"Saltburn" d'Emerald Fennell : predator...
Soyons clair, Saltburn n'est ni une horreur - comme les détracteurs du travail il est vrai discutable de la surcotée Emerald Fennell voudraient qu'il soit -, ni un grand film, comme ceux qui aiment les films "monstrueux" le clament : c'est juste une très belle histoire, avec quelques scènes excellentes (et on ne vous parle pas de la scène de la baignoire, qui bat des records dans les domaines de la déviance et du répugnant...), avec des acteurs en pleine possession de leur Art, qui nous régalent pendant deux heures et quart de situations de plus en plus déviantes, de plus en plus outrées.
Cet histoire de jeune arriviste prolétaire qui s'incruste au sein d'une famille de la très haute aristocratie britannique n'est pas très originale a priori, et la plupart des cinéphiles ont pu retracer une filiation de Saltburn par rapport à des films au pedigree plus respectable : ce n'est pas à notre avis, très important, car Fennell cherche, et trouve souvent, de nouvelles façons de raconter cette vieille fable de prédation chez les riches.
On pourra ainsi apprécier le changement régulier de genre du film - puisqu'on part d'une chronique sociale plutôt réaliste parmi les étudiants plus ou moins riches et bien nés de l'université d'Oxford, pour en arriver à un thriller finalement assez classique - dont on aura certainement deviné assez rapidement les tenants et les aboutissants (ce qui rendent les explications finales, même rapides, superflues). Avec, entre les deux, et c'est sans doute là où Saltburn est le plus intéressant en dépit de quelques dérives vers le mauvais goût absolu dont on se serait passé, toute une partie quasiment fantastique qui est plutôt bien construite et témoigne d'un joli talent de mise en scène.
En ce qui concerne l'interprétation, elle est de manière uniforme excellente : Jacob Elordi, solaire, a un charisme diabolique sur lequel l'intrigue peut se construire de manière solide, tandis que Barry Keoghan est un formidable caméléon autour duquel tourne toute l'ambiguïté du film.
A condition qu'elle abandonne ses velléités de provocation gratuite, Emerald Fennell pourrait bien nous surprendre encore plus positivement avec ses prochains films.