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Le journal de Pok
15 août 2022

Tintin et les Vieux Fourneaux au (vrai) Congo ?

Le Mystère du Masque Sacré couverture

Le Mystère du Masque Sacré a reçu le Prix du Masque de l’Année (Français) : un prix, une reconnaissance qui intriguent, même si l’on se demande si le fait d’avoir mis le mot « masque » dans son titre n’a pas influencé le jury en faveur de Jean-Christophe Portes… Car il faut bien avouer que ce second épisode des aventures d’une équipe d’agents secrets peu conventionnels, le Groupe du Manoir, n’a pas grand-chose d’un polar !

Les premiers chapitres lorgnent plutôt du côté de la BD : des 7 Boules de Cristal de Hergé, on retrouve l’imaginaire et le rythme pétaradant, et des Vieux Fourneaux on reconnaît l’humour basé sur le dynamisme paradoxal des seniors. Et pourquoi pas ? C’est enlevé, divertissant, très imaginatif, franchement différent de ce qu’on lit la plupart du temps. Cette histoire de la recherche d’un masque africain aux pouvoirs magiques par deux puissantes familles congolaises, qui vont entraîner dans leur lutte Denis Florin, un drôle de notaire qui se voit accusé de l’empoisonnement de deux personnes, démarre sur les chapeaux de roue… même si l’on a un peu de mal à la prendre au sérieux.

Mais quand Portes emmène tous ses personnages au milieu d’un coup d’état au Congo, qu’il décrit de manière magistrale la situation politique et humaine de ces pays africains déjà pillés par la France et désormais livrés à la convoitise des Chinois et des Russes, on réalise combien le propos du Mystère du Masque Sacré dépasse le simple divertissement fantaisiste, et recolle salement à la réalité de notre monde. Mercenaires du groupe Wagner, usine à Trolls en Russie, corruption des élites africaines, retour sur les horreurs du colonialisme dénoncées déjà à l’époque par Savorgnan de Brazza, vitalité de la diaspora africaine à Paris, rumeurs complotistes et haine anti-Macron… le Mystère du Masque Sacré raconte tout ça, avec une pertinence rare, sans jamais tomber dans la caricature ou même le simplisme. Le lecteur se régale, même s’il faut bien dire qu’au milieu de ce tourbillon d’aventures dont le Bureau des Légendes aurait pu tirer une excellente saison, les personnages restent trop sommairement croqués, ce qui fait qu’on ne se fait jamais vraiment de souci à leur propos, quelle que soit l’horreur de la situation dans laquelle ils se trouvent.

Mais Jean-Christophe Portes reste visiblement conscient des relatives faiblesses de son histoire, lui qui fait défiler les événements à un rythme trop soutenu pour qu’on réalise le doigté du prestidigitateur qu’il est. Il clôt son roman sur un tour de force des plus culottés, celui de reporter la résolution de l’une des situations les plus stressantes dans son épilogue. Un peu comme si la conclusion d’un film se trouvait reléguée à la fin du générique : c’est amusant, mais ça montre aussi que Portes, tout comme nous, est conscient du fait que nombre de péripéties de son livre relèvent surtout du plaisir du jeu !

Bref, un livre d’aventures trépidantes, ludiques, qui parlent plutôt bien de la réalité de notre triste monde actuel : on l’emporte sur la plage !

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