Séance de rattrapage - "Anatomie d'une chute" de Justine Triet : le couple, l'enfant et le chien...
Quand il est sorti sur nos écrans, je n'ai pas eu envie d'aller voir Anatomie d'une chute : irrité par une bande annonce peu attrayante assénée pendant des semaines, dubitatif quant à une nouvelle Palme attribuée à une réalisatrice française qui semblait plus un choix "politique" qu'autre chose, étant donné la qualité d'autres films présentés à Cannes, et puis pas très motivé par la perspective d'un autre film de procès, un "genre" presque aussi usé que le film de serial killer (de toute manière, peut-on faire mieux que Preminger, hein, je vous le demande ?)... j'ai perçu Anatomie d'une chute comme un exemple de ce cinéma "bien-pensant", et surtout dispensable, de notre époque que je n'avais aucune envie de voir.
Et puis, tout un tas de gens de bon goût on dit du bien du film, et puis, les récompenses internationales ce sont accumulées, même aux US et au Royaume-Uni, deux territoires logiquement très hostiles au "cinéma d'auteur" à la française. Disponible sur Prime Vidéo à un moment où une vague de froid intense ne donnait pas envie de sortir au cinéma, Anatomie d'une chute devenait à peu près... incontournable !
Et le fait est que les deux heures et demies passées devant le film de Justine Triet n'ont pas été de trop pour savourer cette remarquable "anatomie d'un couple", où l'analyse fine, subtile, et même parfois quasi transcendante, des mécanismes de fonctionnement, puis d'autodestruction d'un couple s'avère passionnante de bout en bout. Au point que, et ce n'est pas plus mal, la partie "procès" s'avère finalement la plus faible, la plus stéréotypée (les jeux et le phrasé de l'avocat général, pour être probablement réalistes, ont été vus déjà mille fois, et e mieux, dans d'autres films...), et qu'on a hâte de revenir dans ce chalet maudit, et dans le passé, pour être témoin de ce qui s'y joue. Bien entendu, le jeu très juste de Sandra Hüller, déjà formidable dans Toni Erdmann, est pour beaucoup dans la réussite du film, mais il faut aussi souligner l'inventivité de la mise en scène de Triet, qui tente des choses souvent originales, parfois audacieuses, sans que cette sorte de virtuosité se retourne jamais contre le sujet du film et la véracité des situations : un exploit en soi !
Passionnant comme un thriller, même si, à la fin, la vérité n'est tout simplement pas atteignable (ceci dit, je fais partie de ceux qui n'ont pas douté une minute, dès le début du film, de la culpabilité de Sandra !), Anatomie d'une Chute regorge de ces "détails" qui augmentent le plaisir du spectateur, comme le personnage du fils malvoyant, très impressionnant, et - même si ça paraît gaguesque - l'incroyable interprétation que livre le chien (!) tout au long du film.
Ma conclusion : Anatomie d'une chute n'est sans doute pas un "chef d'œuvre", c'est en tous cas un film intelligent et très réussi, qui récolte à juste titre un succès populaire et critique mérité.