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Le journal de Pok
12 août 2022

"Black Bird" de Dennis Lehane : enfermé avec le Diable

Black Bird affiche

Il faut reconnaître que, à l’écart du combat de titans que se livrent Netflix et Prime Video pour gagner des parts du marché global des « consommateurs » de séries TV, Apple TV+ trace de plus en plus un chemin remarquable, et propose désormais des œuvres ambitieuses, de qualité, qui risquent bien de ravir le flambeau du genre à HBO. Après l’extraordinaire Severance, mais aussi une belle collection de mini-séries réussies, voilà que Black Bird vient réclamer sa place sur le podium de ce que l’on aura vu de meilleur en 2022.

Car cette histoire d’un brillant trafiquant de drogues, que la Justice US convainc, contre une remise de peine, d’infiltrer une prison à haute sécurité pour devenir ami avec un serial killer et lui soutirer les preuves formelles de sa culpabilité, afin de garantir son incarcération définitive, risque bien de rester ce que l’on aura vu de mieux comme thriller en 2022. Devant le niveau de réussite de cette mini-série (6 épisodes durant lesquels la tension ne se relâche quasiment jamais, mais qui ménage aussi de grands moments de vertige existentiel), on rationalisera en disant que, évidemment, avec Dennis Lehane aux commandes, il n’y avait aucune déception possible… Oui, Lehane, l’écrivain qui nous a offert les scénarios de Gone Baby Gone (Ben Affleck), de Mystic River (Clint Eastwood) ou de Shutter Island (Martin Scorsese) ! Et le passage d’un tel talent, qui a alimenté naguère des films aussi prestigieux, du côté des plateformes de streaming, enfonce plus clairement un autre clou dans le cercueil du cinéma traditionnel que des bidules comme les Anneaux du Pouvoir !

La matière originale que Lehane a utilisée pour construire Black Bird est l’autobiographie de James Keene (Avec le Diable, co-écrit avec Hillel Levin), puisque tout ce que l’on voit ici, au moins dans les grandes lignes, est vrai : plus fort encore que Mindhunter, auquel on pense souvent, mais qu’il enterre définitivement, Black Bird va nous offrir d’approcher et l’intimité et le fonctionnement mental d’un violeur et tueur en série. On comprend que la raison de Keene ait failli basculer face aux confessions et aux manipulations de Larry Hall, tant nous-mêmes, devant notre écran, ressentons viscéralement l’horreur, mais aussi l’abjecte peur que dégage l’âme noire de Hall.

Mais pour que Black Bird soit une telle réussite, il fallait des interprètes exceptionnels. Taron Egerton confirme son ascension vers l’excellence, puisque, peu notable dans le premier Kingsman, il avait déjà surpris tout le monde dans Rocketman : il est éblouissant ici dans un rôle complexe de flambeur génial qui va acquérir – malgré lui – une part d’humanité en frôlant l’abime. Mais c’est surtout l’incroyable Paul Walter Hauser qui nous épate : déjà reconnu dans le Cas Richard Jewell de Clint Eastwood, il incarne ici un serial killer mémorable, profondément humain mais également terrifiant, une performance dont on ose affirmer qu’elle égale celle d’Anthony Hopkins en Hannibal Lecter.

En complétant le récit claustrophobique du face à face entre ces deux détenus par le déroulement de l’enquête sur le terrain de deux policiers obstinés (Sepideh Moafi et Greg Kinnear sont tous deux excellents), en détaillant la relation très forte entre Jim et son père (le regretté Ray Liotta, dont ce sera le dernier rôle), Lehane enrichit Black Bird sans jamais s’éloigner du cœur de son sujet, et conduit sa mini-série vers une conclusion, certes évidente (pas besoin de twist dans la vraie vie !), mais qui ouvre intelligemment de nouvelles pistes de réflexion sur la famille et son rôle dans le destin de chacun.

Attention : chef d’œuvre !

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