"Polar Park" de Gérald Hustache-Mathieu : ... ou l'art de recycler ses influences
Mouthe, dans le Jura, serait le village le plus froid de France. Mouthe abrite un « Polar Park » (…enfin on n’a pas vérifié si ce parc d’attraction existe réellement ou s’il est le fruit de l’imagination des scénaristes de la série !), et c’est à que sera retrouvée dans la neige une oreille humaine tranchée, quelques heures avant qu’un cadavre déguisé en Vincent Van Gogh mutilé ne soit retrouvé. L’inspecteur Louveteau mène l’enquête, une enquête dont va se mêler l’écrivain populaire David Rousseau, qui a été appelé à Mouthe par un moine du monastère voisin qui doit lui révéler un secret…
Les températures hivernales jurassiennes se prêtent à merveille comme décor d’un polar scandinave, avec serial killer particulièrement inventif (la mise en scène des meurtres autour de l’œuvres d’artistes), suspects au comportement étranges qui se multiplient, et policiers originaux peu portés sur la discipline et les procédures… ce qui laisse présager un bon polar des familles, vaguement plan-plan, devant lequel passer quelques heures sans réelle surprise. Et puis, si, en fait, les surprises déboulent vite, sous la forme d’un enchaînement incessant de références, de citations, de clins d’oeil à des films, des livres, des séries « du patrimoine ». Sans prétendre être le moins du monde exhaustifs, il nous est facile de pointer « l’influence » de Fargo, le chef d’œuvre des Frères Coen (le froid, le comportement branquignolesque de la plupart des personnages, criminels comme délinquants, l’humour pince sans rire…), la reprise du thème de Misery de Stephen King (l’écrivain et sa plus grande fan), les clins d’œil au Twin Peaks de David Lynch (la bûche, la chanteuse envoûtante dans le snack bar)… Mais il y en a tout un tas d’autres, certaines citées ouvertement par les personnages qui ont bien entendu la même culture que nous.
Et puis, sans rien spoiler d’une énigme bien plus originale qu’on ne l’imagine de prime abord, Polar Park s’avère une réflexion – amusante et amusée – très méta sur la création littéraire (même si l’on parle ici de l’écriture de ces polars « de gare » qui nous distraient mais ne laisseront probablement que peu de traces dans l’histoire de la Littérature), et sur l’origine de l’inspiration (thème cher à Stephen King s’il en est, on le sait…).
Mais tout cela ne serait que trucs un peu trop malins de scénaristes lettrés sans la remarquable interprétation de Jean-Paul Rouve (Rousseau, drôle, puis touchant dans sa manière quasi borderline d’approcher une existence qui, en dépit de son immense succès commercial, ne semble rien lui avoir apporté, et qui va trouver sans l’anticiper le sens de sa vie à Mouthe) et de Guillaume Gouix (Louveteau, flic à la fois rigide et lunaire, homosexuel vaguement honteux, lui aussi d’une humanité évidente) : ils forment un duo cocasse qui offre au film une multitude de scènes décalées, quasiment « poétiques » (même s’il s’agit là d’un adjectif facile, qui fleure bon le Marketing de papa…).
Gérald Hustache-Mathieu, auteur complet (il est ici scénariste et réalisateur) et pas encore reconnu, fait ici un travail remarquable dans la création de personnages farfelus mais crédibles, dans la direction de ses acteurs, et dans l’inventivité d’une mise en scène dynamique, enlevée, sans jamais singer les équivalents US de Polar Park.
Le cinquième épisode, qui revient en détail sur chacun des meurtres vus au cours des épisodes précédents, est un véritable régal d’humour noir et de fantaisie, sans que le suspense en souffre pour autant, débouchant sur un épisode final un peu moins original, mais heureusement illuminé par une savoureuse révélation.
Dans son ensemble, Polar Park est un divertissement intelligent, parfois même fascinant, combinant brillamment drôlerie et suspense. On pourrait imaginer une seconde saison à cette réussite étonnante, mais ça serait prendre le risque de nous décevoir !