De plus en plus ralenti par son surpoids et son âge, Peter Gabriel n'est plus le showman extraordinaire qu'il était, inutile donc d'espérer de ce concert filmé en 2011 à l'Hammersmith Appolo les mises en scène spectaculaires d'antan. Plus inquiétant est la tendance de Peter Gabriel à refuser désormais à sa voix les fameuses montées d'intensité qui étaient si troublantes lorsqu'il était au sommet de son art. Si l'on combine ce chant "calmé" avec une ré-écriture "soft" des morceaux afin de les adapter à un orchestre classique, on obtient une suite quasi ininterrompue de mini-frustrations : passé "Intruder" qui porte encore son poids de menace, chanson après chanson, on espère retrouver ces sensations merveilleuses que la musique et la voix de Peter Gabriel nous offraient voici plus de 20 ans, on s'en approche, on y est presque, et puis non : les reliefs aplanis, les aspérités effacées, les mélodies étouffées, Peter Gabriel nous offre une version "délavée" de sa meilleure musique, à la fois embourgeoisée (les vertiges de la "musique classique" avec tout son décorum tellement sophistiqué, soit un errement terriblement habituel des rockers des années 70) et dévitalisée, "numb" comme on dit en anglais. Alors qu'importe que tout cela soit si beau, si bien fait, si techniquement parfait, si sincère toujours, puisque toutes les terreurs, les joies, les extases, les angoisses ont ainsi été drainées ?