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Le journal de Pok
27 novembre 2020

"K.G." de King Gizzard & The Lizard Wizard : Microtons, orientalisme et confinement

K_G

Un groupe qui a toujours foncé vers l’avant, sans avoir jamais peur de franchir les limites du bon (?) goût, voire parfois – très rarement, quand même – du n’importe quoi, a-t-il le droit de regarder en arrière sans décevoir l’immense amour que ses fans lui portent dans le monde entier ? Voilà bien une question que l’on ne pensait pas se poser un jour à propos de King Gizzard & the Lizard Wizard, les géniaux Australiens psychédéliques. Alors même que leur rythme de production de nouvelle musique a baissé (après les fameux 5 albums de 2017, le dernier LP de King Gizzard, "Infest the Rat’s Nest", remonte maintenant à août 2019 !), on était en droit d’attendre d’eux une nouvelle folie musicale, dans leur magnifique tradition de pionniers / trublions. Et voilà qu’ils nous livrent un "K.G". qui, tout d’abord, sonne, sinon comme une répétition, mais au moins comme une suite de leur "Flying Microtonal Banana"… qui était néanmoins, admettons-le, l’un de leurs tous meilleurs disques : tant qu’à se répéter, pour la première fois, autant répéter ce qu’on a fait de meilleur, non ?

Un second problème qui peut se poser dès la brève intro instrumentale qu’est "K.G.L.W.", c’est que les sonorités orientales nées « naturellement » dans Flying Microtonal Banana des accords microtonaux, semblent ici beaucoup plus forcées, presque stéréotypées, voire… caricaturales. Une petite gêne donc lors des premières écoutes de ce nouvel album, qui se dissipera néanmoins vite devant la magnifique énergie qui se déploie tout au long des 42 minutes de "K.G.", mais également devant le charme mélodique de nombreux morceaux… Et devant la réalisation, au fil des écoutes, que la bande à Stu Mackenzie explore ici beaucoup plus de styles différents qu’il ne pouvait sembler au premier abord : cette sorte de « bilan à date » de leur musique justifie, après tout, sinon le titre éponyme de l’album, mais au moins l’utilisation des initiales du nom du groupe !

On a cru comprendre que les titres de cet « album de confinement » avaient été composés individuellement par les musiciens du groupe, fruits de la séparation forcée par les circonstances, ce qui explique peut-être que la musique proposée ici, une fois dépassées les sonorités orientales, soit hétéroclite, et revisite une bonne partie des musiques caractéristiques du groupe.

"Automation" est l’un de ces titres « Rock » immédiatement excitants, profondément satisfaisants, typiques de cette énergie « positive » que dégage le groupe – l’une des nombreuses raisons de les adorer -, et est donc susceptible de devenir rapidement un « favorite » sur scène… enfin quand il y aura à nouveau des concerts… "Minimum Brain Size" a une jolie coloration boogie, très suave, qui rappelle un temps les obsessions de "Fishing for Fishies". Le chant d’Ambrose Kenny Smith sur le très folky "Straws in the Wind" élève le morceau vers une véritable splendeur fragile, qui pourrait très bien en faire, à terme, l’une de nos chansons préférées de toute la copieuse discographie de King Gizzard. "Some of Us" et "Ontology" – avec son impressionnante rythmique caractéristique des deux batteries du groupe – sont les deux titres qui évoquent le plus un prolongement virtuose des expériences de "Flying Microtonal Banana". "Intrasport" surprend, avec ses tonalités électroniques et son ambiance SciFi quasiment disco : tiens, voilà un titre parfait pour animer le dancefloor de la « cantina » de "Star Wars" ! "Oddlife" nous emmène ensuite sur un terrain un peu jazzy, plus expérimental, où les claviers règnent un temps jusqu’au retour roboratif des guitares électriques : un morceau très fluide encore assoupli par des vocaux aériens. "Honey", son folk psyché mélodieux sur un rythme entêtant, peut évoquer par instants les riches heures de Donovan, et on ne voit aucune raison de s’en plaindre… L’album se conclut, comme c’est un peu la tradition, sur un morceau envoûtant, couronné par un final bruitiste et apocalyptique, porté par des guitares wah wah saturées, "The Hungry Wolf of Fate", histoire de rappeler (mais vraiment) in extremis les racines les plus Rock de la formation.

Laissons donc tomber nos objections, plus théoriques qu’autre chose : cet album parfaitement délicieux annonce peut-être l’accession de King Gizzard & the Lizard Wizard à une sorte de maturité musicale. Mais vu la qualité de ce qu’on entend, et le plaisir qu’on en tire, pourquoi le leur reprocher ?

 

 

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