"Masters of the Air" de John Orloff : décollage difficile…
On garde probablement tous un excellent souvenir de Band of Brothers, cette série de 2001, produite par Steven Spielberg et Tom Hanks, qui retraçait l’épopée du débarquement allié en Europe et la victoire sur les troupes nazies : en combinant de manière quasiment parfaite les faits historiques, qu’on a tous malheureusement tendance à oublier, et les destins individuels d’hommes et de femmes au milieu de la tourmente, Band of Brothers (Frères d’armes chez nous, un titre plus faible car ne traduisant pas le sens du « collectif » presque spontané de la série) s’imposait comme une sorte de récit définitif sur la fin de la seconde guerre mondiale en Europe. Un second volet, The Pacific, consacré aux terribles combats dans les îles du Pacifique, faisait presque aussi bien, et avait pour nous, Européens, le mérite de nous instruire sur un côté de la Seconde Guerre Mondiale largement ignoré par ici.
L’annonce de la production de Masters of The Air, consacrée aux pilotes US basés en Angleterre et en charge des bombardements sur l’Allemagne et les zones occupées de l’Europe pour préparer puis accompagner l’offensive alliée, était donc alléchante. Le visionnage des deux premiers épisodes est une terrible déception, et nombreux sont les téléspectateurs qui risquent de lâcher l’affaire après ces deux premières heures sans vie, sans émotion… sans aucun intérêt, pour le dire le plus clairement possible.
La recréation digitale des avions et des combats, criante en dépit de sa qualité « technique », prive d’emblée la série de toute vraisemblance (même si l’on comprend bien qu’il n’était pas possible de faire voler assez d’avions restant de l’époque pour recréer une réalité crédible – alors que les deux séries précédentes étaient réalisées en utilisant du véritable matériel terrestre, avec un minimum d’effets spéciaux) : les images sont très belles, mais on serait en train de regarder une version moderne du Seigneur des Anneaux que l’effet serait le même. Masters of The Air nous raconte une histoire, elle n’est jamais assez convaincante pour nous raconter l’Histoire.
Masters of The Air se concentre sur l’histoire tragique de la « bloody hundredth », une division aérienne de bombardiers engagée quotidiennement dans des vols au dessus de l’Allemagne, et peu à peu décimée par la DCA et l’aviation de chasse ennemie. Son scénario se nourrit de l’autobiographie du Lieutenant Crosby, navigateur surdoué promu au sein de la hiérarchie militaire, et l’un des rares survivants de cette odyssée. On sait donc a priori que la quasi totalité des personnages qui nous sont présentés vont mourir, ce qui est potentiellement une riche source d’émotion : malheureusement, la caractérisation des personnages est tellement superficielle, ils restent tellement au stade de purs symboles de l’héroïsme, de la jeunesse sacrifiée, etc. qu’il est difficile de ressentir quoi que ce soit quand il disparaissent !
Au delà de combats aériens par nature répétitifs et finalement peu fertiles scénaristiquement parlant, Masters of The Air évacue largement les aspects humains de la vie de ces hommes et femmes déracinés dans un pays qui ne partage guère leur culture (la représentation des Anglais est d’ailleurs purement symbolique, minimale, elle aussi : quelques jolies filles avec qui coucher, trois enfants qui s’amusent sur le terrain d’atterrissage, c’est tout ce que nous verrons…). Et lorsque, enfin, un semblant d’aventure naît – avec ces pilotes abattus en zone occupée, en Belgique, en France, ou encore en Allemagne, la série a tôt fait de les abandonner au milieu de leur périple, pour simplement nous signaler quelques épisodes plus tard qu’ils s’en sont sortis (ou pas). Cette partie « à terre », alors que le Reich s’effondre, et que les prisonniers US tentent de survivre, est la plus intéressante de la série : elle sauve un peu la seconde partie de Masters of the Air, mais elle reste elle aussi en deçà de ce qu’on avait pu vivre devant Band of Brothers et The Pacific.
Reste la question d’Austin Butler, acteur notable, qu’on retrouve ici dans un rôle principal après Elvis : son charisme est toujours époustouflant, et le voir à l’écran sauve de nombreuses scènes que l’on n’apprécie que pour lui. On peut néanmoins craindre que ce magnétisme « physique » puissant qu’il dégage finisse par le cantonner dans des rôles emblématiques – comme également dans Dune, où il impressionne sans avoir grand chose à faire – où on ne lui demande même pas de jouer, seulement « d’être ». Mais après tout, pourquoi pas ? C’est sans doute là l’essence des vrais « stars »…