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Le journal de Pok
8 janvier 2024

"Priscilla" de Sofia Coppola : Priscilla reine de Graceland

Priscilla affiche

Il y a suffisamment de détracteurs – parfois assez violents – du cinéma de Sofia Coppola pour que nous précisions d’emblée que nous n’en faisons absolument partie, et que nous avons toujours, même dans les films plus faibles de sa filmographie irrégulière, trouvé un style, une inspiration qui la positionnait comme un véritable « auteur » au sein d’un cinéma US qui n’en compte pas tant que ça. Cette mise au point, cette introduction prudente, pour ne pas être qualifié de subjectivité dans notre opinion vis à vis d’un film qui doit certainement être le plus mauvais qu’elle nous ait jamais offert, ou en tout cas le plus profondément vide. Et ennuyeux. Et ce même si on est bien tous d’accord que la vacuité de la vie et l’ennui sont les deux sujets incontournables chez Coppola : cette fois-ci, ce n’est pas seulement à l’écran qu’ils s’épanouissent, mais bel et bien dans la salle !

Et pourtant Priscilla – co-produit par Priscilla Beaulieu (ou Wagner), épouse d’Elvis Presley, d’après ses propres mémoires, Elvis et Moi – a un sujet en or : le King ! Après le film épuisant mais indiscutablement brillant de Baz Luhrmann, comment ne pas avoir envie d’explorer ce qui est un réel angle mort d’Elvis, sa relation avec les femmes ? Le problème est d’en faire quelque chose qui tienne du « film », avec des personnages auxquels on s’intéresse, qui aient une véritable psychologie au delà des incontournables et forcément nombreux clichés sur Elvis, Graceland, les sixties et les seventies, etc. Or il semble que Coppola fasse ici exactement ce dont ses détracteurs l’accusent, c’est se concentrer sur de belles images soignées, retrouvant dans les coiffures, les vêtements, la décoration des intérieurs, les voitures et… les comportements des personnages la « vérité » de l’époque dans laquelle ils évoluent… sans ajouter quoi que ce soit de plus dans ses deux heures de film.

On peut blâmer Jacob Elordi pour le fait que, hormis en affichant son charisme personnel indéniable, et hormis vocalement – il ne fait guère d’effort pour « être » le King : c’est probablement que nous le comparons instinctivement à l’indépassable performance d’Austin Butler dans Elvis. On peut aussi regretter que Cailee Spaeny, récompensée à Venise par un prix d’interprétation qui aurait dû revenir à Emma Stone (Pauvres Créatures), joue tellement subtilement l’adolescente de 14 ans fragile comme la jeune femme qui s’ennuie que Coppola a jugé qu’il était inutile de figurer physiquement son vieillissement à l’écran pendant les 13 années (de 1959 à 1972) qui s’écoulent sous nos yeux !

Sinon, on n’apprendra pas grand-chose de nouveau, ni d’intéressant dans Priscilla, si ce n’est que la pauvre fille a passé une grande partie de ces treize années de sa vie partagée avec le King plus ou moins prisonnière à Graceland, à s’ennuyer à mourir, tandis que lui se donnait du bon temps avec toutes les starlettes qui étaient à l’affiche des misérables films qu’il tournait à l’époque. Qu’Elvis et Priscilla s’aimaient profondément, même si – oh shocking ! – le King n’était pas trop porté sur le sexe avec sa compagne / femme, qui est donc dépeinte ici comme en état d’insatisfaction sexuelle permanente : un doute demeure dans notre esprit, s’agit-il là d’une réécriture de la réalité pour éviter que l’image du King soit entachée de soupçons de pédophilie (Priscilla n’avait que quatorze ans quand elle a rencontré Elvis, qui, à 24 ans, faisait son service militaire en Allemagne) ? Et, ce qui ne surprendra personne, qu’Elvis, en homme de son époque, considérait que le rôle de son épouse était d’être au foyer et de lui donner des enfants. Rien qui puisse faire accuser le film de « féminisme outrancier », d’ailleurs, les défauts les plus singuliers du King résidant dans ses lubies fantaisistes, assez typiques de toute Rock Star qui se respecte !

Mais il faut bien admettre que, même sans un scénario palpitant, Sofia Coppola aurait pu faire un minimum de travail pour approfondir ses personnages, pour les « humaniser » à l’écran, pour faire naître en nous un peu d’empathie. Pour faire un peu de Cinéma, avons-nous envie d’écrire, au lieu de nous offrir un beau livre d’images que nous feuilletons avec un ennui croissant au fil de deux très, très longues heures.

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