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Le journal de Pok
25 février 2024

"La bande de l’abribus" de Luce Michel : serial killer de sangliers ?

Luce Michel nous avait proposé l’an dernier, avec son Vue sur mer, une approche réellement différente du polar : en mêlant une construction narrative originale et un soin particulier dans l’étude de ses personnages, le tout baignant dans un humour subtilement décalé, elle nous intriguait, sans nous séduire totalement, le livre soufrant encore de menus défauts qui empêchaient l’adhésion complète du lecteur. Son nouveau livre, La bande de l’abribus nous laisse avec une impression assez semblable : une belle originalité, une véritable pertinence des sujets qui travaillent la fiction en profondeur, sans que ça soit encore tout à fait ça…

Luce Michel nous héberge cette fois dans une maison de repos (un asile psychiatrique !?) caché dans l’arrière-pays varois, où débarque une jeune femme qui a bien besoin de se couper pendant quelques semaines de la réalité de la vie de plus en plus accablante. Malheureusement, si elle va y trouver une petite troupe de pensionnaires plus ou moins dépressifs mais très sympathiques, elle va aussi avoir affronter avec ses amis, « la bande de l’abribus », la menace effrayante d’un empoisonneur de sangliers, de laies plus exactement…

La couverture façon BD positionne La bande de l’abribus dans le genre à la mode des « cosy mysteries », ces livres prônant la légèreté et promettant une évasion de nos angoisses quotidiennes à travers des enquêtes policières « à la Agatha Christie » (c’est une simplification, mais vous comprenez ce qu’on veut dire…). Or, la localisation physique de La bande de l’abribus dans un « asile de fous », et les tourments permanents, les troubles plus ou moins graves dont souffrent nos « enquêteurs » en herbe est tout sauf « cosy ». Et c’est bien là que le bouquin de Luce Michel s’avère paradoxal, donc passionnant. On sent à chaque page ou presque, puisque Luce Michel nous fait accompagner au plus près chaque protagoniste (qu’il soit interné ou fasse partie du personnel), à travers des très courts chapitres consacrés à chacun, combien la souffrance intime est forte… et l’angoisse existentielle est bien plus fondamentalement sévère que celle générée par la menace d’un « serial killer de sangliers » tournant autour de la maison de repos. C’est bien là la beauté du livre, sa force, nous rappeler combien nous sommes tous fragiles devant la vie, comme sont fragiles tous les personnages du livre : la plus grande qualité des livres de Luce Michel, c’est bien leur humanité, ou plutôt leur empathie pour une humanité ordinaire et souffrante.

Du coup, soyons honnêtes, on aurait été plus intéressé si Luce Michel avait creusé plus profondément cette veine psychologique / psychiatrique, voire « politique » plutôt que de revenir in extremis, et dans un mouvement d’accélération que l’on perçoit comme artificiel (« zut, on se rapproche du nombre de pages total que j’avais prévu de livrer, et on a bien peu parlé de notre énigme policière, alors, mettons les gaz ! »)… Oserions-nous recommander à Luce Michel de mettre de côté pour un temps les thrillers, les enquêtes et les énigmes, pour consacrer toute son attention et son talent aux simples « gens », qu’elle décrit si bien ?

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