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Le journal de Pok
19 septembre 2023

"Le livre des solutions" de Michel Gondry : L'artiste, ses copains, son nombril et son public...

Le livre des solutions affiche

La réception d'un film, vu en salle, et la perception qu'on en retire sont évidemment - même si on n'en parle pas assez - énormément liées aux circonstances. Le Livre des Solutions a été acclamé à Cannes par une salle toute entière acquise à Michel Gondry, et séduite par la problématique mise en lumière par le film : celle des tourments de l'artiste soumis à une multitude de pressions, venant d'abord des décideurs et producteurs, toujours susceptibles de couper les fonds et de tuer le projet, celle de l'équipe elle-même, acteurs et techniciens... Mais aussi celle, plus intime, plus courageuse de la part de Gondry, des troubles psychologiques de l'auteur, qui sont à la fois générateurs d'idées créatives et obstacles dans leur matérialisation en un objet artistique fini. Tout cela est bel et bien dans le film, et constitue le grand intérêt de l'approche de Michel Gondry, telle qu'on la comprend dans le livre des solutions...

Le problème est que l'expérience est bien différente quand on visionne le livre des solutions dans la salle quasiment vide d'un multiplexe un samedi soir, entouré d'un public qui n'est pas forcément intéressé par les problématiques de l'artiste, mais est là pour rire, pour pleurer, pour s'émouvoir. On voit alors un film qui ne fonctionne que très mal : les gags ne sont jamais vraiment drôles (les deux ou trois qui le sont étaient dans la bande-annonce), les personnages - hormis celui de la tante, avec une Françoise Lebrun touchante - ne génèrent que très peu d'empathie, sans même parler de sympathie, et surtout la logique des comportements comme de l'action (avec l'histoire de la mairie du village, la disparition inexplicable de la productrice Sylvia, la réapparition violente de Samuel...) est extrêmement déficiente. Et le fait de justifier ce manque de structure par une prépondérance de l'imagination me semble un alibi assez faible, pour le coup : dans les meilleurs films de Gondry, comme Eternal Sunshine... évidemment, la qualité de la forme ne contredisait pas la puissance imaginaire du récit.

Dans le cinéma où j'ai vu le film, plusieurs personnes s'étaient endormies pendant la projection (une ronflait même allègrement), et un silence - un peu consterné - régnait entre les couples et les familles qui quittaient la salle. Un signe clair pour moi que Gondry, s'il avait séduit les festivaliers cannois, aura bien du mal à embarquer dans son délire nombriliste et très peu convaincant un public moins acquis d'avance.

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