"Glam Rock" de Christophe Brault : Glam’s Not Dead !
Il y a fort à parier que si vous parlez de « Glam Rock » à un rocker branché post-punk (la grande mode bidon du moment…), il se mette à ricaner en vous traitant de has been, et vous demande où sont vos platform boots et votre coupe mulet. Laissez-le, fier de son ignorance bornée, retourner écouter des clones insipides de Joy Division, ou, si vous êtes d’humeur taquine, racontez-lui que l’un des plus beaux moments d’extase collective de 2023 a été le concert offert par Gyasi au festival de Binic : le Glam Rock n’avait cette nuit-là rien d’un cadavre putréfié, ou d’un zombie hébété, mais semblait au contraire le meilleur prétexte possible aux délires les plus audacieux et les plus fun !
Si, par contre, vous êtes vous-même dans le flou quant à ce que recouvre ce terme, eh bien, le remarquable livre sur le sujet écrit par Christophe Brault (Glam Rock – Glitter, Teenage Pop & Art Rock) clarifiera vos idées sur le sujet, et, plus important encore, vous fournira une liste de dizaines de chefs d’œuvre incontournables, de disques passionnants ou de curiosités décoiffantes à écouter.
La couverture du livre joue évidemment la carte des monuments universellement reconnus : le premier Roxy Music, le premier New York Dolls, et ces deux moments parfaits de la musique des 70’s que sont Ziggy Stardust de Bowie et Kimono My House de Sparks. Ce sont des « produits d’appel » qui permettent d’évoquer simplement de quoi il retourne, puisque l’on peut imaginer qu’une grande partie des mélomanes connaîtra au moins de vue / de nom ces quatre albums… Mais le grand intérêt (et aussi la surprise, finalement) de Glam Rock est que Brault étend le champ de son analyse – avec pertinence, non pas en trichant pour gonfler son bouquin ! – à des territoires adjacents au cœur du « sujet Glitter », ce qui lui permet de nous offrir un panorama très riche du Rock des seventies, puis des eighties. Et de mettre en lumière des relations entre des artistes que l’on n’aurait pas naturellement rangés dans le même catégorie.
S’il n’y a aucune surprise à rencontrer dans les quelques 200 albums soigneusement chroniqués dans la seconde partie du livre (la première partie étant consacrée à la chronologie du « mouvement ») des disques comme le premier Suede, The Lexicon of Love, la merveille d’ABC, ou le Do Hollywood des Lemon Twigs, il est stimulant d’y croiser des albums de Visage ou de The Human League, et de réaliser que la folie glam a essaimé aussi dans le Rock Gothique (Bauhaus, Siouxsie), dans le Hard Rock (Kiss, bien sûr…) et dans la cold wave / synth pop.
Offrant aux curieux une belle exploration des courants Glam hors Grande-Bretagne, et permettant donc de connaître des groupes italiens, scandinaves, etc. qui potentiellement constitueront de belles découvertes, ce livre érudit permettra aussi, on l’espère, de faire connaître au « grand public Rock » des disques aussi extraordinaires que ceux de Doctors of Madness ou de Magazine, deux groupes essentiels des années 70… Et, pour revenir à notre introduction, le dernier album chroniqué est – c’est logique, inévitable – le Pronounced Jah-See de Gyasi, l’une des plus récentes merveilles d’un genre qui est, on le voit, bien vivant en 2024, sans aucune nostalgie malsaine !