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Le journal de Pok
21 janvier 2024

"Some Of It Was True" de The Menzingers : l’énergie de la jeunesse éternelle ?

Some of it was true

On ne parle plus assez de The Replacements, l’un des groupes de Rock US les plus essentiels de toute la (plus si) courte histoire de cette musique : leur justesse absolue, leur classe, leur manière tellement déchirante de parler de la vie quotidienne du loser ordinaire, leur capacité à chanter du rock américain « classique » avec une énergie « punk » et des mélodies superbes. Tout le monde ou presque est passé à côté de ce groupe, et maintenant ils sont oubliés même par ceux qui s’arrogent le droit d’écrire l’histoire. Après tout, ce n’est pas si grave puisqu’on peut toujours assez facilement écouter leurs albums… Jusqu’à quand ?

On ne parle pas assez de The Menzingers, l’un de ces dizaines, non de ces centaines de groupes de Rock US qui s’échinent dans des trous perdus à parler de la vie quotidienne de l’homme ordinaire, pas si loin d’une vision « springsteenienne » des Etats-Unis, mais avec une énergie « punk » qu’ils perpétuent en dépit des clichés que véhicule désormais cette musique, et avec des mélodies faciles à chanter, et même à retenir. The Menzingers, ils ne sont pas vraiment du même niveau que The Replacements, mais ils s’en approchent assez pour qu’on les aime sans pour autant avoir l’impression d’écouter une simple copie d’un grand groupe du passé.

The Menzingers existent depuis 2006, et ce Some Of It Was True (joli titre, assez typique de l’approche réaliste, sincère parfois humoristique des choses qui caractérise le songwriting de Greg Barnett) est leur huitième album, sans que les compteurs du succès commercial aient largement bougé, alors que leur album de 2012, On The Impossible Past, avait attiré l’attention sur eux de la critique musicale . On imagine que The Menzingers, qui ont gardé toutes ces années leur line up original, font la fierté de Scranton, cette ville moyenne de Pennsylvanie située à deux heures de New York dont ils sont issus : que Scranton ne soit pas connue internationalement ne l’empêche pas d’être surnommée « electric city », ce qui est assez joli quand on y joue du rock’n’roll, non ? L’une des nombreuses choses intéressantes avec The Menzingers, c’est que, pour un groupe qui a toujours revendiqué une sorte d’énergie juvénile dans sa musique, et qui, du coup, bénéficie d’une excellente réputation scénique, la question des années qui passent, de l’âge, de la maturité est fondamentale : comment jouer du punk rock quand on approche la quarantaine, et que la vie continue à vous surprendre chaque jour par les mauvaises surprises qu’elle vous réserve ? La réponse se trouve, en petits morceaux, dans chacun de leurs albums, et dans ce Some Of It Was True, qui, sans atteindre l’excellence de On The Impossible Past, apporte sa pierre à l’édifice : survivre musicalement, c’est avant tout écrire de bonnes chansons, à la fois facilement mémorisables et parlant de choses qui toucheront au cœur ceux et celles qui les écoutent !

Hope Is A Dangerous Thing, qui ouvre l’album, est un exemple parfait de ce travail impeccable d’artisans musicaux : « I passed a restaurant burned to the ground / And a dollar store with a burned out “A” / I laughed thinking that I relate / And I’m the junk you buy then throw away » (Je suis passé devant un restaurant entièrement incendié / Et un magasin à un dollar avec un « A » grillé / J’ai ri en pensant que je me sens pareil / Et que je suis la camelote que vous achetez puis jetez). Comment mieux chanter la tristesse d’aimer quelqu’un qui aime quelqu’un d’autre et de continuer chaque jour à espérer, envers et contre toute logique, que de parler de cet environnement urbain lui-même décati. Et pourtant, la chanson – dont les paroles nous brisent le cœur – est pleine d’énergie, joyeuse presque. Donne envie de continuer à se battre, de continuer à vivre. The Metzingers, quoi, pas si loin de Springsteen… Plus loin, Some Of It Was True est encore plus poignant, et aborde avec une lucidité jamais prise en défaut, mais également non départie d’humour, le piège de la nostalgie : « The older I get the less I know / And I knew nothing then » (Plus je vieillis, moins je sais / Et je ne savais rien à l’époque !). A l’inverse, Try est une sorte d’hymne punk, à la limite du Power Pop d’ailleurs, qui voit Barnett baisser les bras devant l’inanité de tous ces efforts inutiles, et qui pourtant devrait déclencher de bien beaux moments de joie dans les moshpits !

Come On, Heartache, l’un des quelques morceaux lents parmi les 13 qui composent l’album, est l’un des exemples les plus criants de ce classicisme US mal dissimulé par l’esprit punk rock du disque : sur le thème rebattu de la tristesse amoureuse, la qualité des mots, la force des métaphores de Barnett font la différence (« Come on hеartache, don’t hurt me no more / I’m waving a whitе flag at the foot of your shores / In the middle of the night, got me bleeding out for more » – Allez, chagrin d’amour, ne me fais plus mal / J’agite un drapeau blanc au pied de tes rivages / Au milieu de la nuit, tu m’a fait saigner d’envie d’en avoir plus…). Take It To Heart est un morceau presque « radio-friendly » (une radio « Classic Rock » bien sûr…), sur une structure qui swingue joliment, mais qui ne craint pas de monter en intensité quand la voix de Barnett se brise presque de douleur (« Some days, spiral in the worst ways / I follow ’em down till I can’t turn back around » – Il y a des jours qui s’effondrent en spirale de la pire des manière / Je les suis jusqu’à ce que je ne puisse plus faire demi-tour).

Une chanson déchirante comme Alone In Dublin, empreinte de ce sentiment de solitude infinie que l’on peut ressentir, perdu une nuit dans une ville inconnue, loin de celui ou celle qu’on aime, n’évite sans doute pas certains clichés, mais il ne faudrait pas réduire The Menzingers à une peinture auto-complaisante de sentiments égotiques. Un titre colérique comme There’s No Place in This World for Me a été inspiré au groupe par des fans de Russie leur parlant de leur incapacité de vivre dans une société en guerre. Et la conclusion de l’album, Running in the Roar of the Wind, rappelle à point nommé qu’il est toujours possible de se relever et de repartir en courant vers l’avant, à condition d’essayer : « It’s so hard to be hopeful / I’m a total wreck on the inside / It’s so hard to be hopeful but I promise you I’ll try / Always see the big picture / Found faith in the future / … / To keep on running in the roar of the wind » (C’est si difficile d’avoir de l’espoir / Je suis complètement détruit à l’intérieur / C’est si difficile d’avoir de l’espoir mais je te promets que j’essaierai / de toujours regarder au delà / J’ai retrouvé la foi en l’avenir / … / Pour continuer à courir dans le vent qui rugit).

Continuez donc à courir, les amis, cette énergie-là nous est tellement précieuse !

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