Le cinéma enchanté de Hong Sang-Soo : "Turning Gate" (2002)
"Turning Gate", revu quinze ans après sa sortie sur les écrans français où il avait été plutôt bien reçu, au moins par la frange de cinéphile qui s'intéressait à ce "genre de cinéma", est indéniablement le film le plus fort émotionnellement - à date - de Hong Sang-Soo, qui, s'il délaisse temporairement les dispositifs conceptuels dont il est coutumier, accorde à son histoire et à ses personnages une attention totale, s'approchant au plus près de la vérité de leurs relations. Certes, cette préoccupation envers les relations à sens unique entre protagonistes éméchés et hébétés se colore parfois d'un humour et d'un charme que l'on qualifierait peut-être de rohmerien, si ce n'était la frontalité de l'acte sexuel et une indicible brutalité dans les rapports sentimentaux, voire humains en général. "Turning Gate" reste heureusement d'une jolie légèreté, et ne sombre pas dans le pathos malgré les déchirements amoureux qu'il enregistre… Mais le film ne relâche pas pour autant son intensité aigüe : ce souci des micro-détails de la vie intime de ses protagonistes (comme toujours chez Hong Sang-Soo filmés à la juste distance) désemparés au milieu de ces "Love Streams" cassavetiens, réunissant passé et présent par la grâce d'un scénario faussement simple, nous bouleverse régulièrement. Avant de nous abandonner, emplis d'un ravissement presque douloureux.