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Le journal de Pok
26 septembre 2018

"L'Ombre d'Emily" de Paul Feig : Diabolique gone girl Vs. desperate single mother

L Ombre d Emily AfficheL'art du mélange de genres est certainement l'un des plus difficiles qui soit, et le cinéma US a toujours beaucoup de difficultés - culturelles, n'en doutons pas - à explorer les zones troubles de l'ambigüité. Et Paul Feig, acteur-réalisateur-scénariste, excessivement médiocre quand il s'agit de "mettre en scène" autre chose de grands acteurs comiques qui n'ont finalement pas besoin de lui, a peu à peu dilapidé la bonne réputation acquise avec sa série "Freaks & Geeks", n'était certainement pas le meilleur choix pour faire vivre "l'Ombre d'Emily", concept intéressant transformé en film inconsistant !

Le principe - certes audacieux - est donc ici de nous raconter une histoire de manipulation "mash-up" des "Diaboliques" (d'ailleurs ouvertement cité dans un des dialogues) et de "Gone Girl", en lui appliquant un abattage comique permanent, en évitant - et c'est encore heureux - de tomber dans la parodie et le second degré. Le tout rehaussé par un travail "technique" étonnant du décorateur, de la photographie et de la musique - surprenante avec son enchaînement improbable de variété - pop française (Gainsbourg, Dutronc, etc.) totalement hors de contexte. Blake Lively, sexy en diable et inquiétante quand il le faut, prend donc de relais de Simone Signoret / Sharon Stone et de Rosamund Pike, sans se ridiculiser, mais sans non plus atteindre la grandeur de ses modèles. On a par contre beaucoup plus de mal à croire à Stephanie, interprété par une Anna Kendrick qui ne prend jamais la mesure de son personnage de femme apparemment parfaite à l'abattage épuisant, et empêche la dernière partie du film de fonctionner… Nous abandonnant donc à la fin de deux trop longues heures avec un sentiment très déplaisant de gâchis…

Mais c'est sans doute réellement à Paul Feig qu'incombe la responsabilité de ce ratage, car c'est bien la mise en scène (et accessoirement la direction d'acteurs) qui ne trouve jamais le bon rythme, le juste ton pour que l'on puisse adhérer, même de manière éphémère, à ce thriller éventé et cette comédie qui ne fait pas rire. Non, on ne croit pas un instant à cette histoire "policière" cousue de fil blanc, dont on devine trop rapidement la trame, on ne tremble jamais devant ce basculement vers la folie qui aurait pu porter le film vers "autre chose" (la scène du lac, qui devrait théoriquement laisser entrevoir toute la noirceur et la déraison d'Emilie, reste anodine !). Et l'on sourit à peine devant les nombreux passages burlesques, absurdes ou fantaisistes caricaturant le stakhanovisme et l'obsession de l'apparence parfaite qui caractérisent la "parfaite ménagère américaine moderne".

Ce que les maîtres du mélange des genres, les Coréens, nous ont appris, c'est que pour réussir un thriller comique, on doit prendre aussi bien au sérieux la tension du thriller que la vitalité grotesque de la comédie. Et donc séduire et déstabiliser le spectateur par une alternance de moments extrêmes, aussi réussis que fondamentalement opposés. Comme dans la vie, en fait... Ce que nous offre Paul Feig, c'est juste une dilution fatale de ces extrêmes dans le conformisme souriant d'un cinéma de décorateur. Histoire de ne jamais oublier que nous sommes ici dans le confort rassurant du cinéma de divertissement.

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