"Jessie" de Mike Flanagan : la grande évasion...
Dans les années 90, Stephen King s'éloigna de la veine purement fantastique qui avait établi sa réputation pour écrire quelques livres, passionnants mais souvent considérés comme secondaires dans son oeuvre, dénonçant les violences (sexuelles, domestiques, sociales) faites aux femmes, et "Gerald's Game" fut l'un des plus saisissants, avec son intrigue reserrée (comment survivre...) et ses thèmes souterrains subtilement amenés. Une adaptation cinématographique était forcément une gageure, "l'action" se passant principalement dans la tête de l'héroïne menottée sur un lit, et les tonalités fantastiques qui servent de leurre scénaristique pouvant s'avérer trop tentantes. "Jessie", le "film Netflix" (un nouveau format ayant donné jusqu'à présent une belle série de nanars...) est une réussite honorable, qui ne trahit pas l'empathie et le militantisme féministe de King pour faire du spectacle à tout prix, tout en trouvant de bonnes réponses visuelles aux défis formels et narratifs du livre. Carla Gugino est certes pour beaucoup dans l'impact du film, mais les choix de Flanagan de respecter les longs dialogues imaginaires de Jessie, qui l'amènent à trouver des solutions à sa situation désespérée mais aussi à affronter ses blessures secrètes, ainsi que de limiter musique et effets démonstratifs sont courageux. On déplorera évidemment la pudibonderie habituelle qui appauvrit le contexte sexuel pourtant fort du sujet, mais aussi les choix esthétiques audacieux mais assez laids accompagnant les flashbacks. Reste la décision maladroite de déréaliser la dernière scène qui voit Jessie confronter enfin - symboliquement certes - l'un de ses bourreaux, qui du coup affaiblit inutilement le beau récit de ce parcours éprouvant vers la liberté et la réalisation de soi.