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Le journal de Pok
20 novembre 2023

"Insubmersible" de Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin : « I crossed the ocean for a heart of gold »

Nyad affiche

Diane Nyad n’est pas vraiment connue en France, alors qu’elle est très célèbre aux USA depuis l’exploit qu’elle a réalisée alors qu’elle avait déjà 64 ans : cette nageuse marathonienne aux nombreux succès dans sa jeunesse a en effet décidé de retenter une épreuve qu’elle n’avait pas réussie dans sa jeunesse, traverser à la nage les 165 kilomètres – infestés de requins et d’autres bestioles pas très sympathiques – séparant Cuba de Key West, l’île la plus extrême de la Floride. Diane redevint alors une célébrité médiatique et apparut dans diverses émissions TV populaires. Malheureusement pour elle, sa performance ne fut pas homologuée du fait de l’absence d’une observation indépendante et d’une documentation suffisante de la traversée. Diane fut en outre régulièrement accusée, sinon de tricherie, mais tout au moins d’embellir ses performances, ce qu’elle admit plus ou moins ouvertement…

Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin sont deux producteurs et réalisateurs de documentaires qui connurent une reconnaissance assez large avec leur Free Solo, narrant l’ascension sans équipement par un alpiniste d’un « mur » de 900 mètres dans la vallée Yosémite. Avec des films régulièrement consacrés à des exploits sportifs et à des sites naturels spectaculaires, il était logique que l’histoire de Diane Nyad les intéresse, et constitue la matière de leur premier film non pas réellement de fiction, mais tout au moins consacré à la re-création par des acteurs et à la mise en scène d’une performance réelle. Et il faut reconnaître que la grande force de Insubmersible (encore un titre français manquant de finesse, alors que le nom de la nageuse, utilisé dans le titre original, signifiant « naïade » en grec, est idéal) réside dans son interprétation, en particulier par le trio central d’acteurs : Annette Bening, qui présente une ressemblance acceptable avec la véritable Diane, Jodie Foster, qui crève littéralement l’écran et prouve une fois encore combien elle est brillante, et le trop rare Rhys Ifans, livrent tous trois une prestation d’une justesse remarquable.

La première partie du film, décrivant avec beaucoup d’empathie les rapports entre Diane et son amie Bonnie, est un véritable bonheur de cinéma, et laisse attendre un grand film… qui n’adviendra pas réellement. La personnalité excessive, quasi mégalomaniaque de Nyad est exposée de manière claire mais bienveillante, et la relation d’amitié entre les deux femmes est particulièrement crédible et nuancée.

La suite, malheureusement, ne sera pas au même niveau. Les flashbacks, revenant sur l’origine de l’amour de Diane pour la mer et pour la natation, et sur le viol dont elle fut victime de la part de son entraîneur, sportif US célèbre qu’elle admirait beaucoup, sont probablement trop rapides, trop superficiels, pour que les sujets qu’ils évoquent, clairement fondamentaux dans la construction de la personnalité, et peut-être de la sexualité de Diane, soient correctement traités. La création de l’équipe qui accompagnera les tentatives de Diane est une étape intéressante, mais le personnage de John Bartlett, le spécialiste des courants marins, subtilement incarné par Rhys Ifans, phagocyte naturellement l’écran, tandis que les autres membres de l’équipe ne seront tout au long du film que de lointains figurants. Quand on en arrive aux tentatives successives de réaliser la traversée, qui se solderont d’abord par des échecs, le film peine à représenter de manière détaillée et exhaustive – comme l’aurait fait un vrai documentaire, en fait – les défis présentés par le projet, et les solutions élaborées pour y répondre : le désir de créer un « spectacle » simple et compréhensible par tous l’emporte trop souvent sur les faits, et cette approche « commerciale », si elle est logique pour un projet Netflix, se fait par trop au détriment de la profondeur du film.

C’est finalement quand, dans sa dernière ligne droite, Insubmersible assume pleinement sa dimension de « spectacle grand public » et actionne les leviers habituels du « film sportif », avec un message final stéréotypé – très « américain » – sur la nécessité de ne jamais abandonner, et de travailler en équipe, que l’émotion – même convenue – ressurgit. Difficile de ne pas vibrer sur le Heart of Gold de Neil Young illuminant les moments forts de la « victoire » de Diane Nyad.

Il reste que l’on se retrouve en face d’un film se contentant de traiter les aspects les plus superficiels d’une histoire qui aurait mérité un traitement moins simpliste, que ce soit à propos des traumatismes qui ont fait de Diane ce qu’elle est, ou, mieux encore, à propos de ses comportements excessifs et de sa tendance, désormais reconnue, à mentir et à enjoliver la réalité. Diane étant toujours vivante, les réalisateurs ont-ils hésité à livrer un film plus nuancé et donc potentiellement conflictuel ?

Commentaires
K
Je n'avais pas entendu parler de ce filme et de cette histoire, mais effectivement traverser à keywest c'est assez courageux. j'ai hate de voir
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