Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le journal de Pok
30 novembre 2023

"Le temps du regard" : un entretien éclairant avec Dominique Marchais, le réalisateur de "la rivière"

Le temps du regard couverture

La semaine dernière est sorti sur les écrans la rivière, un film documentaire important, très attendu par tous ceux que l’écologie passionne, et par tous ceux qui ont décidé d’agir contre le futur catastrophique qui semble nous être promis. Présenté en ces termes, aussi objectifs soient-ils, le reste du public peur avoir le sentiment qu’on parle d’un film à l’unique destination des activistes, alors que le travail de Dominique Marchais, déjà admiré dans ses films précédents (le temps des grâces, la ligne de partage des eaux, nul homme n’est une île) est avant toute chose un travail de réflexion sur le fonctionnement des institutions françaises, et donc de la démocratie française, du point de vue d’un citoyen lambda s’interrogeant sur la gestion du territoire, son impact sur notre environnement quotidien, et – ce fut là le point de départ de la réflexion de Marchais, sur les paysages qui nous entourent.

Et ce travail est encore – soit un sujet qui nous passionne forcément, nous qui aimons le cinéma – au sein d’une filmographie déjà notable mais en permanence en construction, une réflexion sur les défis formels qui se posent à un réalisateur de documentaires : comment véhiculer des idées, politiques surtout, sans trahir la parole de ceux qu’on interviewe ou que l’on filme en train de parler ? comment filmer des paysages en rendant compte de leurs changements au cours du temps, de leur disparition possible, voire probable dans les années qui viennent ? globalement, quel sont les modes de narration les plus justes, les plus pertinents pour supporter les questions soulevées par les sujets, complexes, de chacun des films. Marchais, qui a été journaliste aux Inrocks, aime le cinéma, voulait en faire, et a progressivement été convaincu par la forme documentaire comme la meilleure manière de regarder le monde, de travailler l’évolution sociétale à travers l’histoire, de nous aider à nous projeter dans des solutions possibles au sein d’une société française corsetée dans une pensée centralisatrice et un état toujours jacobin….

La meilleure manière de se préparer pour aller voir la rivière, ou encore de poursuivre le parcours de réflexion entamé par le film est de lire Dominique Marchais, le temps du regard, qui combine un court essai éclairant de Stratis Vouyoucas (réalisateur de documentaires lui-même et professeur d’histoire et de pratique du documentaire) sur l’auteur, et une discussion (conduite par Vouyoucas et par Quentin Mevel, en profondeur avec lui, portant à la fois sur les questions de fond traitées par ses films et sur la manière dont son approche a évolué de sujet en sujet, de film en film. On est évidemment familier avec cette structure, qui ajoute une analyse critique, film par film, de l’œuvre d’un cinéaste aux propos de celui-ci, propos qui complètent, enrichissent ou éventuellement contredisent l’analyse : une structure qui est celle de toute la collection « Face B » de chez Playlist Society.

Les éditeurs se sont déclarés conscients que la publication de ce livre serait probablement un échec commercial, étant donné la renommée encore limitée de Dominique Marchais, mais aussi qu’il était indispensable d’accompagner la sortie d’un film aussi important que la rivière d’un matériel de réflexion solide sur ce film et sur son auteur. Donnons-leur tort et faisons un succès de librairie de ce bouquin formidable – parce qu’il donne envie d’aller au cinéma, mais surtout de regarder autour de soi le monde qui nous reste encore, voire de rejoindre ceux qui tentent, en luttant aussi contre les préjugés de ceux que l’écologie fait hurler de rage, d’en préserver la beauté.

 

Commentaires
Le journal de Pok
Le journal de Pok
Archives