"Les Animaux Fantastiques : les Secrets de Dumbledore" de David Yates : le secret de Brokeback Poudlard
Il n’y avait évidemment pas grand-chose à attendre du troisième volet des "Animaux Fantastiques", finalement intitulé "les Secrets de Dumbledore", histoire de ratisser largement les nostalgiques de Hogwarth (pardon, Poudlard…) et de "Harry Potter" : le défi du département Marketing du film était de reconnaître le plus ouvertement possible que l’américanisation du monde ses sorciers avait été un échec, en évitant quand même de pointer des doigts accusateurs vers JK Rowling (qui a déjà assez de problème, la pôvre – façon de parler – avec ses déboires sur les réseaux sociaux suite à ses diatribes anti transgenres…) ou vers David Yates (pourtant de moins en moins convaincant dans sa mise en scène…).
On évitera de rappeler ici les véritables catastrophes artistiques qu’ont été les deux premiers films où laideur, bêtise et vide abyssal se conjuguaient au-delà de toute espérance. On rassurera plutôt ceux qui décideraient de tenter l’aventure de la traversée de ces deux heures vingt minutes interminables : oui, "les Secrets de Dumbledore" est (un peu) meilleur. Ce qui ne veut pas dire qu’il est bon : mal écrit, embrouillant le spectateur avec une multitude de personnages et de situations échappant autant à la logique la plus élémentaire qu’à la justesse psychologique la plus simple, et surtout – toujours – d’une laideur confondante, avec ses images laiteuses, sombres, reprenant sans intelligence les codes éculés de la représentation hollywoodienne du « passé ».
Passée une introduction – déjà trop longue – qui a un certain rythme et est relativement ludique, toute la première partie, à Berlin, diffuse un ennui incommensurable, et le film semble ne réellement démarrer qu’au bout d’une bonne heure et quart. Sans jamais néanmoins réussir à nous intéresser réellement, en particulier pendant les scènes – qui devraient représenter le point culminant du film – du choix du « chef du monde des sorciers » au Bhoutan, et qui souffrent de l’incompréhensible immobilité des personnages – qu’il s’agisse des protagonistes principaux ou de la soi-disant foule des sorciers assistant à l’événement. Voir un acteur du calibre de Mads Mikkelsen, qui constitue quand même la meilleure raison d’aller voir le film, comme pétrifié par l’absurdité du scénario et des dialogues (?) en dit long sur l’incompétence de JK Rowling et de son équipe.
Certains défendent le film en arguant de la qualité des effets spéciaux, comme si l’évolution de l’informatique représentait l’horizon ultime du cinéma. D’autres se réjouissent de la longue (trop longue une fois encore) scène de délivrance de Thésée (Theseus) par son frère Norbert Dragoneau (Newt Scamander, en fait…) : c’est en effet la seule qui arrachera quelques rires aux enfants égarés devant cet interminable pensum.
Réfléchissons plutôt à ce que nous dit vraiment – et souvent malgré lui – le film (et dieu sait qu’on a le temps de réfléchir pendant que des pantins désincarnés débitent des dialogues sans queue ni tête à l’écran). Le gros scoop, peut-être une tentative de Rowling de se racheter vis-à-vis de la communauté LGBT, est le coming out de Dumbledore, et son histoire d’amour avec Grindelwald : il est vrai que c’est bien vu, et même crédible du fait de la sobriété de Jude Law et de Mads Mikkelsen (dieu merci, on a échappé aux grimaces de Johnny Depp !), mais c’est mal utilisé dans la confrontation finale entre les deux sorciers, alors que ce thème de l’amour déçu, de l’amour trahi, des deux cœurs qui battent encore l’un pour l’autre (le seul beau plan en deux heures vingt…) aurait pu porter le film vers le haut. Ce qui démontre que l’amour homosexuel reste « non représentable » dans un film destiné à un jeune public, et qu’il vaut mieux nous assommer avec un interminable mariage hétérosexuel plein de clichés, histoire de rappeler à nos enfants qu’il n’y a que dans la « norme » que l’on peut être heureux et contribuer à la société (d’ailleurs, le « pédé » Dumbledore n’est pas convié à la fête, et s’éloigne seul à la fin…).
Plus grave est le discours « politique » du film : en reprenant l’assimilation, quand même facile, entre les théories de Grindelwald et le nazisme (sans d’ailleurs oser la formuler clairement…), JK Rowling applique un vernis anti-nationaliste sur une vision du monde qui reste profondément rétrograde. Foin de la démocratie, le leader du monde est choisi un animal magique (et très laid), capable de reconnaître la « pureté de l’âme » des candidats : pas besoin de programme pour être “élu”, on en est toujours à l’illusion de l’homme (la femme, maintenant) providentiel(le) qui va guider le peuple vers la lumière par la grâce mystique – divine, finalement – de sa présence. Soit le genre de balivernes tout aussi fascisantes que l’Heroic Fantasy la plus puérile distille depuis toujours (mais pas Tolkien et son "Seigneur des Anneaux", rappelons-le à toutes fins utiles…). Tant qu’à faire, il aurait été plus honnête de consacrer comme nouveau maître du monde le candidat chinois : c’est un aveu d’impuissance que les financiers US ne sont pas encore prêts à faire, de toute évidence.