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Le journal de Pok
25 janvier 2019

Les films d'Eric Rohmer passeront-ils l'épreuve du temps ? "Ma Nuit chez Maud" (1969)

ma-nuit-chez-maud affiche

S'est posée à moi la question de la modernité de "Ma Nuit Chez Maud", cinquante ans après que Rohmer ait filmé Trintignant faisant des maths le soir après sa journée de travail chez Michelin à Clermont-Ferrand, et discutant de la pertinence de Pascal avec un ancien copain marxiste. Ou plutôt la question de la manière dont ce cinéma-là, filmant en noir & blanc des gens coincés entre une foi catholique, qui semble désormais désuète, et un désir "moderne" de sexe sans engagement peut parler à quelqu'un qui a à peine trente ans. Le film n'ennuie-t-il pas un peu, avec ce choix de montrer des sermons en intégralité, sermons évidemment beaucoup moins "intéressants" que l'explication des rapports entre le "Pari de Pascal" et les concepts mathématiques de l'espérance de gain et du produit de l'infini par le proche de zéro ?

Mais je me suis rendu compte que ce qui désoriente le plus le spectateur non rompu au cinéma de Rohmer, c'est avant tout le refus radical de toute véracité psychologique, ou plutôt de toute interprétation psychologique, qui plus est accentué par l'extrême neutralité d'une réalisation qui refuse les "coups de force", mais impose des ellipses narratives et temporelles déstabilisantes. On est loin, très loin, des codes du cinéma contemporain, ou spectaculaire et sur-interprétation se livrent un combat épuisant, et bien des jeunes cinéphiles risquent de trouver "Ma Nuit chez Maud" ennuyeux (ou ennuyant, comme on dit de nos jours…).

J'ai alors risqué pour expliquer ce que Rohmer voulait décrire, un parallèle un peu osé avec le travail de Von Trier : j'ai expliqué que les "Contes Moraux" - titre facétieux et ironique - pouvaient être vus comme une déclaration similairement cruelle de l'infinie vacuité humaine, se gargarisant de concepts, d'idéologie et de religion, pour envoyer tout cela "paître" à la moindre occasion de tirer un coup. Menteur, jouisseur, hypocrite, fianlement bien répugnant, l'ingénieur remarquablement interprété par Trintignant ne déparerait pas au milieu de la galerie des monstres de Von Trier, et le regarder pendant tout un film suffit sans doute à mépriser l'humanité toute entière.

Après, la différence entre Rohmer et Von Trier, c'est que le grand Eric aime les femmes, et que, même si elles sont toutes autant condamnables "moralement" que leur amants et maris, au moins elles sont sexy, lucides et émouvantes. Elles sont la BONNE moitié de l'humanité, celle qui vaut la peine d'être sauvée.

Lorsque s'est terminée "Ma Nuit chez Maud", encore une fois avec une légèreté frôlant le cynisme - puisque la révélation fracassante sur le passé de sa femme est reçue par notre ingénieur comme une information de plus, qui ne vaut pas la peine d'aller gâcher une belle après-midi sur la plage -, je me suis dit que Rohmer avait bien fait de passer aux "Contes et Proverbes" pour aller coller de plus près aux filles : je sais bien que j'aurai moins de mal à expliquer le charme de "Les Nuits de la Pleine Lune" ou de "Pauline à la Plage" aux jeunes d'aujourd'hui...

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