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Le journal de Pok
27 octobre 2023

Poussières d'étoile : "David Bowie Narrates Prokofiev’s Peter and the Wolf" (1978)

Pierre et le Loup pochette

Mais pourquoi donc inclure ce David Bowie Narrates Prokofiev’s Peter and the Wolf dans notre rétrospective de la discographie de Bowie, alors qu’il s’agit après tout d’un disque « anecdotique », qu’on ne parle ici « que » de la narration d’une œuvre « du patrimoine » classique que « tout le monde connaît ». Tout le monde ? Pas si sûr, de nos jours, où on n’élève plus guère les enfants en les éduquant à la musique classique, à la différence de l’époque de Bowie où la quasi totalité des foyers « bourgeois » avaient dans leur maigre discothèque un vinyle de Pierre et le Loup que l’on « forçait » régulièrement les rejetons à écouter…

Rappelons que l’idée, géniale en fait, de Prokofiev, brillant pianiste et compositeur russe à la fois honoré et persécuté par Staline, consista à écrire un conte musical destiné à éveiller l’intérêt des enfants pour la musique. Mais surtout un conte où chaque personnage (Pierre, le loup, les chasseurs, et tous les protagonistes animaux…) est représenté par un instrument spécifique, dont la sonorité évoque la personnalité. Et même si les sentiments des personnages (joie, crainte, fierté, etc.) sont délicieusement évoqués par la musique, le conte avait besoin d’un narrateur, une sorte de voix off qui commente et explicite l’action que l’auditeur doit imaginer à partir de la musique. Même si ce n’est pas le sujet de cette chronique, soulignons que les mélodies de Prokofiev sont particulièrement accrocheuses et que la réussite du projet, tant pédagogiquement que musicalement est totale.

Fermons donc les yeux : on est en 1977, et Bowie vient de boucler Heroes. On raconte qu’il serait en vacances avec son fils de set ans, Duncan (appelé à l’époque Zowie !) quand il est contacté par les Studios RCA qui cherchent un narrateur pour une nouvelle version de Pierre et le Loup, qui sera interprété par l’Orchestre de Philadelphie, dirigé par Eugene OrmandyBowie n’est pas leur premier choix, les compétences de « l’acteur Bowie » n’étant guère, c’est le moins que l’on puisse dire, reconnues par la critique, et des pointures comme les géniaux Alec Guiness et Peter Ustinov auraient déjà décliné l’offre. C’est pourtant une très belle idée, à la fois commercialement vue l’aura grandissante de Bowie dans le monde artistique (sans qu’il soit trop cher, n’étant pas encore une véritable star planétaire…), et artistiquement, car il a une voix particulière, reconnaissable entre mille. On dit que Bowie accepta cette offre car il voulait ainsi offrir un cadeau de Noël à son fils, mais quoi qu’il en soit, il se consacra avec sérieux et application à cette tâche, livrant une prestation à la fois un peu « scolaire » (pas de folies ici !) et finalement extrêmement riche. Et humainement touchante, comme cela fut pointé par la critique de l’époque.

A l’époque, l’édition originale, non agrémentée de morceaux bonus comme aujourd’hui, de l’enregistrement fut publiée par sous le label « musique classique » de chez RCA, mais quand même – le Marketing faisant son travail – agrémenté sur la pochette d’une belle photo de Bowie prise par Michael Ochs en 1976. Et nombreux furent les fans, comme nous, qui se précipitèrent sur le disque, excités à l’idée d’entendre leur star absolue réciter un texte, de sa voix parlée qui fait très « english class », pendant 30 minutes (On vous parle bien sûr d’une autre époque où musiques et images de Bowie étaient d’une rareté qui les rendaient d’autant plus précieuses). L’album fit donc même une entrée dans les charts, preuve que RCA avait eu le nez creux.

Et Duncan, comme chacun d’entre nous d’ailleurs l’année suivante, eut son cadeau de Noël le 25 décembre 1977.

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