"You Radiate" de Jimmy Diamond : cruiser sur les highways californiennes…
La fascination de « l’Amérique » (des Etats-Unis plutôt) continue à sévir un peu partout, en dépit de Donald Trump et de Joe Biden, d’Elon Musk et d’Amazon, de tout le mal que le capitalisme financier tout puissant de Wall Street fait à la planète : c’est sans doute que, au moins dans le domaine de la musique, et du Rock, on imagine – parce que ça nous arrange, en fait – une « autre Amérique », plus proche de la légende, un fantasme donc, peuplé de rebelles qui parcourent les routes interminables au milieu de paysages désertiques en faisant vrombir leurs moteurs (hyper polluants, mais on leur pardonne, du coup…) et jouant leur rock’n’roll romantique sur le parking de diners décatis, entourés d’écrivains alcooliques et de sages indiens. Un gros bullshit, mais qui marche encore, indiscutablement… Et qui marche même à Lemele, un village de 1200 âmes, dans le nord des Pays-Bas, d’où sont originaires Jim Zwinselman (chant, guitares), Floris Poessé (basse) et Ruud Gielen (batterie) : ils ont décidé qu’il leur fallait abandonner le vélo et les pistes cyclables pour passer à la Harley Davidson, et à l’heure de fonder un groupe, que ce serait plus cool de l’appeler Jimmy Diamond que Andries Poffertjes, par exemple…
On plaisante, mais on ne devrait pas, car rapidement, notre trio se serait fait repérer lors d’une tournée en première partie du groupe de folk-rock, Strand of Oak, dont le leader Timothy Showalter a décidé de leur donner un coup de pouce : est-ce vrai ? C’est en tout cas ce que raconte le début de l’histoire de Jimmy Diamond, et toujours est-il que nos amis néerlandais se sont retrouver en train d’enregistrer leur premier album à Los Angeles, encore une preuve que les rêveurs ont bien raison de rêver. A condition d’être aussi des musiciens talentueux, ce que ces jeunes gars sont, indiscutablement…
Car, on lance You Radiate, on ferme les yeux pour faire abstraction de cet hiver européen rigoureux, et pof ! On se croirait bel et bien en Californie, dans les années 70, en train de cruiser sur les highways longeant le Pacifique. Il faut dire que l’album s’ouvre sur le magnifique et énergique So Do I, parfaite illustration des qualités du rock californien des 70’s et 80’s, avec de belles parties de guitare et des vocaux léchés qui transcendent aisément le risque de la pure et simple copie d’un genre « classique ». No Man’s Land, qui suit, est plus suave, et bénéficie d’une mélodie aérienne très convaincante. Plus lourd, plus rock, Two Way Street évoque – vocalement surtout – certains titres du Blue Öyster Cult chantés par Buck Dharma de l’époque Agents of Fortune, avec un soupçon de pedal steel guitar en sus.
Après ce trio de chansons fort convaincant, Let’s Not Get Used To This, trop « soft rock », trop sucré à notre goût, pointe les limites du projet Jimmy Diamond, qui embrasse sans complexe les aspects les plus discutables – les plus passe-partout et fades – de la musique californienne. Chase The Moon, qui clôt la première face, remet avec ses presque 6 minutes, l’album sur la bonne route, grâce à une jolie ampleur lyrique et à un final aérien et contemplatif.
La seconde face de You Radiate suit à peu près la même structure, s’ouvrant sur un In The Dark où guitare et vocaux sophistiqués se combinent impeccablement sur une rythmique un peu plus dansante, et se refermant sur les neuf minutes du titre le plus complexe, I’m Still Here (In All the Things You See), qui trouve par instants un esprit rock progressif des seventies, tout en sachant que les vrais moments de grâce sont ceux où la lead guitar s’exprime à son aise. Il est dommage qu’entre ces deux titres, le reste ne soit pas plus original, à l’image de la chanson éponyme, You Radiate, dont on regrette qu’elle ne fasse pas preuve de plus d’énergie.
You Radiate est indiscutablement un bel album, qui aurait mérité une production moins lisse, et sans doute une plus grosse prise de risque de la part d’un groupe qui fait preuve d’une vraie maîtrise de son sujet. Il faudra voir comment le trio « habite » ses chansons bien léchées sur scène, et surtout si la suite de leur carrière démontre qu’ils sont disposés à sortir de leur zone de confort.