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Le journal de Pok
30 juin 2018

"Quand sort la recluse" de Fred Vargas : arachnophilia

Quand sort la recluseVoici plusieurs années que l'on maudit les livres de Fred Vargas, qui nous déçoivent presque toujours, à force de ne reposer que sur la virtuosité de l'écriture, et de tirer sur la corde de la fantaisie jusqu'à ce qu'elle casse... et elle casse souvent ! Ses livres nous tombent régulièrement des mains et ses échecs répétés nous attristent profondément : ainsi, "les Temps Glaciaires" ou "l'Armée Furieuse" s'étaient révélé particulièrement insupportables à force de préciosité et d'accumulation de tout et n'importe quoi... Reste que nous continuons à lire fidèlement chaque nouvelle parution, en attendant que se reproduise l'enchantement de ses premiers et mémorables ouvrages, ceux qui la révélèrent au grand public.

Et voilà que "... sort la recluse" ! Et que (presque) tous nos souhaits sont exaucés... "Presque", parce qu'il reste ces pénibles circonvolutions autour des conflits au sein de l'équipe Adamsberg, et une tendance redondante à vouloir ramener l'intrigue policière à quelque trauma originel dans la vie des personnages principaux, qui l'artificialise encore. Mais sinon, quelle intensité - soit un terme qu'on n'emploie plus depuis longtemps quand on parle de Fred Vargas - dans cette enquête qui vise le lecteur directement au cœur, et qui invoque magistralement les fantômes des plus horribles faits divers de ces dernières décennies : séquestrations et tortures d'enfants, viols incestueux, humiliations en tous genres. Cette fois Fred Vargas repeint son œuvre en noir absolu, sans pour autant jamais - et c'est là toute sa redoutable intelligence - tomber dans l'ornière répugnante de la fascination pour le Mal, tellement à la mode de nos jours. Du coup, les circonvolutions déconcertantes, et parfois pénibles, de l'enquête policière se voient lestées d'un désespoir qui leur confère un enjeu inédit.

Bien entendu, les plus rationnels d'entre nous déploreront l'habituel recours, ça et là, à des explications capillotractées (comment pique l'araignée, par exemple), et la trop grande transparence de la résolution finale : il semble impossible à quiconque est un peu rompu à la littérature policière de ne pas avoir deviné depuis longtemps l'identité du criminel... Mais peu importe finalement, puisque Vargas conclue alors son livre, de manière assez inhabituelle pour elle, dans le registre de l'émotion.

Indiscutablement, quelque chose de quasi irrationnel est advenu ici, et un auteur empêtré dans la toile de ses procédés et de ses trucs, a réussi à retrouver une pertinence, en particulier dans le regard jeté sur le calvaire des femmes dans une société régie par la violence masculine, qui lui échappait depuis longtemps. Est-ce là le miracle de l'araignée?

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