soyons francs : même si les paysages post-apocalyptiques de la Terre ont de la gueule, c’est plutôt triste de voir la régression générale de notre belle planète dévastée. Jusqu’au moment où apparaît une drôle de jeune fille, Mae (c’est le véritable nom « d’Echo »), traquée par les troupes d’un « nouvel empereur » (un méchant gorille, bien entendu) biberonné à l’histoire romaine, qui veut mettre la main sur elle. Elle sera aidée dans sa fuite par Noa, un brave gars (un chimpanzé, évidemment) qui veut le bien de tout le monde. Et tout cela se réglera dans un affrontement qui se veut très spectaculaire, dans un bunker au bord d’une plage.
Le plus gros problème de ce Nouveau royaume est qu’il dure deux heures et demie, dont on devrait couper au minimum trois quarts d’heure de la première partie qui ne servent absolument à rien, et qui constituent un long tunnel que l’on traverse en s’occupant devant les jolis paysages de cités détruites et en admirant les primates impeccablement réalisés en motion capture, et tellement expressifs, etc. etc. Il y a ensuite l’accumulation stupéfiante d’invraisemblances dans la seconde partie (celle qui est divertissante) qui rendent le « mystère » de la quête de Mae plus ridicule de réellement prenant.
Il faut ajouter que le film fonctionne en empilant des questions sérieuses, voire profondes : l’humanité est-elle fondamentalement mauvaise ? Le pouvoir au sein de toute société n’est-il pas basé sur l’oubli du passé ? etc. Mais ces questions, qui sont censées en faire un blockbuster « intelligent », sont régulièrement lancées en l’air pour ne jamais retomber. Il n’y a finalement même pas l’amorce d’une véritable réflexion, seulement une apparence de sérieux, qui s’apparente plus à un pari du Marketing des studios qu’à une démarche « auteuriste » au sein d’un film de consommation courante.
Il reste que les clins d’œil prononcés au film original de Franklin J. Schaffner exciteront les cinéphiles : entre la recréation de la fameuse scène de chasse aux humains, les plans de la plage où a été fondé le « royaume » de Proximus, et les citations de la BO originale de Jerry Goldsmith, il y a de quoi se régaler…
… Mais on peut aussi soupçonner que tout ça – les qualités comme les défauts de ce Nouveau royaume – relève d’un programme très froid consistant à recycler dans un même film tout un tas d’idées qui ont fonctionné avant et ailleurs : c’est fascinant par moments, mais ça manque salement de ce supplément d’âme qui ferait la différence.