"Le règne animal" de Thomas Cailley : la métamorphose
L'épatant les Combattants, qui date déjà de neuf ans, nous avait déjà convaincus que Thomas Cailley était un nouvel auteur (réalisateur et scénariste) à suivre, tant il était à la fois original dans son propos et perpétuateur du meilleur du grand cinéma français. Le règne animal confirme magnifiquement ce potentiel, en allant un pas plus loin dans une franche "science-fiction" bien de notre époque (la mutation humaine en créatures animales, qui soulève aussi bien la question fondamentale du "vivre ensemble" que celle de la perte du lien entre l'homme et la nature).
Mais le règne animal n'est finalement qu'à peine un film de genre, en dépit d'effets spéciaux en général bien troussés et d'un certain nombre de scènes "d'action" impeccablement réalisées (qui n'ont rien à envier au cinéma commercial US, pour le coup) : le cœur battant du film est purement "psychologique" (on en voit parmi nos lecteurs qui commencent à s'inquiéter, voire à fuir), travaillant à la fois en profondeur et en finesse la question de l'acceptation par un père du départ d'une épouse aimée, puis de l'envol d'un fils à son tour touché par la métamorphose.
Le règne animal joue parfaitement une partition classique - avec panique de la société ne sachant comment gérer la mutation qui s'amplifie, et rejet de la différence par les franges les plus extrémistes de la population, qui prennent littéralement les armes -, mais enchante quand il se focalise sur les rapports entre père et fils : Romain Duris, exquis, tient probablement ici le meilleur rôle de sa carrière, loin des facilités sympathiques auxquels il est régulièrement abonné, mais c'est son alchimie avec l'étonnant Paul Kircher (le lycéen) qui permet au film de monter de manière stratosphérique en termes d'émotion.
S'il fallait déplorer quelque chose, c'est l'inutilité du personnage de la gendarme (Adèle Exarchopoulos, sous-exploitée) et une certaine baisse de tension sur la fin (qui était aussi une caractéristique des Combattants), heureusement compensée par de superbes intuitions visuelles dans la manière dont la nature et la nuit sont filmées. On notera aussi - il vaut mieux que le spectateur soit averti - que certaines scènes de "mutation" (qui n'a rien du processus rapide et "facile" décrit dans les productions états-uniennes) sont aussi éprouvantes que chez un Cronenberg.
En résumé, même si le règne animal n'est pas encore le chef d'œuvre qu'on est en droit d'attendre de Thomas Cailley, c'est l'un des films les plus impressionnants de la rentrée.