London Grammar au Zénith de Paris le Dimanche 3 Décembre
21h10 : C'est par contre avec dix minutes de retard, et alors que le public du Zénith s'impatiente, que le jeune trio de London Grammar attaque son set avec Who Am I ? La scène du Zénith est bien grande pour nos trois icônes de la musique populaire et néanmoins branchée de 2017, leur matériel étant logiquement réduit de gauche à droite à : un mini clavier sur lequel Dan déclenchera quelques effets sonores les rares fois où il abandonnera sa guitare, un piano que Hannah n'utilisera pas pour plus de trois morceaux, les claviers de Dominic et une petite batterie dont il jouera sur quelques rares parties destinées à injecter un peu d’énergie dans le set. Hannah, Dan et Dominic sont vêtus de noir, les lumières, modernes et rasantes, seront majoritairement blanches, et derrière les musiciens sont projetées des images à l'élégance abstraite permettant au spectateur d'accrocher un peu son attention. Car, et cela va devenir très rapidement évident pour moi comme pour tout le monde au Zénith ce soir, London Grammar sur scène, c'est très beau mais c’est aussi très chiant.
Oh, Hannah est bien jolie avec sa queue de cheval et chante divinement bien. Le son est fort (je suis encore une fois placé devant la sono à gauche, étant arrivé bien tard...) et impeccable, et les chansons sont parfaitement interprétées - et ce d'autant qu'une large partie de ce qu'on entend a été préenregistré. Mais d'émotion - je n'ose même pas parler "d'âme" - nulle trace ce soir. Bon, j'exagère un peu : Hell for the Liars a été superbe, lumières rouges, mélodie prenante et montée en intensité finale comme sur l'album, en moins fort quand même (comme quoi...). Cela faisait déjà 20 minutes que le set avait débuté et ronronnait gentiment (à l'image d'une version particulièrement plate du normalement formidable Nightcall), et je me suis mis à espérer que quelque chose allait se passer. Et puis non. Le soufflé est retombé.
London Grammar est un groupe qui ne dégage absolument rien sur scène. Est-ce dû au manque de charisme tragique de ces jeunes gens bien propres sur eux ? Dominic nous a fait de bien gentilles déclarations d'amour dans un français impeccable, nous expliquant combien Paris était une ville importante pour eux. Dan est resté muet sauf à une occasion. Le problème est venu surtout de Hannah, pas très sympathique et même douloureusement pénible lorsqu'elle s'essaie à la communication humoristique avec le public : il n'y a rien de plus déprimant qu'une personne pas drôle qui essaie de mettre l'ambiance en se croyant spirituelle. Un instant a quand même levé cette malédiction d'une musique parfaitement désincarnée : quand, avant Rooting for You, Hannah a avoué sa difficulté à chanter la note la plus haute de la chanson (tiens, il y a quelque chose d'humain, de faillible dans London Grammar ?). Elle s'est lancée dans une version largement a capella de la chanson, et il y a eu un micro-suspense au moment de la fameuse note. Le public a applaudi le passage, un succès : peut-être un échec eût-il été plus fécond ?
M'est revenu pendant le désert émotionnel de ce concert le souvenir de l'émerveillement ressenti il y a un an dans cette même salle devant The xx, autre jeune trio populaire et branché proposant une musique synthétique et assez calme : pourquoi donc un torrent de sentiments d'un côté et d'un autre une morne promenade le long de morceaux interminables d'un autre. Est-ce la simple illustration d'un manque de talent pour la scène de musiciens qui ne savent pas exprimer ce qu'ils ont en eux et s'en tiennent à la technique, impeccable ? Ou bien, plus grave, la transcription d'une vacuité intérieure dissimulée sur disques par la beauté des chansons et la performance vocale ?
London Grammar plie les gaules après seulement une heure et quart (notons un Oh Woman Oh Man un peu plus plaisant), et personne n'insiste pour qu'ils jouent les prolongations. Pour couronner le tout, les roadies refusent fermement de distribuer les setlists : « On ne les donne pas au public », nous répondront-ils d’un air arrogant. Bref, c’est la bonne ambiance ! La salle est déjà presque vide : tout le monde est pressé de rentrer au chaud chez soi après ce set glacial, ce non-événement absolu...
… Sans doute en jurant, comme moi, qu'on ne les y reprendrait plus.