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Le journal de Pok
7 octobre 2020

"Cinémiracles" de Timothée Girardin : de Moïse à Thérèse

Cinémiracles

Quel point commun y a-t-il entre "Signs" de Shyamalan, "La Passion de Jeanne d’Arc" de Dreyer et "Rashômon" de Kurosawa ? Vous donnez votre langue au chat ? Eh bien ces films sont tous les 3 commentés dans l’ouvrage de Timothée Gérardin, "Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran", qui a l’ambition de réfléchir, comme son sous-titre l’indique, sur la représentation des miracles à l’écran (principalement dans les films, mais aussi dans quelques séries TV), et sur ce que cette représentation signifie.

… Un sujet qui s’avère vite passionnant, que l’on soit ou non croyant, dans la mesure où si Gérardin parle – logiquement – beaucoup des miracles religieux (qui ont toujours été du… « pain béni » pour les grands cinéastes hollywoodiens cherchant à rentabiliser les gros moyens de leurs superproductions en en mettant plein les yeux à leur public), il étend sa réflexion rapidement à des domaines plus profanes : car, après tout, qui oserait sérieusement dire que l’observation du « rayon vert » par l’héroïne du film éponyme de Rohmer n’est pas aussi bouleversante que l’ouverture de la Mer Rouge devant Moïse-Charlton Heston ?

Plus que les fervents croyants en manque de pèlerinage à Lourdes à cause de la pandémie actuelle, "Cinémiracles" ravira les disciples qui se massent encore en nombre – et masqués ! – dans les salles de cinéma (multiplexes, salles art & essai et cinémas de quartier) et qui se passionnent autant pour Jim Carey (car il y a évidemment des choses à dire sur son "Bruce Tout-Puissant"), John Carpenter ("le Prince des Ténèbres", évidemment !) et Bergman ("la Source"…). Car, ne cherchant jamais à hiérarchiser en aucune manière les films illustrant ses propos, Gérardin fait véritablement œuvre de critique : confrontant la question spirituelle de la croyance (qui fonde la religion, mais, on le sait, est tout aussi essentielle au pacte d’adhésion du spectateur avec le réalisateur du film qu’il regarde !) à celle de la forme et du langage cinématographique, il nous offre une relecture différente de films – ou de simples passages de films – que nous avons aimé.

Cette relecture est parfois logique, évidente presque, en particulier quand il s’agit de films au thème religieux « au premier degré » (du "Roi des Rois" de Cecil B. DeMille au génial "Thérèse" de Cavalier, en passant par "la Voie Lactée" de Buñuel, même si le terme de « premier degré » le qualifie difficilement !), mais elle est souvent surprenante et donc stimulante : analyser des films de Lubitsch à partir de cette grille de lecture du miracle, ou bien "les Autres", le film fantastique d’Amenabar est finalement bien plus amusant !

Mais c’est lorsque Gérardin nous rappelle que le cinéma – après la photographie – fut longtemps (est toujours ?) considéré comme une hérésie parles fanatiques religieux de tous bords, jaloux de la représentation du visage de Dieu, sans même parler de la concurrence directe à l’émerveillement spirituel que représente notre fascination inépuisable pour les images.

Bref, "Cinémiracles" est sans aucun doute l’un des meilleurs ouvrages de la très belle collection de chez Playlist Society, même si quelques-uns d’entre nous seront forcément déçus de n’y trouver nulle part la figure de Darth Vader qui aurait fait pourtant un excellent sujet. Dans un prochain livre de Timothée Gérardin, peut-être ?

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